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11 juillet 2014 -- Solennité de saint Benoît, patron de l'Europe
Prov. 2,1-9; Col. 3,12-17; Luc 22,24-27
H O M É L I E
C’est en 1964, durant la seconde
session du Concile oecuménique et la première année de son pontifical, que Paul
VI proclama saint Benoît « Patron de l'Europe ».
Benoît vécut et fonda son monastère de
Monte Cassino, après celui de Subiaco, au 6ème siècle, à l'époque où
l'Empire romain d'Occident s'écroulait sous les invasions barbares. Sa rencontre avec Totila, racontée par saint
Grégoire, est un puissant symbole de la rencontre de l'Esprit ancien du
Christianisme, représenté par Benoît, avec la vitalité bouillonnante des
peuples nouveaux, représentée par Attila.
C’étaient
les débuts de l’Europe. Dans le long processus de regroupement de ces peuples
nouveaux, d'abord dans l'Empire de Charlemagne – qu’un poète de la fin du 8ème siècle (Angibert) appelle « père de
l’Europe » -- puis tout au long de l'histoire mouvementée de la Chrétienté
médiévale, les monastères qui vivaient selon la Règle de saint Benoît, jouèrent
un rôle capital. C'est sans doute
pourquoi Benoît a été déclaré par Paul VI « patron de l'Europe ». Mais il y a plus.
A l'âge des grandes révolutions, l'idée
de "nation", avec tout ce qu'elle comporte de fierté -- sinon
d'orgueil -- et de désir d'hégémonie, fit éclater cette Europe médiévale et
l'on vit se développer une Europe conquérante et colonisatrice. Elle fut alors rappelée
à l'humilité par la tragédie des deux guerres mondiales. Les conséquences tragiques des tensions entre
les nouveaux états-nations conduisirent quelques grands politiciens, un
Adenauer, un De Gasperi, un Schuman, souvent inspirés par le penseur Jean
Monnet, à développer l'idée d'une Europe nouvelle qui soit une communauté.
Paul VI, qui avait caressé un certain
temps un rêve de vie monastique, et qui avait été diplomate avant d'être Pape, était
très sensible à cette aspiration à une communauté européenne, et c'est
évidemment une autre raison pour laquelle il nomma saint Benoît patron de l'Europe. La Règle qu'écrivit Benoît pour les
communautés monastiques, vaut en effet tout autant, dans son inspiration
fondamentale, pour toute forme de communauté, y compris une communauté de
nations et de peuples.
Si l'inspiration communautaire de
saint Benoît a eu un tel succès à travers les siècles, c'est qu'elle ne fait
que donner une expression particulière au message de l'Évangile, et
spécialement à celui que nous trouvons dans l'Évangile d'aujourd'hui.
L'événement raconté par Luc se situe
au cours du dernier repas pris par Jésus avec ses disciples. Il vient de leur annoncer que l'un d'entre
eux le trahira ; et que font-ils ? Ils se
demandent qui parmi eux sera le plus grand dans son royaume – qu'ils conçoivent
encore comme un royaume temporel. Jésus
leur apprend de nouveau, par son exemple comme par ses paroles, qu'une
communauté ne peut se construire que sur la base d'un humble service mutuel et non par la domination des uns par les autres.
Au moment où Paul VI nommait Benoît
Patron de l’Europe, la « communauté européenne » vivait des débuts un
peu euphoriques. Le message de Benoît est sans doute encore plus actuel et plus
important aujourd’hui où aussi bien l’Europe elle-même que les pays qui la
composent sont déchirés par des tensions internes engendrés par l’égoïsme et l’auto-centrisme.
Le texte de Paul aux Colossiens nous
redit les conditions et le fondement théologique de toute communauté. Pour qu'une communauté soit vraie, chacun
doit de revêtir des sentiments suivants : d'abord la compassion (littéralement :
des entrailles de miséricorde) ; puis la bienveillance qui accompagne
nécessairement cette compassion et l'humilité qu'elle engendre. À cela s'ajoute
la douceur, qui doit souvent s'allier à la force de la patience ; car on
ne peut vivre ensemble – individus ou nations – sans avoir constamment à se
supporter et souvent à se pardonner – comme le Seigneur le fait sans cesse à
notre égard.
Mais pourquoi faire de tels efforts,
pourquoi s'acharner à construire des communautés, que ce soit la communauté
monastique ou la communauté européenne, alors qu'il est beaucoup plus facile de
suivre la pente naturelle de l'individualisme et de l'égoïsme. Les premiers mots du message de Paul aux
Colossiens nous donnent la réponse : C’est parce que nous sommes élus,
c'est-à-dire que nous avons été appelés – tous, en tant qu'enfants de Dieu --,
que nous avons été sanctifiés par Lui, et pour tout dire parce que nous sommes
aimés de Lui.
Confiants en cet amour, demeurons
fidèles à l'amour et au service mutuel.
Armand VEILLEUX
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