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1er novembre 2013 – Fête de tous
les Saints
Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
Homélie
Ces
paroles de Jésus sont des paroles surprenantes. Elles n’ont pas grand chose de
« religieux ». Il n’y est pas question de religion, même pas de
prière. Elles se réfèrent à la vie concrète – une vie où il y a des personnes
qui souffrent et qui sont consolées, de personnes soumises à leur sort et qui
finalement sont comblées, des personnes affamées et assoiffées de justice, des
personnes qui ont le coeur pur et qui travaillent pour instaurer la paix en ce
monde, mais aussi de gens pauvres et des persécutés. Un monde, somme toute, pas tellement
différent du nôtre. Et, à ce monde, Jésus
offre le bonheur. Un bonheur qui est à la disposition de tous, si au lieu de
courir après les idoles de l’argent et du pouvoir, on opte pour le règne de
Dieu. « Bienheureux les pauvres ; ils ont choisi le royaume des
cieux ».
Ce sont
tous ces gens heureux que nous célébrons aujourd’hui,
ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui. Ceux que nous avons connus au long de notre
propre existence et ceux qui ont vécu depuis le commencement des âges -- et que
nous connaissons aussi d’une certaine façon. La Toussaint n’est pas un monument
au saint inconnu, à l’instar de ces monuments « au soldat inconnu »
qu’on trouve dans les cimetières militaires, ou sur la place centrale de
certaines villes.
Ce que
nous célébrons, c’est la sainteté de Dieu incarnée dans des femmes et des
hommes de chair et de sang. Des gens ordinaires, avec leurs qualités et
leurs défauts, leurs vertus et leur péchés ; pas des paranormaux du
monde spirituel. Des personnes qui ont
vécu une sainteté possible et non une sainteté impossible.
Nous
célébrons aussi une réalité plus difficile à définir et qu’on appelle, dans le
langage toujours un peu obscur des livres de théologie et de spiritualité, la communion
des saints. En effet, tous ceux en
qui s’est exprimée dans le passé et continue de s’exprimer aujourd’hui la
sainteté de Dieu, forment une grande famille. Ils sont unis dans une grande
unité, une union, une communion – ensemble et avec Dieu. Nous en faisons
partie, nous qui croyons en Dieu, puisque, malgré toutes nos limites et même malgré
nos péchés, la sainteté de Dieu se manifeste un peu en nous. Et nous pouvons donc la percevoir en Lui et
dans tous ses saints, puisqu’elle ne nous est pas tout à fait étrangère.
On nous
demande parfois : « Où se trouve cette multitude des saints qui ont
vécu tout au long des siècles ? » -– Fausse question ! – Ils ne
se trouvent nulle part. Comme Dieu ne se trouve nul part. Au moment de la mort,
l’être humain, qui a été créé avec une participation à l’éternité de Dieu, ne
cesse pas d’exister. Il est simplement libéré des limites du temps et de
l’espace. Il est donc présent, comme Dieu, à tous les temps et tous les lieux
sans être emprisonné par aucun.
Puisque
toute notre connaissance dépend des images que nous nous formons des réalités
qui nous dépassent, lorsque nous pensons à la vie après la mort, nous ne
pouvons le faire qu’en images. Nous nous imaginons donc un lieu qu’on appelle le ciel. Nous nous imaginons aussi les conditions de vie dans ce
lieu. Tout comme nous nous imaginons qui
est Dieu. Évidemment il n’y a rien de
mal en cela. Au contraire nous ne pouvons
rien connaître sans utiliser des images, sans imaginer ainsi des
réalités qui dépassent l’imagination. L’important est de demeurer toujours conscient que ces images ne sont
que de petites intuitions d’une réalité qui nous dépasse infiniment – et qui
dépassent donc toute imagination.
Une
fois ceci compris, nous pouvons laisser de côté toute l’imagerie pieuse et souvent
de mauvais goût qui nous décrit soit des scènes
sentimentales du ciel soit des scènes affreuses de l’enfer. Mais nous pouvons en même temps trouver beaucoup
d’encouragement – et aussi de lumière -- dans les oeuvres des grands maîtres de
l’imagerie comme sont les grands poètes et les grands mystiques. Il vaudrait la
peine de relire aujourd’hui l’imagerie grandiose du Ciel, dans la Divine
Comédie de Dante. Mais, n’allons pas
si loin. Nous avions, comme première lecture, une description du ciel tirée de
l’Apocalypse de saint Jean. Si nous
recherchons une description exacte d’un « lieu » qui s’appellerait
« ciel », cette description est pour le moins déconcertante. Mais si nous essayons de pénétrer un peu plus
dans le mystère de cette communion qui nous unit à Dieu et à tous ceux qui nous
ont précédés dans le pèlerinage terrestre, nous trouverons cette imagerie d’une
grandiose beauté. Fermons les yeux, et imaginons-nous ces cent-quarante-quatre mille bienheureux vêtus de blanc se tenant debout
devant le trône de l’Agneau. On ne peut que désirer être du nombre, faire
partie de cette communion, se laisser envahir par le même bonheur.
Mais si
les images sont nécessaires, on ne vit pas dans un monde d’images. Il faut garder les deux pieds sur terre et
rouvrir vite les yeux. La recette de
bonheur de Jésus, ou ce qu’on appelle ses béatitudes, n’appartiennent
pas au monde des images. Jésus nous
ramène au contraire à la réalité – la réalité de tous les jours, où il y a des
pauvres à aider, des personnes tristes à consoler, des affamés à nourrir, des
victimes de la violence à sauver, la paix à rétablir -- même si tout cela peut nous
conduire à être victimes d’incompréhension ou de persécution. C’est en tout cela que se trouve le bonheur auquel
nous appelle Jésus – un bonheur inimaginable, car il est au delà de toutes les
images.
Armand VEILLEUX
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