28 mars 2013 – Jeudi Saint

Ex 12, 1...14;  1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15  

 

Homélie

 

          Vers la fin du Concile Vatican II, le 16 novembre 1965, une quarantaine d’évêques s’étaient réunis dans les catacombes de Domitilla, à Rome, pour y concélébrer une messe afin d’implorer la grâce de la fidélité à l’Évangile et aux pauvres. Ils y avaient été invités par Mgr. Charles-Marie Himmer, évêque de Tournai, mais ils  étaient en très grande majorité latino-américains. Ils y signèrent un texte qui fut présenté à la presse par Mgr. Helder Camara et fut diffusé parmi les Père Conciliaires la veille de la clôture officielle du Concile, le 7 décembre.  On lui donna humoristiquement alors le nom de Schéma XIV, en relation avec les 13 schémas qui avaient été préparés par la Curie romaine avant l’ouverture du Concile en 1962.  Mais ce texte fut connu surtout sous le nom de Pacte des Catacombes.  Les participants s’y engageaint à une vie de grande simplicité et de pauvreté auprès des fidèles et des prêtres de leurs Églises respectives.

 

          Ce document eut une influence spécialement en Amérique Latine et concourut sans doute à l’élaboration de l’option préférentielle pour les pauvres, qui caractérisa tellement cette Église et quelques-uns de ses grands évêques en particulier, Dom Helder Camara n’étant que le plus représentatif entre beaucoup d’autres. 

 

          On peut sans doute voir un geste d’humour de l’Esprit Saint dans le fait d’avoir donné récemment à l’Église de Rome un pasteur venant de cette Église d’Amérique Latine plus d’une fois malmenée par la Curie romaine.  François, notre pape, a, dès le premier jour de son pontificat, déclaré qu’il voulait une Église pauvre pour les pauvres; et il en a déjà donné de nombreux exemples.  Aujourd’hui il célèbre l’Eucharistie dans une prison de Rome et illavera les pieds des détenus.  On peut y voir un excellent commentaire de l’Évangile que nous venons d’entendre.

 

          Alors que Marc, Matthieu et Luc soulignent l’envoi des disciples en mission, Jean souligne davantage l’importance de la qualité de vie entre les disciples. C’est en effet la communauté des fidèles qui doit, en tant que communauté, être évangélisatrice en étant une expression vécue de l’Évangile.

 

          Ce n’est pas d’abord un exemple d’humilité que Jésus donne à ses disciples. C’est une leçon de service mutuel.  Jésus prend un repas avec ses disciples, avant la Pâque.  Ce repas n’est donc pas un repas pascal, puisqu’il est célébré avant la Pâques.  Il n’est pas ici question simplement des « Douze » ; Jésus prend ce repas avec « ses disciples », donc avec tous ceux qui l’ont suivi depuis la Galilée, parmi lesquels il y avait sans doute un bon nombre de femmes.  Si Jésus avait voulu donner un exemple d’humilité, il aurait lavé les pieds des convives au moment où ils arrivaient et entraient dans la maison, comme le faisait d’habitude un serviteur ou un esclave.  C’est plutôt au cours du repas qu’il le fait.  Il interrompt donc le repas, enlève sa tunique, puis se ceint d’un linge.  Après, il remet sa tunique, se remet à table explique ce qu’il a fait, et le repas continue sans doute. Jésus montre à ses disciples qu’entre eux il doit y avoir une attitude de service mutuel, tous ayant la même dignité, qu’ils soient maîtres ou disciples.

 

          L’Évangéliste Jean prend aussi grand soin de bien situer cet événement dans la vie de Jésus.  « Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde il les aima jusqu’au bout. » En réalité cette phrase introduit non seulement le récit du lavement des pieds mais tout le récit qui va suivre, jusqu’à la mort et la résurrection.

 

          Jean dit, quelques lignes plus loin, que Jésus, étant venu de Dieu retournait à Dieu. On peut comprendre ces paroles à la lumière de la belle hymne christologique qui a circulé très tôt dans l’Église primitive et que saint Paul introduit dans sa lettre aux Philippiens.  Cette hymne nous décrit l’Incarnation du Fils de Dieu comme un mouvement descendant dans lequel le Fils se vide en quelque sorte de sa divinité, se fait l’un de nous, se fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix, avant que ne commence le mouvement ascendant de retour au Père avec la Résurrection.  Quand Jean dit que Jésus a aimé les siens jusqu’au bout cela veut dire qu’il est allé jusqu’au bout dans ce mouvement descendant dans lequel il a partagé toute notre misère.  Et c’est à ce moment de sa vie qu’il donne à ses disciples le leçon du lavement des pieds, la leçon du service mutuel.

 

          Lorsque Pierre ne veut pas accepter de se faire laver les pieds et que Jésus lui dit : «  Si je ne te lave pas les pieds, tu n’as pas de part avec moi (au présent et non au futur dans le texte original), le sens n’est pas une sorte de menace mais bien une façon de dire : « Tu n’as rien compris à ce que je suis et à ce que je fais ».

 

          Une autre chose qu’il importe de remarquer dans ce texte si riche, c’est qu’il y est constamment question de « faire » et non pas simplement de sentiments.  Pour Jésus les sentiments doivent toujours s’incarner dans des actions concrètes.  À la fin, Jésus dit à ces disciples : « Comprenez-vous ce que j’ai fait ? ... je vous ai donné un exemple pour que vous fassiez vous aussi ce que je vous ai fait ».

 

          En notre temps où l’Église, dans nos contrées,  vit un peu une situation de Catacombes, que cette Eucharistie soit pour nous tous une sorte de « pacte » et d’engagement, à l’instar du « Pacte des Catacombes » dont j’ai parlé au début.

 

Armand Veilleux

 

 

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