5 février 2013 – mardi de la 4ème semaine ordinaire
Héb 12, 1-4; Mc 5, 21-43

H O M É L I E

(Ouverture de la Conférence régionale CNE

Abbaye de Laval, France)


          Ce récit évangélique est très bien construit.  Presque chaque détail y est chargé d'une signification symbolique;  et nous n'en percevrons  certainement pas tout le message, si nous le lisons simplement comme une belle "histoire".  L'histoire n'est là que pour servir de support au message;  et ce message concerne la vie, sa restauration et son entretien. Et il me semble que cela est tout à fait adapté au contexte de l’ouverture d’une Conférence Régionale, puisque la seule chose qui va réellement nous concerner au cours de cette semaine est la vie – la vie de nos communautés – comment la nourrir et l’entretenir et, au besoin, la restaurer.
          Ce n'est pas par accident que l'on a ici deux récits en un;  et il n'y a pas de raison sérieuse de penser que les deux événements soient arrivés en même temps et le même jour.  Les deux récits sont réunis par l’Évangéliste parce qu'ils ont beaucoup en commun et véhiculent le même message.      
          Il s'agit, dans chaque cas, d'une femme.  Évidemment, la femme a une relation très spéciale à la vie.   Elle donne la vie à son enfant après avoir pris soin de cette vie nouvelle dans son sein durant neuf mois, et elle continue d'en prendre soin encore longtemps après la naissance.  Dans la culture sémitique, donner la vie était pour une femme l'honneur le plus élevé aussi bien que le devoir le plus important.  Et, bien sûr, chaque femme juive nourrissait le secret espoir d'être elle-même la mère du Messie.
          Les deux femmes de notre évangile ont en commun d'être privées de la possibilité de remplir ce devoir et de recevoir cet honneur -- la première à cause de sa mort à l'âge de douze ans -- âge de la puberté légale, et âge auquel la jeune fille juive était ordinairement donnée en mariage (il ne s'agissait donc pas d'une "enfant", mais d'une jeune femme nubile) -- ; la seconde à cause de son type d'infirmité (dont elle était affligée depuis douze ans -- le chiffre est à remarquer) qui la rendait impure selon la Loi, et excluait donc pour elle tout contact avec les hommes et la privait de la possibilité d'être mère.
          Elles sont, toutes deux, rendues par Jésus à la plénitude de la vie, à leur pleine féminité, et sont donc rétablies dans leur rôle de donatrices potentielles de la vie.  En les guérissant, Jésus se révèle lui-même comme celui qui rend la vie.  Le plus ancien titre du Christ, dans l'Église syriaque était  "celui qui donne la vie".  Lorsque  Jésus, à la fin du récit,  commande de donner à manger à la jeune femme, il se révèle aussi comme celui qui nourrit la vie.  Il est celui qui donne et restaure non seulement la vie "spirituelle", mais la vie "humaine", une vie qui est à la fois physique, psychique et spirituelle.
          En faisant cela Jésus nous rappelle la beauté et la valeur de la vie -- de toute forme de vie: la vie, belle, charmante et fragile, d'un enfant en pleine santé aussi bien que celle d’une personne âgée et malade.  Jésus se préoccupe de toutes les formes de vie, et dans toutes les situations : il se préoccupe de la vie violemment arrêtée de l'embryon humain, mais aussi de celle des enfants mis au monde mais qui ne peuvent se développer normalement par suite du manque de nourriture, d'habitation, d'instruction, de travail ou d'autres opportunités normales. Il se préoccupe de  la vie des personnes prises en otage, comme aussi de celle de nations entières retenues otages des calculs politiques et économiques.  Il se préoccupe aussi de la vie des personnes bien nourries et ne manquant d'aucun bien matériel mais qui ne parviendront jamais à pleine maturité par suite du manque d'amour, de compréhension, de compassion, de pardon.
          Dans l'évangile d'aujourd'hui Jésus nous est révélé comme celui qui donne et qui nourrit la vie, toutes les formes de vie.  Nous tous, quelle que soit notre vocation ou nos responsabilités au sein de nos communautés, sommes appelés, à l'exemple du Christ et chacun selon notre façon propre, à donner la vie, à la nourrir et, le besoin échéant, à la rétablir.
          Et c'est parce que nous croyons en cette mission reçue du Christ, en qui nous partageons la même foi, que nous voulons, encore ce matin, recevoir ensemble le Pain de la Vie.

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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