11 juillet 2013 -- Solennité de saint Benoît

Prov. 2,1-9; Col 3, 12-17 ; Matt. 19, 27-29

 

H O M É L I E

 

 

          La vie éternelle.  Les derniers mots de ce passage d’Évangile que nous venons de lire indiquent bien le thème central de cette péricope que nous retrouvons sous une forme assez identique dans les trois Évangiles synoptiques (malgré des détails propres à chacun des Évangélistes).  Même si le lectionnaire ne nous fait lire que la deuxième partie de ce récit évangélique, il faut le prendre en son entier pour bien le comprendre.

 

          Ce récit commence en réalité par la question du jeune homme riche qui demande à Jésus : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle » ; et il se termine par cette réponse de Jésus à Pierre : « Quiconque aura quitté, à cause de mon nom, maisons, frères, soeurs, etc. ... aura en héritage la vie éternelle ». Il s’agit de vie, du début à la fin.

 

          Au jeune homme riche, qui s’enquérait sur les moyens d’obtenir la vie éternelle, sans vraiment la désirer, Jésus avait fait l’invitation de tout quitter et de le suivre.  Comme il lui manquait l’intensité du désir, où il aurait trouvé sa joie, il ne put abandonner les biens qui le liaient au monde matériel, et il s’en retourna tout triste.  Jésus avait alors partagé avec ses disciples des réflexions sur la difficulté pour celui qui a de grands bien d’entrer dans le Royaume de Dieu.  C’est alors que Pierre prit la parole pour dire : « Eh bien ! nous, qui avons tout quitté et qui t’avons suivi, qu’aurons-nous en partage ? ». 

 

          Tout à fait logiquement, Pierre mentionne d’abord le fait d’avoir tout quitté, puis ensuite celui d’avoir suivi Jésus.  C’est évidemment l’ordre chronologique.  Mais Jésus, dans sa réponse, qui comporte deux parties, renverse cet ordre : Il dit d’abord : « Vous qui m’avez suivi... » puis, dans un deuxième temps : « Quiconque aura quitté... ».  Et tous recevront en partage la vie éternelle.  Ainsi la boucle est refermée, la pleine réponse est donnée à la question du jeune homme riche : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ».

 

          L’éternité transcende le temps et l’espace.  Le propre de ce qui est éternel est précisément de ne pas être lié à aucun moment et aucun lieu.  Il serait donc tout à fait erroné de situer la vie éternelle dans un avenir lointain, comme quelque chose qui viendra après la mort.  Quiconque a la vie éternelle ne vit pas dans l’avenir mais dans un éternel présent, dans une continuelle communion et une continuelle présence.

 

          L’Apôtre Jean a été fasciné par ce mystère de la vie éternelle et c’est sans doute pourquoi il semble prendre plaisir à rapporter toutes les paroles de Jésus qui en parlent : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle... » (Jean 3,36) ; « Celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle » (Jean 5,24) ; « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jean 6,54) et enfin, à la dernière Cène, « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu... » (Jean 17,3).       

 

          Nous avons vu ce matin au Chapitre, comment saint Benoît imagine, dans le Prologue de sa Règle, un scénario où Dieu, cherchant son ouvrier dans la foule du peuple, dit : « Quel est l’homme qui aime la vie et désire des jours heureux ? ».  Toute la Règle sera conçue par Benoît comme un guide pour celui qui, à cette question, a répondu : « Moi ! », donc pour celui qui désire la vie.

 

          Cette Règle, depuis plus de 14 siècles, a conduit des foules de moines et de moniales dans la voie de la vie, les guidant dans le détachement graduel -- et toujours à refaire – à l’égard de tout ce qui est passager en vue d’un attachement toujours plus vrai et plus profond au Christ.

 

          Aujourd’hui, comme au temps de Benoît, comme tout au long des siècles qui nous séparent de lui, la seule raison de venir et de rester au monastère est de vivre en plénitude. Cette vie pleine nous la trouvons dans un attachement profond à la personne du Christ ; et elle suppose un détachement à l’égard de tout ce qui n’est pas Lui. C’est dans la mesure où nous vivons en profondeur ce détachement et cet attachement, que nous sommes capables de vivre en communion profonde non seulement avec les frères qui nous entourent et avec qui nous cheminons dans une communauté d’amour et de partage, mais aussi avec tous ceux et celles pour qui Jésus de Nazareth a vécu et est mort. Et nous y trouvons notre joie

 

          Puisse cet esprit de saint Benoît donner à notre monde d’aujourd’hui une ouverture toujours plus grande aux valeurs de partage, de communion et de paix qui sont toutes des expressions temporelles de cette vie éternelle apportée par Jésus.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

 

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