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Dimanche des Rameaux 2012
Is 50, 4-7 ; Ph 2,6-11 ; Mc
14,1-15,47
H O M É L I E
Ce récit évangélique commence par la
mention de la fête de la Pâque. C’est la première fois que la Pâque est
mentionnée dans l’Évangile de Marc, et ce sera le contexte de tout le récit qui
suivra, jusqu’à mort de Jésus et sa résurrection.
Les descendants d’Abraham avaient vécu
durant des générations comme étrangers en Égypte. La célébration annuelle de la
Pâque gardait vivante la mémoire de cette période et comment ils avaient été
libérés par Dieu de cet exil et comment ils étaient graduellement devenus un
peuple, avec la conscience d’être un peuple choisi.
Être étranger est une situation constamment mentionnée dans la Bible,
aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, si bien que parmi les
nombreux noms ou titres donnés au Christ,
dans l’Église primitive, il y a celui d’Étranger.
Il est l’Étranger par excellente, parce qu’il a parcouru ce long chemin décrit
par Paul dans le texte de sa lettre aux Philippiens que nous avons entendu
comme deuxième lecture : Lui, qui était un avec Dieu, il se dépouilla
lui-même en prenant notre condition, jusqu’au point non seulement de se faire
obéissant jusqu’à la mort mais de se sentir abandonné de son Père. Il sera d’ailleurs
crucifié entre deux étrangers.
Bien plus, durant sa vie, Jésus a
toujours pris partie pour les étrangers ou les exclus,
se faisant l’un d’entre eux. Cela est très bien décrit dans les premiers
paragraphes du récit de la Passion selon Marc ; et, si vous le
voulez-bien, nous nous arrêterons à méditer simplement ces quelques
paragraphes.
D’abord, Jésus se trouve à Béthanie,
donc en dehors de Jérusalem qui est le centre religieux d’Israël, où se trouve
le Temple dont il a annoncé la fin peu de temps auparavant. En dehors de
Jérusalem où tout le monde monte pour la Pâque. Il reste à l’écart. Il se
trouve chez Simon le lépreux. Il s’agit évidemment d’un nom symbolique. S’il avait été un vrai lépreux, cet homme n’aurait
pas pu recevoir ni Jésus ni d’autres convives chez lui. Et, évidemment, il
aurait demandé à Jésus de le guérir. Ce « Simon le lépreux »
représente symboliquement tous les exclus, tous les malades, tous les pauvres.
C’est vers eux que Jésus va, pendant que tout le monde monte vers Jérusalem
pour y pratiquer des rites religieux.
Entre une femme. Elle n’était pas dans
la maison ; elle n’était pas invitée. Elle entre tout simplement. Elle aussi est étrangère. Elle n’a même pas de nom (même si on essaiera
plus tard de l’identifier). Elle a un vase d’albâtre, donc un vase de grande
valeur, rempli de parfum de grande valeur. Elle ne se contente pas de verser le
parfum sur la tête de Jésus ; elle brise le vase, gaspillant tout, et le parfum et le vase.
La discussion qui s’ensuit décrit deux
attitudes radicalement opposées à l’égard des pauvres, l’une qui les voit comme objets de notre charité – et donc, d’abord
comme « objets », et l’autre qui les voit comme des personnes. Parmi les personnes présentes, il y en a,
bien sûr, qui critiquent ce « gaspillage »
de la part de la femme. En réalité, celle-ci, parce qu’elle aime, a compris ce
qui se passait. Elle a compris que Jésus va mourir et elle lui manifeste son
affection par ce geste un peu fou. L’amour vrai est toujours un peu fou. Et
Jésus de dire que partout où l’Évangile sera annoncé, ce qu’elle a fait sera
raconté en souvenir d’elle. Non seulement en souvenir de Lui, mais en souvenir d’elle. Il y a donc un message évangélique d’une très grande importance dans ce
qu’elle a fait. Briser le vase d’albâtre c’est se donner soi-même, donner de sa personne.
Des pauvres, dit Jésus, vous aurez
toujours « avec vous ». Notons bien l’expression « avec vous ».
Il ne dit pas, vous pourrez toujours faire la charité aux pauvres, en leur
distribuant le profit de vos commerces. Il dit que les pauvres, les étrangers,
doivent être avec nous, au milieu de nous ; être des nôtres, objet de nos
attentions, comme de celle qu’a eue la femme à son égard.
En cette période pré-électorale, en
plusieurs pays, de chaque côté des océans, la peur et le rejet de l’étranger
sont devenus des armes politiques que les candidats fourbissent chacun à sa
façon. Tout au long de la semaine qui
commence, nous serons appelés à une toute autre attitude par Celui, qui s’est fait
étranger en venant parmi nous et qui est allé vers tous les exclus de nos
sociétés en se faisant l’un d’eux et en s’identifiant à eux. Il nous invite non pas à nous faire plaisir à
nous-mêmes en faisant quelques aumônes, mais à nous renoncer à nous-mêmes, à briser
tous les vases d’albâtres qui sont nos complexes de supériorité à l’égard des
petits du Royaume.
Armand
VEILLEUX
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