Solennité de la Pentecôte 2012
Actes 2,1-11; Galates 5, 16-25; Jean 15,26-27... 16,12-15

 

 

H O M É L I E

 

          Ce bref Évangile est tiré des paroles de Jésus à ses disciples lors du dernier repas qu’il prit avec eux et au cours duquel il leur promit l’envoi de l’Esprit Saint. Dans la première lecture saint Luc nous racontait, dans un langage symbolique plein de poésie, l’irruption de cet Esprit dans les disciples de Jésus, cinquante jours après la mort et la résurrection de Jésus. Et puis saint Paul, quelques décennies plus tard enseigne, dans une lettre à une des Églises à qui il avait transmis l’Évangile, ce que l’Esprit fait dans la vie de tous les jours d’un groupe de Chrétiens.  Et aujourd’hui, environ deux mille ans plus tard, qu’en est-il. Que fait l’Esprit dans la vie de chacun de nous, de notre communauté, de nos familles, de notre Église et de notre Société ?

 

          Il y a dans l’histoire de l’Église, comme dans l’histoire de l’humanité, des périodes d’enthousiasme, voire d’euphorie, où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et puis, il y a d’autres périodes, comme celle que nous vivons, où tout nous ramène à la sobriété et à l’humilité. Comment se manifeste l’Esprit de Dieu dans de telles situations ? -- Saint Paul le décrit dans une simple énumération de mots -- de substantifs – qui, chacun, implique une qualité de relation : « Voici ce que produit l’Esprit – dit-il – amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. » Et il ajoute cette phrase surprenante : « Face à tout cela, il n’y a plus de loi qui tienne ».

 

          La relation à l’autre – que toute loi essaie de gérer -- implique que l’on reconnaisse l’autre dans sa différence et qu’on respecte cette différence.  Or, l’une des caractéristiques de toutes les formes de totalitarisme, qu’il soit politique ou religieux, est précisément de nier ce droit à la différence – de vouloir exiger de tous qu’ils pensent et agissent de la même façon. Cela conduit graduellement au mépris et au rejet de ceux qui sont différents : d’une autre langue, d’une autre ethnie, d’une autre nationalité, d’un autre continent.  Ce refus de l’autre – qui conduit au refus de l’Autre – semble une tentation particulièrement grande  ces dernières années dans notre monde, sous toutes les latitudes.  Aussi, le message de la Pentecôte est particulièrement d’actualité.

 

Derrière le récit de la première Pentecôte, que nous avions comme première lecture, se trouve, comme en filigrane, celui de la tour de Babel.  Dans le récit de l’Ancien Testament qui racontait cet événement, la construction d’une tour qui avait la prétention d’atteindre le ciel représentait l’effort du pouvoir politique et militaire des Assyriens d’imposer une autorité unique à toutes les populations du monde connu et de leur imposer l’uniformité des coutumes et de la langue.  Dieu intervint alors pour assurer la diversité des langues.  Dans ce récit, encore ambigu, la diversité des langues peut cependant apparaître aussi bien comme une punition que comme une faveur.

 

          Dans le récit des Actes des Apôtres, la diversité apparaît au contraire comme une richesse.  Les Apôtres ne parlent pas une langue que tous comprendraient.  Ils parlent leur propre dialecte galiléen ;  mais tous les entendent, chacun dans sa langue.  Les Juifs présents, qui sont venus de la diaspora pour célébrer la Pâque à Jérusalem, représentent toutes les cultures et toutes les races connues à l’époque.  Tous entendent le message des Apôtres chacun dans sa langue.

 

Babel demeure encore aujourd’hui une tentation.  Babel, c’est l’opposé de la Pentecôte. L’Esprit de la Pentecôte, venu d’en haut, se répand horizontalement sur toute la surface de la terre et y engendre la vie, sous toutes ses formes.  L’esprit de Babel, au contraire, se construit vers le haut, utilisant, abusant et sacrifiant toute vie qui se trouve sur son passage. C’est donc un mouvement inverse à celui de la Pentecôte.  Babel, c’est l’esprit d’une certaine économie « monopolisante », qui va chercher ses ressources dans tous les coins les plus reculés de la planète, y recherchant la main d’œuvre la moins chère et la plus facilement exploitable, et qui s’exprime symboliquement, comme au temps de la première Babel, dans des « tours » d’administration toujours plus hautes. Babel, c’est l’esprit de conquête qui s’exprime dans toutes les guerres.  Mais c’est le même esprit qui peut se manifester en chacun et chacune de nous, chaque fois que nous nous fermons à la communion, chaque fois que nous rejetons l’autre parce qu’il est différent ou vient d’ailleurs, ou simplement parce qu’il pense différemment de nous.

 

Dans nos vies communautaires ou familiales, comme dans notre vie personnelle à chacun de nous, au moment de décisions importantes aussi bien que dans les menus événements de chacune de nos journées, nous avons sans cesse à choisir entre Babel et la Pentecôte.  Notre participation à la célébration de ce matin, et particulièrement notre « communion » constituent un engagement de notre part de nous laisser guider par l’Esprit de la Pentecôte et de concourir ainsi à l’élimination graduelle en notre monde de celui de Babel.

 

Si nous sommes réunis ici ce matin pour célébrer la Pentecôte, c’est précisément parce que depuis deux mille ans des hommes et des femmes ont été fidèles à l’Esprit qui les a poussés à transmettre à toutes les cultures le message de communion et d’amour de Jésus.  En ce moment où, dans notre société, tant de voix veulent nous convaincre de l’existence inévitable d’un conflit entre les cultures ou entre les civilisations et les religions, nous avons un devoir particulier, en tant que Chrétiens, d’incarner dans nos vies personnelles comme dans nos institutions – civiles aussi bien que religieuses – un message d’écoute, de compréhension et de respect mutuel.  Ainsi l’Esprit de Dieu -- l’Amour de Dieu – fera sa demeure non seulement dans nos coeurs à chacun de nous, mais dans nos communautés, nos familles, nos institutions et notre Société.

Armand Veilleux

 

 

 

         

         

 

Homélies pour la Pentecôte des années précédentes :

1999 : français

2000 : français / italien

2001 : français / italien

            español

2002 : français

2003 : français

2004 : français / italiano

2005 : français

2006 : français / italiano

2007 : français

2008 : français / italiano

2009 : français

2010 : français

2011 : français

 

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