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Solennité
de la Pentecôte 2012
H O M É L I E
Ce bref Évangile est tiré des
paroles de Jésus à ses disciples lors du dernier repas qu’il prit avec eux et
au cours duquel il leur promit l’envoi de l’Esprit Saint. Dans la première
lecture saint Luc nous racontait, dans un langage symbolique plein de poésie,
l’irruption de cet Esprit dans les disciples de Jésus, cinquante jours après la
mort et la résurrection de Jésus. Et puis saint Paul, quelques décennies plus
tard enseigne, dans une lettre à une des Églises à qui il avait transmis
l’Évangile, ce que l’Esprit fait dans la vie de tous les jours d’un groupe de
Chrétiens. Et aujourd’hui, environ deux
mille ans plus tard, qu’en est-il. Que fait l’Esprit dans la vie de chacun de
nous, de notre communauté, de nos familles, de notre Église et de notre Société ?
Il y a
dans l’histoire de l’Église, comme dans l’histoire de l’humanité, des périodes
d’enthousiasme, voire d’euphorie, où tout semble aller pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Et puis, il y a d’autres périodes, comme celle que nous
vivons, où tout nous ramène à la sobriété et à l’humilité. Comment se manifeste
l’Esprit de Dieu dans de telles situations ? -- Saint Paul le décrit dans
une simple énumération de mots -- de substantifs – qui, chacun, implique une
qualité de relation : « Voici ce que produit l’Esprit – dit-il – amour, joie, paix, patience, bonté,
bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. » Et il ajoute cette
phrase surprenante : « Face à tout cela, il n’y a plus de loi qui
tienne ».
La
relation à l’autre – que toute loi essaie de gérer -- implique que l’on reconnaisse
l’autre dans sa différence et qu’on respecte cette différence. Or, l’une des
caractéristiques de toutes les formes de totalitarisme, qu’il soit politique ou
religieux, est précisément de nier ce droit à la différence – de vouloir exiger
de tous qu’ils pensent et agissent de la même façon. Cela conduit graduellement
au mépris et au rejet de ceux qui sont différents : d’une autre langue,
d’une autre ethnie, d’une autre nationalité, d’un autre continent. Ce refus de l’autre – qui conduit au refus de
l’Autre – semble une tentation particulièrement grande ces dernières années dans notre monde, sous
toutes les latitudes. Aussi, le message
de la Pentecôte est particulièrement d’actualité.
Derrière le récit de la première Pentecôte, que nous
avions comme première lecture, se trouve, comme en filigrane, celui de la tour
de Babel. Dans le récit de l’Ancien
Testament qui racontait cet événement, la construction d’une tour qui avait la
prétention d’atteindre le ciel représentait l’effort du pouvoir politique et
militaire des Assyriens d’imposer une autorité unique à toutes les populations
du monde connu et de leur imposer l’uniformité des coutumes et de la
langue. Dieu intervint alors pour
assurer la diversité des langues. Dans
ce récit, encore ambigu, la diversité des langues peut cependant apparaître
aussi bien comme une punition que comme une faveur.
Dans le
récit des Actes des Apôtres, la diversité apparaît au contraire comme une
richesse. Les Apôtres ne parlent pas une langue que tous comprendraient. Ils
parlent leur propre dialecte galiléen ; mais tous les entendent, chacun dans sa langue. Les Juifs présents, qui sont
venus de la diaspora pour célébrer la Pâque à Jérusalem, représentent toutes
les cultures et toutes les races connues à l’époque. Tous entendent le message des Apôtres chacun
dans sa langue.
Babel demeure
encore aujourd’hui une tentation. Babel,
c’est l’opposé de la Pentecôte. L’Esprit de la Pentecôte, venu d’en haut, se
répand horizontalement sur toute la surface de la terre et y engendre la vie,
sous toutes ses formes. L’esprit de
Babel, au contraire, se construit vers le haut, utilisant, abusant et
sacrifiant toute vie qui se trouve sur son passage. C’est donc un mouvement
inverse à celui de la Pentecôte. Babel,
c’est l’esprit d’une certaine économie « monopolisante »,
qui va chercher ses ressources dans tous les coins les plus reculés de la
planète, y recherchant la main d’œuvre la moins chère et la plus facilement
exploitable, et qui s’exprime symboliquement, comme au temps de la première
Babel, dans des « tours » d’administration toujours plus hautes.
Babel, c’est l’esprit de conquête qui s’exprime dans toutes les guerres. Mais c’est le même esprit qui peut se
manifester en chacun et chacune de nous, chaque fois que nous nous fermons à la
communion, chaque fois que nous rejetons l’autre parce qu’il est différent ou
vient d’ailleurs, ou simplement parce qu’il pense différemment de nous.
Dans nos vies
communautaires ou familiales, comme dans notre vie personnelle à chacun de
nous, au moment de décisions importantes aussi bien que dans les menus
événements de chacune de nos journées, nous avons sans cesse à choisir entre
Babel et la Pentecôte. Notre
participation à la célébration de ce matin, et particulièrement notre
« communion » constituent un engagement de notre part de nous laisser
guider par l’Esprit de la Pentecôte et de concourir ainsi à l’élimination
graduelle en notre monde de celui de Babel.
Si nous sommes réunis ici ce matin pour
célébrer la Pentecôte, c’est précisément parce que depuis deux mille ans des hommes
et des femmes ont été fidèles à l’Esprit qui les a poussés à transmettre à
toutes les cultures le message de communion et d’amour de Jésus. En ce moment où, dans notre société, tant de
voix veulent nous convaincre de l’existence inévitable d’un conflit entre les
cultures ou entre les civilisations et les religions, nous avons un devoir
particulier, en tant que Chrétiens, d’incarner dans nos vies personnelles comme
dans nos institutions – civiles aussi bien que religieuses – un message
d’écoute, de compréhension et de respect mutuel. Ainsi l’Esprit de Dieu -- l’Amour de Dieu –
fera sa demeure non seulement dans
nos coeurs à chacun de nous, mais dans nos
communautés, nos familles, nos institutions et notre Société.
Armand
Veilleux
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1999 : français
2002 : français
2003 : français
2005 : français
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