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avril 2012 – Jeudi Saint
Ex
12, 1...14; 1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15
Lavez-vous les pieds les
uns aux autres
Les
deux premières lectures de cette Eucharistie nous décrivaient deux rituels. La
première lecture, tirée du Livre de l’Exode, nous décrivait le rituel de la
Pâque des Juifs dans l’Ancienne Alliance, et la deuxième lecture tirée de la
première Lettre de Paul aux fidèles de Corinthe, leur décrivaitt le rituel de la célébration du mémorial du Christ tel que Paul l’avait reçu de
la tradition.
Mais le lavement des pieds tel que
décrit par saint Jean, dans la troisième lecture, ne fut pas un rituel. Ce fut un véritablement lavement des
pieds. Il était normal, lorsque les
convives arrivaient pour un banquet, après avoir marché dans la poussière du
chemin, qu’un serviteur de la maison leur lave les pieds. Ce jour-là Jésus décida de se faire leur
serviteur. Il ne leur versa pas
simplement quelques gouttes d’eau tiède sur les pieds pour les essuyer ensuite
avec un petit bout de linge. Il enleva sa tunique, se mit un linge autour de la
ceinture, versa de l’eau dans un bassin et entreprit de laver les pieds aux
convives en bonne et due forme.
Ce lavement des pieds n’était pas un
geste symbolique. C’était un service bien concret ; mais Jésus dégage ensuite la valeur
symbolique de ce geste. Il leur dit :
« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez ‘Maître’
et ‘Seigneur’, et vous avez raison, car je le suis en vérité. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je
vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux
autres ». En leur disant cela, il n’institue pas un nouveau rituel, il ne
les invite pas à faire un geste symbolique de lavement des pieds de temps à
autre. Il les invite tout simplement à
se faire les serviteurs les uns des autres dans la vie de tous les jours.
Bien sûr, la coutume s’est établie,
par la suite, de faire de temps à autre un lavement symbolique des pieds, en mémoire
de ce geste de Jésus, comme nous l’avons fait en communauté il y a quelques
instants. Mais le vrai sens d’un tel rituel n’est pas d’imiter le geste que
Jésus à fait à ce moment-là, mais de nous souvenir de l’exemple de service qu’il
nous a donné non seulement à ce moment-là, mais tout au long de sa vie, et de
nous rappeler surtout son commandement de nous faire les serviteurs les uns des
autres.
Pour bien comprendre ce geste de
Jésus, il faut sans doute se rappeler ce qui s’était passé un peu
auparavant. Au cours des jours ou des
semaines précédents, Jésus avaient pris deux fois ses disciples en train de
discuter pour savoir lequel d’entre eux serait le plus grand dans le royaume de
Jésus. Lequel serait le premier ministre et lequel serait chef du cabinet. Ils
n’avaient rien compris. Et c’était tout
juste après que Jésus eût annoncé -- trois fois déjà -- sa passion. Il leur avait alors donné cette leçon très
claire : « Vous
savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands
leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Au contraire si quelqu’un veut être grand
parmi vous, qu’il soit votre serviteur… Le Fils de l’homme est venu non pour
être servi, mais pour servir. »
La façon dont saint Jean introduit ce
récit est aussi pleine d’enseignements : « Jésus, ayant aimé les
siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Pour Jean,
comme pour Jésus, le service est l’expression par excellence de l’amour. Puis
il continue, pour introduire directement le lavement de pieds : « Jésus,
sachant que le Père a tout remis entre ses mains… » Le Christ ressuscité
et glorieux, le jour de l’Ascension, au moment d’envoyer ses disciples en mission
leur dira « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ; allez, enseignez toutes les nations ».
Mais tout au long de sa vie, il n’a jamais ni réclamé l’exercice du pouvoir,
même s’il parlait et agissait avec autorité. Une fois, cependant, il a réclamé le pouvoir – c’était le pouvoir de
pardonner les péchés lorsqu’il a dit au paralytique : « Prends ton
grabat et marche » : le pouvoir au service de la libération.
La vie chrétienne n’est pas faite de
rituels. Il y a, bien sûr, au sein de la vie chrétienne des rituels importants,
l’Eucharistie étant évidemment le plus important. Mais ces rituels sont là
comme des mémoriaux donnant leur sens à la vie de tous les jours, et surtout la
mémoire des enseignements de Jésus qu’il faut mettre en pratique. Mettre ces enseignements en pratique est la
chose la plus importante. Si la vie chrétienne se résumait à des activités
rituelles elle perdrait non seulement tout son sens mais toute valeur.
En racontant les derniers moments de
Jésus avec ses disciples, les trois évangélistes Marc, Matthieu et Luc, ainsi
que Paul, ont choisi de nous raconter le repas lui-même ; Jean a choisi de
nous raconter le lavement des pieds. La leçon est la même dans chaque cas. Et
ce n’est pas une leçon théorique mais un appel à l’action.
Tout comme Jésus, après avoir lavé les
pieds à ses disciples, a dégagé pour eux la valeur symbolique du geste concret
qu’il avait fait, de même demandons-nous constamment quelle est la valeur
symbolique de chacun des gestes que nous posons dans la vie de tous les
jours. C’est cela qui nous révèlera si
nous sommes vraiment chrétiens.
Armand
VEILLEUX
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