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8 décembre 2011 - Solennité de
l'Immaculée Conception
Gen 3,9...20; Eph 1, 3...12; Luc 1, 26-38
H O M É L I E
à l’occasion de la profession solennelle de
sœur Lutgarde
au prieuré de Kibungo, Rwanda
Chère soeur Lutgarde,
Chères soeurs et frères,
Le but de la vie monastique – comme d’ailleurs de toute
vie chrétienne, mais d’une façon particulière – est de se laisser graduellement
transformer à l’image du Christ. Le temps liturgique de l’Avent nous rappelle
ce mystère, puisque c’est une période où non seulement nous attendons la venue
du Christ, mais où nous célébrons le fait qu’il est lui-même devenu l’un de
nous, nous rendant ainsi possible de devenir à notre tour fils et filles de
Dieu.
L’Avent est donc un temps tout indiqué pour une profession
solennelle, par laquelle une personne s’engage précisément à laisser l’Esprit
Saint opérer en elle une telle transformation. Au cours de cette période, la liturgie nous présente quelques grands
Témoins, dont le premier est évidemment la Vierge Marie. Nous la rencontrons tout au long de l’Avent,
mais tout particulièrement en ce 8 décembre, où nous célébrons son Immaculée
Conception.
C’est bien la conception de Maire que nous célébrons et
non pas celle de Jésus ; et cependant l’Évangile que nous venons de lire
nous raconte plutôt le moment de la conception de Jésus dans le sein de
Marie. Pourquoi ? – On pourrait
facilement penser que cet Évangile a été choisi parce qu’en aucun endroit des
Écritures on ne parle de la conception de Marie et que ce texte-ci contient
l’expression « pleine de grâce ». Il y a cependant un lien plus étroit entre l’Évangile que nous venons de
lire et le mystère de l’Immaculée Conception de Marie. Si Marie a pu recevoir en elle-même, en sa
chair aussi bien qu’en son cœur et son esprit, la plénitude de la divinité, si bien qu’elle est devenue la mère
de Dieu, c’est parce qu’elle était toute ouverture, toute réceptivité, sans
obstacle à la grâce et à la vie et donc sans péché – puisque le péché est
justement le refus de la vie.
Si avec Jésus nous arrivons à la fin des Temps, c’est
avec la naissance de Marie que débute cette nouvelle et dernière période de
l’histoire de l’humanité. Lorsque Marie
est conçue, une personne est née en qui il n’y a aucun refus de la vie – en qui
il y a ouverture à la plénitude de la grâce.
Luc, dans son Évangile, souligne ce début. En effet, dans les deux premiers chapitres de
son Évangile, qui sont d’une grande profondeur théologique, il montre bien ce
point de rupture dans l’histoire de l’humanité. Ces deux chapitres ne contiennent pas un agréable récit des événements
qui ont entouré la naissance de Jésus. Luc y présente plutôt tous les grands thèmes de son Évangile et nous met
en présence des principaux personnages de cet Évangile. Il fait déjà se rencontrer – alors qu’ils
sont encore dans le sein de leur mère – Jean et Jésus – Jean qui est le sommet
de l’Ancien Testament, et Jésus en qui s’ouvrent la Nouvelle Alliance et l’ère
nouvelle de l’humanité.
Pour bien comprendre le récit de l’Annonciation faite à
Marie il faut le lire à la lumière du récit rigoureusement parallèle de
l’annonce faite à Zacharie de la naissance de Jean-Baptiste. Dans l’un et l’autre cas, c’est le même ange
Gabriel qui est envoyé d’auprès de Dieu, portant son message. Dans le premier cas il se tient à la droite
de l’autel de l’encens ; dans le second cas, il se tient devant Marie.
Dans le premier cas il est envoyé à un vieillard marié à une femme également
âgée – un couple stérile. Dans le second
cas il est envoyé à une jeune fille fiancée mais non encore mariée.
L’arbre généalogique de Zacharie est impressionnant. Il est de famille sacerdotale, de la tribu de
Lévi, demeurant à Jérusalem, en Judée, dans la région la plus religieuse
d’Israël. Il est un fidèle observateur
de la Loi, servant au Temple et étant entré en ce jour très spécial pour lui
dans le Saint des Saints pour y offrir l’encens à l’heure du sacrifice du soir,
pendant que le peuple attend au dehors. Dans le cas de Marie, sa propre généalogie n’est même pas mentionnée,
même si elle est fiancée à un jeune homme de la tribu de David. Elle habite un petit village jamais mentionné
dans l’Ancien Testament, dans la Galilée peu religieuse et même presque
païenne. Elle est une toute jeune fille sans importance.
Zacharie est troublé et son manque de foi lui vaut d’être
muet jusqu’à la naissance de son fils. Marie demande tout simplement comment « cela se fera-t-il »,
et loin d’être muette elle chante son admirable « Magnificat ». Zacharie aura la mission d’imposer à son
fils le nom de Jean – mission qui revenait au père. Mais dans le cas de Jésus c’est sa mère Marie
qui lui donnera le nom de « Jésus » que lui a révélé l’ange. Jean sera certes « grand aux yeux du
Seigneur », le plus grand des fils de la femme, dira Jésus ; mais Jésus est le « Fils du Très
Haut ». Sur Jean descendra l’Esprit
Saint après sa naissance ; Jésus
naît par l’intervention de l’Esprit Saint.
On pourrait allonger cette liste de points de
comparaison. L’idée centrale est qu’avec
le moment de la conception de Jésus une ère nouvelle de l’histoire de
l’humanité est commencée – une nouvelle création remplace l’ancienne (ce à quoi se réfère la double mention du
« sixième mois » rappelant les six premiers jours de la
création). Cette nouvelle création a
débuté avec la conception de Marie, la nouvelle Ève, mère de tous les vivants.
* * *
Chère sœur Lutgarde, lorsque tu prononceras tes vœux
monastiques d’obéissance, de conversion et de stabilité, dans quelques
instants, comme Marie tu diras à Jésus : « qu’il me soit fait selon
ta parole », et tu accepteras que le Verbe de Dieu naisse en toi et te
transforme graduellement à son image. Par le voeu de conversion du reconnaîtras ton
besoin de purification et de conversion. Par le voeu de stabilité tu manifesteras ton
amour envers le Seigneur en te liant définitivement à une communauté de sœurs
qui, par amour du Seigneur, ont choisi de se mettre au service les unes des
autres.
Si c’est dans cet esprit que tu désires prononcer tes voeux, je t’invite à te présenter maintenant devant ta mère
prieure...
Armand
VEILLEUX
Abbé
de Scourmont et
Père
Immédiat de Kibungo
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