8  janvier 2012 – Épiphanie du Seigneur

Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12

 

 

Homélie

 

 

Il existait dans l’antiquité un réseau de routes commerciales entre l’Asie et l’Europe, allant de la Chine jusqu’à Antioche en Syrie, à laquelle les historiens et les géographes ont donné à l’époque moderne le nom de « Route de la soie ». Cette route est mentionnée dans les chroniques chinoises et romaines à partir du 4ème siècle avant le Christ. Par cette route transitaient non seulement la soie, mais des métaux précieux comme l’or, de l’encens, des épices, de la myrrhe et bien d’autres choses, y compris les armes. Transitaient aussi des traditions philosophiques et religieuses ainsi que des traditions ascétiques venues d’Extrême Orient jusqu’à Qumran, par exemple.

 

Lorsque Matthieu, dans le récit symbolique de son Évangile que nous venons de lire, fait intervenir des mages venus d’Orient, il se réfère à une réalité que ses contemporains pouvaient facilement comprendre, car ces échanges, et l’apparition soudaine de commençants ou de sages venus de pays très lointains de l’Orient n’étaient pas pour eux une chose inconnue.

 

Mais que veut nous dire alors Matthieu à travers ce charmant récit. Matthieu écrit pour des communautés chrétiennes issues du judaïsme.  Il ne manque pas une occasion pour leur rappeler que le salut apporté par Jésus de Nazareth est destiné non seulement aux Juifs mais à tous les peuples de toutes les nations. C’est ce qu’il fait ici dès les premières pages de son Évangile.

 

Ces trois personnages, qui possèdent la sagesse et ont à leur disposition des richesses de toutes sortes, sont conduits par une lumière mystérieuse qui les remplit de joie vers un nouveau roi. Sur leur route ils rencontrent l’ambition humaine aussi bien du vieux roi Hérode qui se sent menacé dans son pouvoir fragile que l’inquiétude de tout Jérusalem, à commencer par les chefs des prêtres et les scribes qui savent où doit naître le Messie, mais ne se préoccupent aucunement d’aller l’y rencontrer.  Les Mages rencontrent surtout la méchanceté sournoise d’Hérode qui veut les utiliser pour savoir où se trouve celui qu’il a déjà décidé d’éliminer.

 

L’enseignement de cette introduction à l’Évangile de Matthieu est assez simple : Le salut apporté par Jésus, né à Bethlehem, est pour toutes les nations. Il est venu parmi les siens, mais les siens ne l’ont pas reçu, comme écrira Jean quelques décennies plus tard.  Les siens, d’accord avec le pouvoir romain, le feront mettre à mort pour des motifs sordides d’opportunisme politique.

 

L’histoire se répète. La Route de la soie fut pratiquée durant plusieurs siècles.  On sait que Marco Polo l’utilisa au 13ème siècle et serait même la seule personne connue (avec son père et son oncle), à l’avoir parcourue dans son entier.  Mais elle tomba en désuétude à cause des dangers qu’elle comportait, et fut graduellement remplacée par des routes maritimes.  Or, de nos jours, les grandes puissances, aussi bien celle de la Chine que celle d’Amérique parlent depuis quelques décennies d’une Nouvelle Route de la Soie, reliant les contrées riches en pétrole et en gaz naturel de l’ancien empire soviétique, à la Chine, en passant par l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde, contournant l’Iran.  Une route de la soie qui véhiculera entre autre les nouveaux produits précieux que sont le pétrole et le gaz naturel.

 

Si je dis que l’histoire se répète c’est que la même attitude calculatrice qui conduisit à l’extermination des enfants de Bethlehem est probablement à l’origine des guerres qui déchirent actuellement les pays de cette partie du monde et aussi les guerres et les changements de régime auxquels les médias semblent s’efforcer de plus en plus de nous préparer.

 

Que pouvons-nous faire dans cette situation ? -- Être attentifs à la lumière, comme les Mages, nous réjouir lorsqu’elle nous est manifestée, reconnaître la présence du Christ dans tout ce qui est pauvre, petit et nécessiteux. Avoir aussi le courage de prendre une route autre que celle qui mène à la guerre et à la destruction, mais qui mène plutôt à la communion et au partage.

 

          En ce début de l’année, que tous – surtout les politiciens et les hommes de finance -- commencent avec une certaine trépidation, demandons pour nous-mêmes, ainsi que pour nos chefs religieux et politiques la grâce de discerner dans notre horizon la lumière qui donne la joie et qui conduit à Dieu – Dieu qui aime se faire découvrir dans tout ce qui est le plus humble, le plus faible et le plus vulnérable.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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