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17 mai 2012 -- Solennité de l'Ascension,
"B"
Ac 1,1-11; Ep 4, 1-13; Mc 16,15-20
Homélie
Chers
Frères et Sœurs,
L’un des moments clés de l’histoire du
Peuple juif au désert fut celui de la conclusion de l’Alliance. Moïse, laissant
le peuple au pied du mont Sinaï, monta seul sur la montagne qui fut alors
couverte d’une nuée. La gloire du Seigneur demeura sur la montagne, et la nuée
la couvrit pendant six jours (Exode 24,15)
De même, quelques siècles plus tard,
lorsque l’arche d’Alliance fut intronisée dans le temple de Salomon, une nuée
emplit la maison de Yahvé, et la gloire du Seigneur emplissait toute le lieu ;
si bien que les prêtres ne pouvaient pas exercer leurs fonctions parce que la
gloire de Dieu emplissait la maison (1 Rois, 8,10).
La nuée, dans l’Écriture, signifie toujours une présence mystérieuse
de Dieu. On ne peut le toucher, mais il
est là, à la fois révélé et caché. Sa
présence pénètre tout.
Saint Luc avait décrit la vie de Jésus
au milieu de ses disciples, dans son Évangile, qu’il appelle son « premier
livre ». Puis il commence son « deuxième livre », que nous
appelons les « Actes des Apôtres » par le récit que nous avons lu
comme première lecture. Dans son langage symbolique habituel, il décrit comment
une nuée descend sur le lieu où les Apôtres se trouvaient et comment Jésus,
après leur avoir fait ses dernières recommandations, disparut dans cette
nuée. Ce sera désormais son mode de
présence parmi les hommes.
Tous les admirables récits nous
racontant les débuts de l’Église primitive, que nous avons lus durant nos
célébrations liturgiques depuis Pâques, nous décrivent la vie des premiers
Chrétiens sous cette nuée, protégés et guidés par cette présence de la gloire
de Dieu – la gloire du Christ – habitant cette nuée.
Plus de deux mille ans plus tard, nous
vivons toujours sous cette nuée, qui nous révèle la présence de Dieu, que nous
ne saurions voir encore face à face. Nous vivons dans la période de la foi et
de l’espérance. Nous pourrions dire que
plus cette nuée, qui est aussi le symbole de l’absence, se fait épaisse, voire opprimante,
plus la présence est réelle et efficace.
Le dernier chapitre de l’Évangile de
Marc, emprunté à saint Luc, nous rapporte les dernières paroles de Jésus avant
d’entrer dans cette nuée. Il parle des
signes qui accompagneront ceux qui croiront en cette présence
mystérieuse : « En mon nom ils chasseront les esprits mauvais, il
parleront un langage nouveau, ils prendront des serpents dans leurs mains et
boiront un poison mortel sans en ressentir aucun mal. Ils procureront du bien
aux malades en leur imposant les mains. Il ne s’agit pas là de miracles, mais simplement de la protection du
Seigneur contre toutes les formes de mal aussi longtemps que l’on reste sous la
protection de cette présence mystérieuse de cachée.
De nos jours on parle beaucoup de
crises : la crise économique, les crises politiques, la crise sociale, les
crises de l’Église et au sein de l’Église. « Crise » est un nom qu’on donne à la nuée qui couvre notre
monde. Pourquoi ne pas regarder cette
nuée avec des yeux de croyants et y voir une forme de la présence de Dieu en train
de transformer notre monde ? Cette nuée semble parfois nous opprimer. Ainsi en fut-il de la nuée qui couvrit le
Sinaï lorsque Moïse y monta pour rencontrer Dieu. Ainsi en fut-il aussi de la nuée qui emplit
le Temple lors de l’intronisation de l’Arche d’Alliance. Une présence si forte de la gloire de Dieu
que les prêtres ne pouvaient plus y effectuer leur service liturgique (1Rois
8,10). Ainsi en fut-il des persécutions
qui se déchainèrent sur les premiers Chrétiens.
Depuis Vatican II, ceux qui veulent
vivre son message, s’efforcent de « parler au monde un langage
nouveau ». Ayant fait une option préférentielle pour les pauvres et les
petits du royaume, il leur arrive de devoir prendre des serpents dans leurs
mains et même boire un poison mortel, comme un Oscar Romero. D’autres offrent
leurs mains aux malades.
On
voit parfois la diminution radicale du nombre de prêtres comme un résultat de
la sécularisation et de la déchristianisation, rendant plus difficiles et plus
rares les célébrations liturgiques. Et
si c’était le résultat d’une présence plus forte de la gloire de Dieu en train
de recréer le monde et de reconfigurer son Église ? Pourquoi ne pas
privilégier cette vision d’espérance plutôt qu’une vision de
découragement ?
Saint Paul, nous disant dans sa lettre
aux Éphésiens que Jésus est « monté » parce qu’il était d’abord
« descendu », exprime la même idée si merveilleusement reprise dans sa
lettre aux Philippiens. C’est parce que
le Fils de Dieu s’est fait homme, descendant jusqu’aux profondeurs de notre
humanité, qu’il a été exalté par le Père, nous amenant tous avec lui dans ce
mouvement ascendant de retour au Père.
Lorsque la nuée a plané sur les eaux,
au premier jour de la création, elle y a déclenché la naissance de la vie. Lorsqu’elle a plané sur Marie elle a fait
descendre en son humanité et la nôtre la plénitude de la divinité. N’ayons pas peur de toutes les nuées qui nous
couvrent, même lorsqu’elles semblent nous opprimer. Non seulement Dieu y est présent ; mais
l’un d’entre nous, le Dieu fait homme, y a pénétré, nous montrant le chemin et
nous y attendant.
Armand
VEILLEUX
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