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Abbaye de Notre-Dame
de la Paix, Chimay
Jubilé de 60 ans de
profession de Mère Rosa
1 Cor. 1,26-31 ;
Mat 10, 34-39
H o m é l i e
Cet Évangile est un peu
déroutant – comme l’Évangile l’est souvent. La parole de Jésus affirmant « Celui qui aime son père ou sa mère
plus que moi n’est pas digne de moi » n’est pas facile à
comprendre. C’est comme s’il y avait une
compétition entre les deux amours. Ce
n’est pourtant pas conforme à l’image de Dieu que Jésus nous donne d’habitude.
Le tout est précédé d’une
sorte d’introduction où Jésus dit : « N’allez pas croire que je sois
venu apporter la paix sur la terre... je
suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère... on aura pour
ennemis les gens de sa propre maison. » Ce n’est certes pas là un texte facile non plus, mais le sens en est
clair. La signification en est que la
paix que Jésus est venu apporter au monde n’est pas une « paix à tout
prix ». Ce n’est pas une paix
« comme le monde peut la donner ». Ce n’est pas la paix qui consiste en compromis avec l’ordre établi, même
lorsque cet ordre établi est fait d’injustice et d’oppression des plus faibles
et des plus petits. Ce n’est pas la paix
annoncée par les faux prophètes qui ne désirent que se faire accepter et
honorer, mais bien la paix annoncée par les vrais prophètes, qui est le fruit
du rétablissement d’un ordre juste, et dont on retrouve les échos dans le
Magnificat : « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les
humbles... il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains
vides ».
Quiconque a choisi de
vivre selon les préceptes de l’Évangile et d’en accepter toutes les
conséquences peut s’attendre à ce qu’en certaines circonstances ce choix le
mette en porte-à-faux avec ceux qui l’entourent et même parfois avec ses plus
proches, y compris ses parents ou ses enfants. C’est alors qu’intervient cette parole de Jésus : « Si
quelqu’un aime son père ou sa mère plus que moi, il n’est pas digne de
moi ». En dehors de cette situation
de conflit et de choix obligé entre l’Évangile et ce qui lui est opposé, il est
évident qu’il ne peut y avoir d’opposition ni même de tension entre l’amour de
Dieu et l’amour des parents – celui-ci n’étant en fait qu’une expression de
celui-là.
Le Fils de Dieu s’est
donné tout entier à sa mission. Selon la Lettre aux Philippiens (ch. 2), il n’a
pas voulu « s’accrocher » à son égalité avec Dieu ; il s’est anéanti – « vidé »
-- ; il a renoncé à tous ses droits
pour se faire l’un d’entre nous ; et c’est pourquoi le Père l’a
exalté... Ainsi en est-il pour nous,
nous dit Jésus. Celui qui veut garder sa
vie, c’est-à-dire celui qui s’accroche à sa vie comme une propriété privée, et
qui est tout recroquevillé sur lui-même, a déjà en réalité perdu sa vie, car celle-ci
est dès lors vidée de son sens. Mais
celui qui accepte la croix, qui accepte de vivre les conflits nés de la
fidélité à l’Évangile, qui accepte de conformer sa vie à l’Évangile même si
cela implique de choisir entre Jésus et ses plus proches, celui-là possède déjà
en plénitude la vie – même si, en certains cas, cela peut le conduire à la mort
physique, comme dans le cas de sainte Agnès dont nous célébrons aujourd’hui la
mémoire.
C’est en la fête de
sainte Agnès que Mère Rosa a fait sa profession monastique, il y a aujourd’hui
60 ans. Pour s’engager au Christ et être fidèle à cet engagement, elle a sans
doute dû, à plusieurs reprises faire des choix exigeants. Nous nous unissons à
elle ce matin pour remercier Dieu de lui avoir permis d’être fidèle à son choix
initial et Le prions avec elle de lui donner encore de nombreuses années de
fidélité et de bonheur dans sa vocation.
Cet Évangile est très
exigeant. Il nous appelle tous à faire
des choix parfois difficiles dans nos vies : à choisir le Christ chaque
fois que les circonstances ou les personnes nous obligent à choisir entre Lui
et autre chose ou lui et d’autres personnes, même si cela implique la croix,
c’est-à-dire même si cela implique d’entrer en pleine possession de la vie en
la perdant.
Armand VEILLEUX
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