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11 juin 2011 - Pentecôte
Actes 2,1-11; 1 Cor 12,3...13; Jean 20,19-23
H O M É L I E
Il est
souvent question de peur dans l’Évangile de saint Jean. Et l’expression « par peur des
Juifs » revient comme un refrain. Cette
expression désigne une foi qui n’est pas encore pure, une confiance qui n’est
pas totale. C’est ainsi que Nicodème, au
début de l’Évangile, vient trouver Jésus pour l’interroger, mais il le fait de
nuit « par peur des Juifs ». De même, les parents de l’aveugle-né que Jésus avait guéri refusent de
dire aux Pharisiens ce qu’ils savent, « par peur des Juifs ». Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathie vient demander à Pilate de lui remettre son
corps, mais il le fait de nuit, « par peur des Juifs ». Dans
l’Évangile que nous venons de lire, Jean nous dit que, le soir du premier jour
de la semaine, c’est-à-dire le soir de Pâques, les disciples s’étaient
rassemblés en un lieu, « par peur des Juifs ». Notons, en passant, que, dans le texte original
grec, contrairement à la plupart des traductions modernes (y compris celle que
nous avons lue) il n’est pas dit que la porte était verrouillée, mais
simplement qu’elle était « fermée » ; et l’expression « par peur
des Juifs » se rapporte au fait que les disciples étaient rassemblés au
même endroit et n’a rien à voir avec le fait que la porte était fermée.
Les commentaires pieux nous expliquent
que Jean nous parle de la porte fermée, et même verrouillée, pour souligner que
le corps de Jésus était un corps spirituel qui pouvait passer à travers les
murs, comme on le fait facilement de nos jours dans
les films. En réalité, tous les récits
d’apparition après la Résurrection de Jésus sont empreints d’une très grande
simplicité, et n’insistent jamais sur le caractère miraculeux de l’apparition. Au contraire, ces apparitions sont décrites
tout simplement comme s’il s’agissait d’une chose tout à fait normale.
On est sans doute en droit de penser
que Jean, lorsqu’il écrivait ce texte, pensait à la recommandation de
Jésus : « Si tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père dans le
secret ». Jean se souvenait sans
doute aussi de l’autre parole de Jésus : « Lorsque deux ou trois
seront réunis en mon nom, je suis là
au milieu d’eux ». En effet, dans notre texte il est dit que Jésus vint et
qu’il était là au milieu d’eux. Les
disciples, dans ce moment de crise, étaient entrés dans la chambre haute, ils
avaient fermé la porte et ils priaient. Donc, Jésus était là au milieu d’eux – même s’ils s’étaient rassemblés par peur
des Juifs.
Dans les récits d’apparition après la
résurrection, soit Jésus, soit ses messagers, recommandent sans cesse de ne pas
avoir peur. Et ceux qui n’ont pas peur sont précisément ceux qui sont gratifiés
d’une révélation spéciale. Lorsque Marie-Madeleine va au tombeau le matin de
Pâques, qu’elle le trouve vide, et qu’elle voit un ange, les autres femmes qui
l’accompagnent sont prises de peur et s’enfuient. Marie-Madeleine est la seule
qui n’a pas peur. Elle reste là. Et lorsque le Seigneur se manifeste à elle,
elle lui dit « Rabbouni ». De même lorsque les disciples sont tous
réunis ensemble au même lieu par peur des Juifs, Thomas est le seul qui n’a pas
peur et qui est sorti – sans doute pour aller faire les emplettes. Il est celui
qui, lorsque Jésus lui montrera les trous dans ses mains et son côté aura
l’inspiration de dire « Mon Sauveur et mon Dieu ». Il est d’ailleurs
le premier dans le Nouveau Testament à donner à Jésus son titre messianique de Kurios, Seigneur.
Mais à tous, y compris à ceux et
celles qui ont peur Jésus se révèle et apporte la paix, cette paix qui engendre
en chacun la joie. Et chacun est envoyé
en mission.
Chacun a la mission de manifester l’Esprit. Dans le passage de sa Lettre aux Corinthiens,
que nous avons lu tout à l’heure, Paul ne disait pas simplement que, dans
l’Église, les dons de grâce sont variés et que ces dons sont complémentaires
mais il disait que chacun – donc
chacun de nous – et pas simplement quelques privilégiés, reçoit le don de
manifester l’Esprit en vue du bien de tous.
Nous sommes tous réunis dans cette
église au nom du Christ. Il est donc
ici, au milieu de nous. Nous sommes tous
venus avec un bon bagage de peurs – celles dont nous sommes conscients et
celles plus pernicieuses dont nous ne sommes pas conscients. À nous tous Jésus redit « n’ayez pas
peur ». À nous tous il dit aussi :
« La paix soit avec vous ». Et lorsque cette paix pénètre
suffisamment en nous, nous sommes capables de voir ses mains et son côté ;
de voir ses plaies dans nos propres plaies et dans celles de nos frères et de
nos sœurs. Nous sommes capables de Le
voir, Lui, en chacun, et de confesser notre foi dans le Dieu incarné. Alors se réalise graduellement la promesse de
Jésus : « Mon Père vous aimera, nous viendrons à vous et nous ferons en
vous notre demeure ». Lui et son
Père soufflerons sur nous leur Esprit d’amour qui nous donnera le pouvoir de
nous libérer les uns les autres de tous les liens du péchés, c’est-à-dire de
tout ce qui nous tient éloigné de Lui et les uns des autres. C’est cela la communauté. C’est cela l’Église.
Armand
VEILLEUX
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1999 : français
2002 : français
2003 : français
2005 : français
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