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4 septembre 2011 – 23ème dimanche ordinaire « A »
Ez 33, 7-9 ; Rm 13, 8-10 ;
Mt 18, 15-20
Homélie
Comment juger de l’importance d’une
personne ? Si l’on en croit la mode de ce qu’on appelle les « réseaux
sociaux », ce qui démontre votre importance est le nombre d’amis que vous
avez sur Facebook. Si vous n’êtes pas trop important, vous aurez
à peine quelques centaines d’amis. Si
vous êtes plus importants, vous en aurez des milliers ou des dizaines de
milliers ! – Comment est-ce possible ? Il est déjà difficile de gérer une seule véritable amitié !
Comment peut-on en gérer des centaines ou des milliers ? Évidemment le mot « ami » lui-même
est dénaturé dans ce contexte.
Influencé par cette mentalité, on tend
aussi à évaluer le succès d’un événement social, politique ou même religieux
par le nombre de personnes qu’il a pu rassembler : dix mille, cent mille,
un million ! -- Quel succès ! -- Jésus, dans l’Évangile que nous
venons de lire, a une autre façon de compter : « Si deux d’entre vous… se mettent d’accord pour demander quelque chose,
ils l’obtiendront de mon Père » ; ou encore : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom,
je suis là au milieu d’eux ».
La communion chrétienne est la communion
entre des personnes et non l’appartenance à un groupe. Comme cette communion ne peut être refermée
sur elle-même mais doit s’élargir à la dimension du cœur de Dieu, elle engendre
une communauté. Cette communauté doit,
bien sûr, vivre selon un certain idéal et se conformer à des exigences
éthiques, mais le ciment qui l’unit est l’amour. L’amour en qui, nous disait Paul dans la
deuxième lecture, se résument tous les commandements.
Cet amour est évidemment autre chose
que l’amitié de Facebook. Il ne s’agit
évidemment pas d’être les fans les
uns des autres ou d’être tous les fans de la même personne, fût-ce du Christ. Le Christ n’a d’ailleurs pas besoin de fans. Il s’agit de se prendre en charge mutuellement, d’accepter
une responsabilité les uns à l’égard des autres et une responsabilité commune
sur chacun des membres de la communauté.
Cette responsabilité consiste à
permettre à chacun de se réaliser pleinement, c’est-à-dire à permettre à l’image
de Dieu qu’il porte de se réaliser en plénitude selon la modalité propre à
chacun. Cela implique un devoir – un devoir
qui est l’objet principal des paroles que Jésus adresse à ses disciples dans l’Évangile
que nous venons de lire, et qu’on appelle communément le devoir de la correction fraternelle. Et le contexte
dans lequel nous sont présentées ces paroles dans l’Évangile de Matthieu révèle
évidemment ce que vivait la communauté matthéenne (c’est-à-dire
celle réunie autour de Matthieu). Les fautes dont il est question ne sont pas
de petites difficultés dans les relations personnelles, mais des fautes assez
sérieuses pour nuire à l’ensemble de la communauté.
Dans la correction fraternelle, il ne
s’agit évidemment pas d’humilier l’autre personne, ou de la punir, ou encore de
lui faire sentir notre ressentiment personnel. Il s’agit plutôt d’aider une personne à guérir une blessure, à se
réconcilier avec elle-même et avec Dieu, à croître dans la droiture et la
vérité. C’est pourquoi la première
démarche, celle qui, normalement, devrait suffire, est celle d’une intervention
individuelle, de personne à personne. Si cela ne suffit pas, quelques autres
personnes seront appelées à faire valoir leur amitié ou leur force de
persuasion. Et ce n’est que si cela ne
suffit pas à corriger la situation, que l’ensemble de la communauté ecclésiale sera
impliquée.
Jésus conclut cet appel à la correction
fraternelle par une réflexion surprenante et exigeante : « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera
lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans
le ciel ». Il ne s’agit pas ici
du pouvoir de pardonner les péchés donné à Pierre et aux Apôtres. Jésus s’adresse ici à la foule, à tous ceux
qui désirent le suivre et être ses disciples. Ce qu’il veut dire c’est que chaque fois qu’on aide une personne à se
défaire des liens qui l’empêche de croître, on lui permet de se libérer et de s’épanouir
pour l’éternité et dans l’éternité ; mais chaque fois qu’on aurait pu aider une personne à sortir de son
enfermement et de son péché et qu’on ne le fait pas, on assume une certaine
responsabilité dans le fait qu’elle ne sera jamais déliée, jamais totalement
libre. C’est une énorme responsabilité.
L’Église d’aujourd’hui, au moins dans
ce qu’on appelle les vieilles chrétientés, se trouve dans une situation qui n’est
pas tellement différente de celle où se trouvaient les communautés chrétiennes
au début de l’Église, au temps où Matthieu écrivait son Évangile. L’Église est toujours à construire. Celle d’aujourd’hui, comme celle d’alors, se
construira à travers de petites communautés où l’on communie dans un amour vrai
– un amour qui sait aller jusqu’à l’appel à la croissance, à travers la
correction fraternelle.
Armand
VEILLEUX
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Autre homélie pour le même dimanche:
1999
français
italiano
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