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21 février 2010 - 1er dimanche de Carême "C" H
O
M
É
L
I
E Cet évangile nous rapporte ce que nous
appelons
les
« tentations
de
Jésus »
au
désert. Chacun des trois Évangiles Synoptiques,
Matthieu,
Marc
et
Luc
mentionnent
dès
le
début
de
la
vie
publique
de
Jésus,
après
son
baptême
par
Jean-Baptiste
dans
le
Jourdain,
l’épreuve
à
laquelle
Jésus
fut
soumis.
En
Marc,
qui
est
sans
doute
le
récit
le
plus
ancien,
cela
se
résume
à
deux
versets
disant
simplement
que
Jésus
fut
poussé
au
désert
par
l’Esprit,
qu’il
y
fut
tenté
durant
quarante
jours.
Qu’il
était
au
milieu
de
bêtes
sauvages
et
que
les
anges
le
servaient.
Dans
les
deux
autres
Évangiles
ce
récit
est
amplifié
et
en
quelque
sorte
dramatisé,
et
trois
tentations
particulières
sont
mentionnées,
même
si
l’ordre
est
différent
en
Matthieu
et
Luc. Si l’on essayait de comprendre ce texte
comme
un
récit
historique
on
n’en
finirait
pas
d’énumérer
les
inconsistances
et
les
détails
invraisemblables,
et
on
s’interdirait
d’en
comprendre
le
message.
Il
s’agit
d’un
récit
hautement
symbolique.
L’essentiel
est
dit
dans
les
deux
versets
de
Marc :
Au
moment
de
son
baptême
Jésus
est
investi
de
sa
mission
de
Messie.
L’Esprit
descend
sur
lui
et
l’amène
dans
le
désert,
c’est-à-dire
au
coeur
du
peuple
où
il
sera
soumis
toute
sa
vie
publique
à
des
épreuves
et
à
des
contradictions.
Les
bêtes
sauvages
représentes
les
chefs
religieux
du
Peuple
et
les
Pharisiens
qui
ne
cesseront
de
le
combattre ;
et
les
anges
représentent
ses
disciples,
le
petit
groupe
de
femmes
et
d’hommes
qui
l’accompagnent
et
le
servent. Nous sommes facilement introduits en
erreur
par
l’utilisation
du
mot
« tentation »
et
du
verbe
« tenter »
dans
la
traduction
de
ces
textes. Pour nous, lorsque nous parlons de « tentation »,
nous
pensons
tout
de
suite
à
quelque
chose
qui
nous
porte
à
faire
le
mal.
Ce
n’est
pas
le
sens
du
mot
grec
utilisé
par
les
auteurs
bibliques. Le substantif grec peirasmós,
et
le
verbe
correspondant
reviennent
très
souvent
aussi
bien
dans
l’Ancien
Testament
que
dans
le
Nouveau.
Dans
son
sens
premier
le
mot
signifie
« exploration »,
« tentative ».
Il
s’agit
de
vérifier
ce
que
vaut
quelqu’un,
quelle
est
sa
résistance
et
sa
force. Puis, dans la Bible le mot signifie une épreuve,
comme,
par
exemple,
lorsque
Job
est
mis
à
l’épreuve
pour
voir
jusqu’où
va
sa
fidélité
à
Dieu.
Et
finalement
le
mot
signifie
aussi
ce
que
nous
appelons
aujourd’hui
tentation :
tout
ce
qui
peut
nous
pousser
à
faire
le
mal. Pour comprendre ce récit, tel qu’il
se
trouve
au
début
de
l’Évangile
de
Luc
–
c’est-à-dire
le
récit
que
nous
venons
de
lire
–
il
faut
tenir
compte
d’une
petite
phrase
que
Luc
met
dans
la
bouche
de
Jésus
à
la
fin
de
son
Évangile,
durant
son
dernier
repas
avec
ses
Disciples.
Il
leur
dit :
"Vous êtes, vous, ceux qui avez tenu bon
avec
moi
dans
mes
épreuves. »
(Luc
22:28). Les épreuves décrites par Luc dans
ce
récit
initial
sont
une
vue
générale
de
tout
ce
que
Jésus
aura
à
subir
durant
ses
quelques
années
de
vie
publique.
Et
Luc
voit
déjà
plus
loin.
Son
récit
comprend
déjà
une
réflexion
théologique
sur
les
épreuves,
les
dangers,
les
tentations
auxquelles
seront
soumis
les
disciples
de
Jésus
après
sa
mort.
Ce
sont
aussi
les
tentations
auxquelles
sera
exposée
son
Églises
tout
au
long
de
son
histoire. On y reconnaît facilement les préoccupations
propres
à
Luc.
Ainsi,
par
exemple,
dans
le
texte
de
Matthieu,
le
démon
montre
à
Jésus
tous
les
royaumes
de
la
terre
et
leur
gloire
et
lui
dit :
« Si
tu
te
prosternes
pour
m’adorer
je
te
donnerai
tout
cela ».
En
Luc,
le
démon
est
beaucoup
plus
précis. Il dit « Je te donnerai tout ce pouvoir
et
toute
la
gloire
de
ces
royaumes,
car
cela
m’appartient
et
je
le
donne
à
qui
je
veux ».
En
effet,
pour
Luc
le
« pouvoir »
et
la
« gloire »
sont
quelque
chose
de
diabolique. Les trois épreuves ou tentations décrites
par
cet
Évangile
représentent
toutes
les
tentations
auxquelles
individuellement
ou
collectivement
–
soit
comme
Église,
soit
comme
Société
–
nous
sommes
sans
cesse
soumis.
La
tentation
de
se
laisser
dominer
soit
par
l’attrait
des
plaisirs
sensibles,
soit
l’attrait
du
pouvoir
et
des
honneurs,
ou
celle
de
renoncer
à
nos
propres
responsabilités
comptant
que
Dieu
s’occupera
de
nous
en
réparant
nos
erreurs,
nos
paresses
ou
notre
témérité. La réponse divine, dans chaque cas
est
un
appel
à
la
responsabilité
personnelle.
Elle
décrit
non
pas
ce
que
Dieu
a
à
faire
mais
ce
que
nous
avons
à
faire.
La
première
réponse
est
un
appel
à
vivre
en
plénitude
–
l’homme
ne
vit
pas
seulement
de
pain,
et
non
de
se
contenter
de
nourrir
le
corps ;
la
deuxième
réponse
est
un
appel
à
ne
se
prosterner
et
à
ne
se
faire
l’esclave
de
rien
d’autre
et
de
personne
d’autre
que
Dieu ;
et
la
troisième
un
appel
à
prendre
ses
responsabilités
plutôt
qu’à
compter
sur
des
interventions
extraordinaires
de
Dieu
dans
nos
vies. Enfin, on peut remarquer que Luc qui,
en
bon
écrivain
sait
commencer
et
clore
un
récit,
met
habilement
et
implicitement
sur
les
lèvres
de
Jésus,
dans
la
fin
de
son
dialogue
avec
le
démon,
une
affirmation
de
sa
divinité.
En
effet,
le
récit
commence
en
disant
que
Jésus
est
mis
à
l’épreuve
par
le
démon
et
il
se
termine
par
la
phrase
de
Jésus
« tu
ne
tenteras
pas
le
Seigneur
ton
Dieu ». El le démon le quitte jusqu’au moment
fixé,
jusqu’à
ce
que
l’heure
de
Jésus
soit
arrivée,
l’heure
de
sa
Passion
et
de
sa
mort,
où
les
forces
du
mal
semblent
l’avoir
finalement
vaincu,
en
attendant
le
matin
de
la
Résurrection. Armand
VEILLEUX
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en 2001
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