Le 13 mai 2010 – Solennité de l'Ascension "C"

Ac 1, 1-11;  He 9,24...10,23; Lc 24, 46-53 

 

H O M É L I E 

Le ciel n’est pas un lieu mais un état dans lequel nous serons transformés si nous vivons dans l’amour et la grâce de Dieu. Lorsque nous affirmons chaque dimanche, dans le Credo, que le Christ « est monté au ciel », nous ne parlons pas d’un voyage spatial de Jésus, mais nous voulons dire que, dans son humanité, il a pénétré dans l’éternité.  Dans le ciel de notre foi, qui n’est pas celui des astronautes, il n’y a ni espace, ni temps, ni direction vers en haut ou vers en bas.  Le ciel de la foi, c’est Dieu lui-même, qui habite une lumière inaccessible. 

L’Ascension de Jésus au ciel n’est pas le passage d’un espace vers un autre espace, comme le font nos sondes spatiales. C’est le passage du temps à l’éternité, du visible à l’invisible, de l’immanence à la transcendance, de l’opacité de notre monde à la lumière divine. 

Que dire alors des deux descriptions que nous en donne saint Luc, l’une à la fin de son Évangile et l’autre au début du Livres des Actes – nous venons de les lire toutes les deux ? – Notons tout d’abord que Luc est le seul des quatre Évangélistes à raconter l’Ascension comme un mouvement physique et une disparition visible du Christ dans les cieux.  Pour les autres Évangélistes l’entrée de Jésus à la droite du Père dans les cieux se réalisa en même temps que sa résurrection, les deux étant une seule et même réalité.  Il est vrai qu’on lit à la fin de l’Évangile de Marc : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16,19) ; mais les exégètes sont unanimes à considérer que ce passage est une addition tardive empruntée à Luc. 

Que veut exprimer Luc, qui sait fort bien écrire, en plaçant ainsi ce récit à la fin de son Évangile et de nouveau au début des Actes, donnant un caractère historique à l’affirmation théologique des autres Évangiles ainsi que de Pierre et Paul, selon lesquels « le Christ est monté aux cieux » (I Pierre 3,22) ou « a été exalté dans la gloire » (1 Tim 3,16) ? – La vérité de ce passage est évidemment une vérité « théologique » et non la description d’un événement temporel, d’autant plus qu’il y a des divergences importantes entre les deux descriptions de Luc. 

Dans le récit de la fin de l’Évangile de Luc Jésus bénit ses disciples pour la première fois et ceux-ci l’adorent pour la première fois. Il est ainsi clair que, par la montée au ciel de Jésus, son histoire atteint sa perfection.  Quant au récit du début des Actes, il est une réponse au problème de la Parousie.  Dans leurs célébrations liturgiques les premiers Chrétiens récitaient fréquemment la prière « Marana tha » et ils espéraient le retour prochain de Jésus. Luc veut alors répondre à la question « Pourquoi la fin n’est-elle pas encore arrivée et pourquoi Jésus n’est-il pas revenu ? ». Sa réponse est que Jésus, qui n’est plus visible comme durant sa vie terrestre, est toujours présent au milieu des siens, comme il l’avait promis, à l’exemple de la nuée qui couvrit le Sinaï lorsque Moïse y fit la rencontre de Dieu  (Ex 25,15) ou la nuée qui remplissait le Temple (1 Re8,10). 

« Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » Cette interrogation que Luc met dans la bouche de « deux hommes revêtus de blanc » est une invitation à retourner à leurs occupations habituelles et à y reconnaître la présence de Jésus.  

Il a fallu attendre le 5ème siècle avant que les Chrétiens ne célèbrent liturgiquement  l’Ascension séparément de la Résurrection. Ce sont en effet simplement deux facettes du même mystère.  

Pour nous et notre Église d’aujourd’hui, comme pour l’Église et les Chrétiens de tous les temps, ces textes de Luc sont un appel à ne pas vivre dans les nuages en regardant le ciel où se serait temporairement refugié Jésus, mais bien à le rencontrer présent ici-bas dans tous les événements de notre vie personnelle et collective, dans nos épreuves et nos difficultés comme dans nos joies et notre espérance.  

Jésus n’est pas hors du temps, et ne reviendra pas dans le temps.  Il est entré dans l’éternité de Dieu, qui transcende tous les lieux et tous les temps.  Il est en nous et au milieu de nous.

 

Armand Veilleux

 

 

 


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