21 janvier 2009

Actes 2,1-11; 1 Cor 12,3...13; Jean 20,19-23

Soleilmont – Messe du S. Esprit avant une élection abbatiale

 

H O M É L I E

L'Évangile de Jean nous décrit la naissance de la communauté ecclésiale comme une nouvelle création, utilisant la typologie du livre de la Genèse.

            Au début de la Genèse, après avoir créé le ciel et la terre, puis les plantes et les animaux, Dieu façonna l'homme de l'argile et insuffla dans ses narines son propre souffle de vie.  Dans l'Évangile que nous venons de lire, au soir même du jour de Pâque, nous voyons les disciples réunis dans la chambre haute, enveloppés de la peur et de la confusion qui rappellent le chaos de la première création.  Jésus se manifeste à eux et, en soufflant sur eux, il leur insuffle son Esprit, comme l'avait fait Dieu au matin de la Genèse.  Il les transforme ainsi en communauté ecclésiale.  C'est la naissance de l'Église telle que vue par les yeux mystiques de Jean. 

            Comme Joseph d’Arimathée, qui était disciple, mais en secret, par peur des Juifs ; ou encore comme Nicodème qui était venu voir Jésus non pas de jour, mais de nuit, de peur des Juifs, ainsi les disciples sont réunis, toutes portes closes, de peur des Juifs, et c’est déjà le soir. La situation rappelle aussi la nuit de l’Exode (Ex 14,10) durant laquelle le Seigneur était venu secourir son peuple de l’oppression (Ex 12,42 ; Dt 16,1).  Alors Jésus fait comme il avait promis (Jean 14,18 ; 16, 18). Il se trouve là. Jean ne dit pas que Jésus entra.  Il dit simplement : qu’il était là, au milieu d’eux (cf. : « Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, Je suis là au milieu d’eux »).

            « Paix soit avec vous », leur dit-il.  Il leur confirme ainsi qu’il a vaincu la mort. Et il leur montre alors les signes de son amour, qui sont aussi les signes de sa victoire sur la mort : ses mains et son côté transpercés. Celui qui se trouve là, au milieu d’eux, est bien celui qui est mort sur la croix ;  c’est bien l’Agneau de Dieu, préparé pour être mangé durant cette nuit pascale (Ex 12,8).

            Puis il leur souhaite de nouveau la paix et les envoie en mission, soufflant sur eux en disant « Recevez l’Esprit ».  Cette fois-ci, en filigrane, c’est le dernier jour de la création, le jour de la création du premier homme, que, selon la belle image de la Genèse, Dieu façonna de ses mains avec de l’argile, avant d’insuffler dans ses narines son propre Souffle de vie.  Jésus accomplit donc sa promesse.  Il avait promis à ses Disciples qu’il ne les laisserait pas seuls, et qu’il reviendrait.  Il leur avait également dit que l’Esprit-Saint les aiderait à comprendre tout ce qu’il leur avait dit. 

Les « Disciples » dont il est question sont tous ceux qui ont mis leur foi en Jésus.  Aucun nom n’est mentionné, ni aucun nombre.   Ce ne sont pas simplement ni les Apôtres, ni les quarante disciples, ni même les quelque centaines de disciples dont parle les Actes des Apôtres ; mais tous ceux qui, à ce moment-là comme à travers les âges ont cru en Jésus.  Nous sommes du nombre.

            La violence, les guerres, l’injustice, la corruption dans tant de secteurs de la société nous remplissent de crainte et nous poussent à nous replier sur nous-mêmes et fermer les portes sur nous pour ne pas être affectés par tout ce qui se passe au dehors du petit univers que nous nous sommes construit.  Il nous semble que les problèmes qui affectent la société nous dépassent totalement, et nous nous réfugions dans notre propre vie intérieure, nous fermons les portes de notre cœur et oublions le grand projet de Jésus sur nous et sur l’humanité.  C’est alors qu’il fait irruption en nous et dans nos vies et nous fait comprendre que non seulement il ne nous a pas abandonnés mais qu’il n’a pas abandonné ce monde qui nous entoure.  Il est toujours présent non seulement en nous, mais dans la vie de notre communauté, de l’Église et de la société.  Il agit à travers la vie de milliers de personnes, de groupes, de communautés, d’associations qui se sont engagés pour lutter contre toutes les formes de péchés et toutes les conséquences du péché.  Et il continue de réaliser la promesse qu’il a faite : tout ce que vous aurez délié, libéré sur la terre sera délié aussi dans le ciel.

            De plus, chez Jean, le don de l’Esprit est intimement associé au pardon des péchés.  Cela doit être mis en relation avec le thème de la lettre de Paul aux Corinthiens (notre 1ère lecture) : C’est le thème de la différence et de la multiplicité vues comme une richesse et non comme une faiblesse.  Babel avait été perçu par les auteurs de l’Ancien Testament comme quelque chose de négatif : les différences de langues et de cultures entre les humains étaient vues comme le résultat de l’orgueil humain voulant conquérir l’égalité avec Dieu.  Dans le nouveau Testament – dans le message de Jésus – la diversité est une richesse, elle est le fruit de l’Esprit ; et le péché – ce péché que Jésus donne aux disciples le pouvoir et la mission de pardonner – consiste avant tout dans toutes les formes d’oppression qui sont autant de refus de la différence.

            Une communauté monastique, qui est une cellule de l’Église, est une expression de ce Corps du Christ dont parle Paul, et au sein duquel il y a une grande diversité de talents, de dons, et de mission.  Aujourd’hui, votre communauté va choisir celle qui, au cours des prochaines années, exercera en son sein la mission d’unité dans la diversité confiée par le Christ.  Priez l’Esprit Saint, non pas qu’il vous révèle d’une façon extraordinaire qui vous devez élire, mais bien plutôt qu’il purifie le cœur de chacune d’entre vous de sorte que vous puissiez faire de façon éclairée et détachée ce choix dont il vous laisse l’entière responsabilité.

 

Armand Veilleux    

 

 


 

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