11 juillet 2009 – Solennité de saint Benoît

Prov.2,1-9; Éph.4,1-6; Luc.22,24-27

Jubilé d’argent de soeur Nivarde de l’abbaye N.-D. de Chimay

 

H O M É L I E 

            L’événement raconté dans ce bref texte évangélique se situe à la fin de la vie de Jésus, plus précisément à la fin de son dernier repas avec ses disciples.  Jésus leur avait déjà annoncé – pour une troisième fois -- sa mort.  Et que font les disciples qu’il a formés avec tant de soin durant trois ans ? Ils se disputent pour savoir lequel d’entre eux occupera la première place dans le royaume que Jésus établira – qui sera le premier ministre dans son gouvernement.  Ils n’ont encore rien compris.  La même chose s’était produite un peu plus tôt. Après la transfiguration, lorsque Jésus leur avait annoncé une seconde fois sa mort, les disciples avaient discuté pour savoir qui était le plus grand parmi eux, et Jésus leur avait alors donné comme exemple, la simplicité d’un enfant.  

            Dans le récit d’aujourd’hui, il les invite au service mutuel, à son propre exemple : « Je suis parmi vous comme celui qui sert », leur dit-il.

             La vie cénobitique – c’est-à-dire la vie monastique vécue en communauté – est essentiellement une vie de service. Une vie de service de Dieu à travers le sacrement du service mutuel. Au début de sa Règle Benoît donne les trois éléments essentiels de la vie cénobitique. C’est, dit-il, une vie en communauté, sous une règle commune et un abbé (ou une abbesse). L’abbé a un rôle particulier de service, mais tous nous sommes les serviteurs (ou servantes) les uns des autres.  Et vous savez que Benoît sent le besoin de le rappeler une dernière fois vers la fin de sa Règle, dans un chapitre sur l’obéissance mutuelle.  

            L’un des désirs les plus profondément enracinés dans le coeur humain, est le désir du pouvoir.  Nous renonçons difficilement au désir de vouloir exercer le pouvoir sur notre propre vie, sur les autres et finalement sur Dieu lui-même.  Quand nous exerçons des responsabilités dans la communauté, dans quelque domaine que ce soit, nous avons facilement la tendance à les interpréter comme un exercice de pouvoir par lequel nous somme confirmés dans notre importance personnelle.  C’est d’ailleurs pourquoi Benoît place en tête de sa Règle un long chapitre sur l’humilité – le plus long de la Règle – ce long chemin par lequel nous sommes graduellement établis dans l’amour de Dieu et nous pouvons demeurer  dans cet amour. 

            Servir ses frères – ou ses soeurs – pour un temps n’est pas difficile.  Servir Dieu pour un temps n’est pas difficile. Aimer en quelques circonstances n’est pas difficile. Ce qui est difficile, c’est de persévérer dans le service, dans l’amour, la fidélité.  C’est pourquoi Benoît insiste tant dans sa règle sur la notion de stabilité, exprimée par les verbes demeurer et persévérer.  Durant le noviciat, on lit trois fois la Règle au novice et chaque fois on lui permet de continuer son cheminement monastique uniquement s’il promet « sa persévérance dans la stabilité ».  

            Dans le chapitre 15 de l’Évangile de Jean (qui est le parallèle du chapitre de l’Évangile de Luc que nous avons lu ce matin), dans le discours de Jésus à la dernière Cène, il dit à ses disciples : « Si vous gardez mes commandements vous persévérerez dans mon amour, de même que j’ai persévéré dans l’amour du Père, en conservant ses commandements... Si quelqu’un m’aime... mon Père l’aimera ; nous viendrons et nous ferons en lui notre demeure ». Le mot grec utilisé dans ce texte pour désigner la demeure est « monè », le même mot utilisé en grec pour désigner un monastère. 

            Un monastère, c’est cela : une demeure.  Non pas un lieu de visite ou de passage. Mais un lieu où nous nous sommes établis – à demeure – persévérant dans le service de Dieu et des frères/soeurs, dans l’écoute et la méditation de la parole, dans l’amour de Dieu.  Et, en conséquence, un lieu où Dieu lui-même fait sa demeure en nous et au milieu de nous. 

            Il est au milieu de nous parce que, comme dit Paul dans le passage de la Lettre aux Éphésiens que nous avons lue, notre vocation nous « a appelés à une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père ».  C’est pourquoi Paul nous exhorte, comme il exhortait les fidèles de la vielle d’Ephèse : « accordez votre vie à l’appel que vous avez reçu ; en toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour ; appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix ».   

            Chère soeur Nivarde, il y a soixante ans, dans la fraicheur de vos 27 ans, après six mois de postulants et un an et demi de noviciat, vous vous engagiez par la profession monastique dans cette communauté de Notre-Dame de la Paix. Soixante ans durant desquelles vous êtes demeurée dans cette demeure de Dieu.  Soixante ans durant lesquels Dieu vous a fait la grâce de le servir en servant vos soeurs de plusieurs façons bien concrètes, en particulier en les habillant et en les nourrissant ! C’est parce que vous êtes demeurée fidèle à votre appel, avec celles qui sont aujourd’hui vos soeurs ici à Chimay, et toutes celles qui y ont vécu au cours des soixante dernières années, que cette maison a été et continue d’être la maison de Dieu. 

            Pouvoir servir ses soeurs dans la charité fraternelle est une grâce.  C’est pour remercier Dieu de cette grâce qu’il vous a faite que nous sommes venus aujourd’hui nous joindre à vous et à vos soeurs.  Ensemble, au cours de cette Eucharistie, nous allons demander à Dieu de combler de sa bénédiction cette communauté de Notre-Dame de la Paix, et d’y faire pour très longtemps encore SA demeure.  

 

Armand Veilleux

 


 

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