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20 juillet 2009 : Funérailles de Dom Guerric Baudet Abbaye de Scourmont Isaïe 25, 6a. 7-9; 1 Jean 3, 1-2; Matthieu 5, 1-12a Homélie On raconte qu’un visiteur passant dans
un
centre
monastique
de
l’Égypte
rencontra
un
moine
très
âgé
et
lui
demanda depuis
combien
de
temps
il
était
moine.
Le
vieil
ascète
lui
répondit :
« Malheureusement
je
ne
suis
pas
un
moine ; mais il y a 65 ans que je m’efforce de le devenir ».
Et
il
ajouta :
« Un
jour,
j’en
ai
rencontré
un ;
je
sais
donc
que
c’est
possible ;
et
je
continue
de
m’efforcer
de
le
devenir ».
Tous ceux qui ont rencontré Dom Guerric
savent
qu’ils
ont
rencontré
un
vrai
moine. Et ceux qui ont eu le privilège de vivre avec
lui
savent
qu’ils
ont
vécu
avec
un
vrai
moine.
J’ai entendu plusieurs fois, au cours des derniers
jours,
des
personnes
me
dire
combien
Dom
Guerric
devenait
,
ces
dernières
années,
de
plus
en
plus
humain,
de
plus
en
plus
attentif
aux
autres,
de
plus
en
plus
un
homme
rayonnant
la
sérénité
et
l’intériorité. Un homme pacifié, qui n’avait rien à prouver
ni
à
lui-même,
ni
aux
autres.
Cette
croissance
continue
est
essentielle
à
la
vie
monastique. On n’est pas un vrai moine si on cesse de le
devenir,
tout
comme
on
n’est
pas
un
vrai
chrétien
si
on
cesse
de
le
devenir. On n’est jamais arrivé ; on est toujours
en
chemin. C’est d’ailleurs le sens premier du
mot
« moine ».
Le
moine
n’est
pas
d’abord
quelqu’un
qui
vit
« seul »
ou
dans
la
solitude,
selon
le
sens
que
l’on
donne
la
plupart
du
temps
à
ce
mot,
mais
bien
plutôt
quelqu’un
qui
n’a
qu’un
amour,
qu’une
préoccupation,
qu’un
but
dans
sa
vie,
et
qui
organise
tous
les
autres
éléments
de
sa
vie
en
fonction
de
cette
tension
continuelle
vers
la
fin
ultime.
Il
s’agit
de
se
simplifier
de
plus
en
plus.
Et
c’est
vraiment
une
grâce
lorsque
quelqu’un
peut,
comme
Dom
Guerric,
poursuivre
ce
cheminement
jusqu’à
un
âge
avancé,
en
possédant
jusqu’au
dernier
instant
de
sa
vie,
à
96
ans,
la
même
lucidité,
la
même
acuité
mentale
et
la
même
finesse
d’esprit
–
parfois
humoristique,
parfois
même
un
peu
sarcastique
–
qu’il
avait
à
60
ou
à
40
ans.
Jusqu’à quelques semaines à peine avant
son
décès
Dom
Guerric
était
présent
à
tous
les
Offices
liturgiques
avec
la
communauté
et
aux
autres
exercices
communautaires,
et
il
travaillait
encore
occasionnellement
dans
le
parc
ou
la
forêt
et
continuait
de
s’intéresser
aux
publications
récentes
dans
les
domaines
de
la
théologie,
de
l’Écriture
Sainte
et
de
la
spiritualité.
Au cours de tous les âges et dans toutes
les
cultures,
il
y
a
eu
des
hommes
et
des
femmes
qui
ont
consacré
leur
vie
à
cette
recherche
de
l’unité,
de
la
simplicité,
dont
j’ai
parlé
plus
haut.
Les
diverses
traditions
monastiques,
dont
certaines
remontent
à
près
de
deux
mille
ans
avant
le
Christ,
ont
développé
des
techniques
et
des
attitudes
pour
faciliter
ce
cheminement.
Pour
le
moine
chrétien
–
comme
d’ailleurs
pour
tout
Chrétien
–
la
voie
pour
arriver
à
ce
but
est
tracée
par
Jésus
dans
son
Sermon
sur
la
Montagne,
et
en
particulier
dans
cette
liste
de
« Béatitudes »
que
nous
venons
d’entendre
dans
la
lecture
de
l’Évangile. « Bienheureux... les pauvres, les coeurs
purs,
les
doux,
les
miséricordieux,
les
artisans
de
paix». C’est l’effort qu’il a déployé pour
vivre
ce
message
de
Jésus
de
Nazareth
qui
a
fait
graduellement
de
Dom
Guerric
l’homme,
le
chrétien
et
le
moine
que
nous
avons
connu
et
aimé. Sans vouloir faire un panégyrique -- la dernière
chose
que
Dom
Guerric
aurait
voulue
–
permettez-moi
de
mentionner
les
grandes
étapes
de
son
cheminement.
Né
dans
une
famille
chrétienne
du
Brabant
–
terre
riche
en
vie
monastique
--
il entra au monastère de Scourmont à l’âge de18
ans.
Étudiant
à
Rome
de
1936
à
1939,
il
y
fut
le
compagnon
de
plusieurs
moines
qui
marquèrent
la
vie
de
notre
Ordre,
ce
qui
concourut
certainement
à
lui
donner
un
« sens
de
l’Ordre ».
Revenu
à
Scourmont,
il
devient
rapidement
un
assistant
pour
Dom
Anselme
Le
Bail,
d’abord
comme
sous-prieur
puis
comme
prieur. C’étaient les années difficiles de la guerre
et
de
l’immédiat
après-guerre.
Lorsqu’en
1949
Dom
Anselme
Le
Bail
fut
frappé
d’une
thrombose
cérébrale
qui
l’handicapa
profondément,
Dom
Guerric
fut
nommé
par
le
Saint
Siège,
à
36
ans,
administrateur
apostolique
avec
responsabilité
totale
sur
la
communauté.
Ce
ne
dut
pas
être
facile
d’administrer
une
communauté
nombreuse,
en
présence
d’un
abbé
profondément
aimé
et
estimé
de
tous
–
toujours
là,
quoique
incapacité
--
la
stalle
de
l’abbé
demeurant
vide
à
l’église
et
au
chapitre.
Cela
dura
un
peu
plus
de
sept
ans,
et
a
probablement
concouru
à
accentuer
le
caractère
réservé
et
un
peu
timide
qu’avait
Dom
Guerric
et
qui
lui
donnait
l’aspect
d’une
certaine
froideur,
laquelle
cachait
d’ailleurs
une
très
grande
sensibilité. Au cours de ces sept années et des
trente-deux
qui
suivirent,
Dom
Guerric,
tout
en
se
consacrant
à
sa
communauté,
s’occupa
avec
beaucoup
d’attention
des
cinq
maisons-filles
que
possédait
Scourmont,
surtout
des
fondations
de
Caldey
et
de
Mokoto. Il joua en même temps un rôle discret mais très
efficace
dans
diverses
commissions
de
l’Ordre,
en
particulier
celle
de
liturgie,
dont
il
fut
membre
de
1950
à
1967
et
celle
de
Droit,
dont
il
fut
plusieurs
années
président,
à
partir
de
1969. Le début de son supériorat coïncida
avec
les
années
d’après-guerre,
où
l’économie
de
l’abbaye
était
entièrement
à
refaire
–
les
moines
ayant
été
expulsés
de
leur
monastère
par
l’armée
d’occupation
--
et
où
l’économie
de
toute
la
région
était
aussi
dans
un
état
de
grand
besoin.
Dans
la
plus
pure
tradition
bénédictine
et
cistercienne,
et
avec
l’aide
de
confrères
compétents
comme
Père
Théodore
et
Père
Robert, Dom Guerric jugea que la communauté monastique
de
Scourmont
devait
mener
cet
effort
de
reconstruction
et
de
développement
en
communion
avec
la
grande
communauté
humaine
du
Sud
Hainaut.
Il
sut
partager
largement
les
fruits
d'une
saine
gestion
non
seulement
avec
les
maisons
filles
de
Scourmont,
mais
avec
beaucoup
d’autres
monastères
et
organismes
humanitaires
de
Belgique
et
d'ailleurs,
particulièrement
en
Afrique. Toutes les personnes de la région qui ont un
certain
âge
savent
qu’un
très
grand
nombre
de
services
de
la
région,
de
caractère
social,
médical,
éducatif
doivent
leur
existence
ou
en
tout
cas
leur
développement
initial
à
l’encouragement
et
au
coup
de
pouce
de
Dom
Guerric,
qui
savait
toujours
se
retirer
en
temps,
lorsque
son
apport
n’était
plus
nécessaire. En terminant cette homélie sans doute
un
peu
trop
longue,
je
voudrais
revenir
sur
ce
que
j’ai
dit
au
début
concernant
le
sens
de
la
vie
monastique
comme
recherche
de
l’unité. C’est précisément en cela que Dom Guerric est
pour
moi
un
modèle
de
vie
monastique : il n’était pas tantôt moine, tantôt assistant
social
ou
quelque
chose
du
genre,
tantôt
un
ami
attentif,
tantôt
un
bon
gestionnaire.
Il
était
tout
cela,
mais
tout
cela
dans
une
grande
unité. Toutes ces préoccupations constituaient, dans
une
synthèse
réussie,
son
« être
moine »,
un
être
unifié
et
simple.
Au cours de cette Eucharistie, alors
que
nous
prions
le
Seigneur
de
recevoir
Dom
Guerric
dans
son
royaume,
nous
remercions
aussi
Dieu
de
nous
l’avoir
donné
et
de
nous
l’avoir
laissé
longtemps.
Armand VEILLEUX |
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