10
décembre 2008 – Mercredi de la 2ème semaine de l’Avent
Isaïe 40, 25-31 ; Matt 11, 28-30
Monastère de Kibungo, Rwanda
H O M É L I E
L'Évangile que nous venons de lire comprend
quelques points de contact avec le Magnificat de la Vierge Marie, qui sont très
intéressants et extrêmement révélateurs.
Jésus invite chacun à prendre son joug sur
ses épaules et à devenir son disciple car, dit-il, "Je suis doux et humble
de coeur".
Les petits, les humbles, ont une place toute
spéciale dans l'Évangile. Le Père a pour
eux un amour préférentiel. Marie est
l'une d'entre eux, et elle le proclame au début du Magnificat: "Mon âme exalte le Seigneur...
car il s'est penché sur la petitesse de sa servante." Le mot grec utilisé ici (tapeinôsin) est traduit
différemment dans les diverses traductions de la Bible: humilité, petitesse,
humble condition. Or, c'est l'adjectif
correspondant que Jésus utilise dans l'Évangile d'aujourd'hui lorsqu'il dit
qu'il est doux et "humble" (tapeinos) de coeur.
Et c'est encore le même mot que Marie utilise plus loin dans son
Magnificat, lorsqu'elle dit que le Seigneur a renversé les puissants de leurs
trônes et exalté les "petits", les humbles (tapeinous).
Lorsque Jésus rend gloire à son Père pour
avoir révélé aux petits les choses cachées aux sages, les petits dont il parle
sont ses disciples. Et ils n'étaient pas
de naïfs enfants. Ils étaient des homme
adultes qui connaissaient les façons de faire du monde: Matthieu, le collecteur d'impôts,
savait faire de l'argent; Jude, le
Zélote, connaissait l'art de la guérilla;
Pierre, Jacques et Jean étaient des pêcheurs qui savaient guider leur
barque sur le lac et jeter le filet. Ils
avaient tout abandonné pour devenir des disciples de Jésus. Lorsque celui-ci les invite -- et nous invite
-- à la simplicité du coeur, il ne nous invite pas à une attitude enfantine ou
à un type enfantin de spiritualité. Il
nous invite à une forme très exigeante de pauvreté du coeur. Il nous invite à le suivre comme disciples et
donc à abandonner toutes nos sources de sécurité, et spécialement notre soif de
pouvoir, de la même façon que ses disciples avaient tout abandonné pour le
suivre.
La grande caractéristique de l'enfant est son
impuissance. L'enfant peut être, à sa
façon, aussi intelligent, aimant, etc. qu'un adulte. Mais parce qu'il n'a pas encore accumulé de
connaissances, de possessions matérielles et de relations sociales, il est
dépourvu de pouvoir. Dès que nous devenons
adultes, nous voulons exercer pouvoir et contrôle: sur nos propres vies, sur
les autres personnes, sur les choses matérielles, et parfois même sur
Dieu. C'est à cela que Jésus nous
demande de renoncer lorsqu'il nous demande d'être comme de petits enfants.
Un exercice utile de connaissance de soi
pourrait être d'examiner les diverses formes
sous lesquelles s'exprime, dans les divers aspects de notre vie, notre
soif de pouvoir, et comment nous défendons ce pouvoir. Contemplons alors notre Seigneur qui est venu
non pas comme un roi puissant sur son trône, mais comme un prophète humble et
sans pouvoir, sur un âne.
Regardons aussi la petitesse de sa très
sainte servante, sa mère, et avec elle, chantons avec une joie et un espoir
renouvelés: "Il
renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles". Et puissions-nous, un jour, chanter tous
ensemble durant les siècles des siècles: "Béni soit le Dieu d'Israël, car
il a regardé la petitesse de ses serviteurs."