11 juillet 2009 -- Solennité de saint Benoît, patron de l'Europe

Prov. 2,1-9; Col. 3,12-17; Luc 22,24-27

Abbaye de Scourmont

 

H O M É L I E

 

            En 1964, durant la seconde session du Concile oecuménique et la première année de son pontifical, Paul VI proclama saint Benoît Patron de l'Europe.   

            Benoît vécut et fonda son monastère de Monte Cassino, après celui de Subiaco, à l'époque où s'écroulait l'Empire romain d'Occident sous les invasions barbares.  Sa rencontre avec Totila, racontée par saint Grégoire dans ses Dialogues, est un puissant symbole de la rencontre de l'Esprit ancien du Christianisme avec la vitalité bouillonnante des peuples nouveaux.  Dans le long processus de regroupement de ces peuples nouveaux, d'abord dans l'Empire de Charlemagne (appelé "père de l'Europe" par le poète Angibert en 799), puis tout au long de l'histoire mouvementée de la Chrétienté médiévale, les monastères vivant selon la Règle de saint Benoît, jouèrent un rôle capital.  C'est sans doute pourquoi, en partie du moins, Benoît a été déclaré patron de l'Europe.  Mais il y a plus. 

            L'idée de "nation", avec tout ce qu'elle comporte de fierté, sinon d'orgueil, et de désir d'hégémonie, fit éclater cette Europe médiévale à l'âge des grandes révolutions et l'on vit se développer une Europe conquérante, rappelée à l'humilité par la tragédie des deux guerres mondiales.  Les conséquences tragiques des tensions entre les nouveaux états-nations conduisirent quelques grands politiciens, un Adenauer, un De Gasperi, un Schuman, souvent inspirés par le penseur Jean Monnet, à développer l'idée d'une Europe nouvelle qui soit une communauté.  Paul VI, qui avait été un diplomate avant d'être Pape, était très sensible à cette aspiration à une communauté européenne, et c'est évidemment une autre raison pour laquelle il nomma saint Benoît patron de l'Europe.  La Règle qu'écrivit Benoît pour les communautés monastiques, vaut tout autant, dans son inspiration fondamentale, pour toute autre forme de communauté, y compris une communauté de nations et de peuples. 

            Si l'inspiration communautaire de saint Benoît a eu un tel succès à travers les siècles, c'est qu'elle ne fait que donner une expression particulière au message de l'Évangile, et spécialement à celui que nous trouvons dans l'Évangile d'aujourd'hui.  L'événement raconté par Luc se situe au cours même du dernier repas pris par Jésus avec ses disciples.  Il vient de leur annoncer que l'un d'entre eux le trahira; et que font-ils? Ils se demandent qui parmi eux sera le plus grand dans son royaume – qu'ils conçoivent encore comme un royaume temporel.  Jésus leur apprend de nouveau, par son exemple comme par ses paroles qu'une communauté ne peut se construire que sur la base d'un humble service mutuel et non par la domination des uns par les autres. 

            Le texte de Paul aux Colossiens nous redit les conditions et le fondement théologique de toute communauté.  Pour qu'une communauté soit vraie, chacun doit de revêtir des sentiments suivants: d'abord la compassion (littéralement: des entrailles de miséricorde); puis la bienveillance qui accompagne nécessairement cette compassion et l'humilité qu'elle engendre. À cela s'ajouter la douceur, qui doit souvent s'allier à la force de la patience; car on ne peut vivre ensemble – individus ou nations – sans avoir constamment à se supporter et souvent à se pardonner – comme le Seigneur le fait sans cesse à notre égard. 

            Mais pourquoi faire de tels efforts, pourquoi s'acharner à construire des communautés, que ce soit la communauté monastique ou la communauté européenne, alors qu'il est beaucoup plus facile de suivre la pente naturelle de l'individualisme et de l'égoïsme.  Les premiers mots du message de Paul aux Colossiens nous donnent la réponse:  C'est parce que nous sommes élus, c'est-à-dire que nous avons été appelés – tous, en tant qu'enfants de Dieu -- , que nous avons été sanctifiés par Lui, et pour tout dire parce que nous sommes aimés de Lui.   

            Confiants en cet amour, demeurons fidèles à l'amour et au service mutuels.

Armand Veilleux

 

 


 

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