29 juillet 2008 – Visite Rég. Chimay

Rom 8, 22-27 ;  Jean 7, 37-39

 

 

La Prière de l’Esprit en nous

 

            Pour cette Messe de l’Esprit Saint, au début de notre Visite Régulière, j’ai choisi les lectures et les prières de la Vigile de la Pentecôte ; et parmi le choix de textes proposés comme première lecture, j’ai choisi celle tirée du chapitre 8 de la Lettre de Paul aux Romains.  Cela nous garde dans le contexte du lectionnaire liturgique dominical.  Comme vous l’avez évidemment remarqué, la deuxième lecture de la Messe de chaque dimanche, depuis le 9ème dimanche, est tirée de la lettre de Paul aux Romains – qui est la plus importante des Lettres de Paul et la plus forte du point de vue doctrinal. Et la lecture des quatre derniers dimanches a été tirée du chapitre 8, qui est vraiment le coeur de cette Lettre.  Le texte que nous venons de lire est celui que nous avions pour la messe du Dimanche, il y a deux semaines.

 

            Le « personnage » principal (si l’on peut parler ainsi) de ce chapitre est l’Esprit Saint. Depuis le début de la Lettre, Paul n’a mentionné l’Esprit que quatre fois, dans des contextes tout à fait différents l’un de l’autre.  Or, le mot pneuma reviendra 19 fois tout au long de ce chapitre 8. 

 

            Dans la première partie du chapitre, Paul parle de l’opposition, ou en tout cas de la tension, entre la chair et l’Esprit.  Par « chair » il entend tout ce qui relève de notre condition de créatures. Une fois acquise la victoire de l’Esprit sur la chair, le Chrétien se trouve divinisé, transformé de l’intérieur par l’Esprit.  Cette divinisation n’est cependant que commencée ici-bas et ne sera pleinement réalisée que dans le monde à venir.

 

            Or, dans le passage que nous lisons aujourd’hui, Paul nous présente une vision eschatologique tout à fait particulière.  Non seulement la divinisation de l’homme implique une transformation du corps lui-même ; mais c’est aussi toute la créature visible, tout le cosmos, qui est impliqué par cette transformation.  La plupart des visions eschatologiques ou apocalyptiques, à l’époque de Paul, voyaient une destruction universelle du monde actuel par le feu avant l’apparition d’un monde  nouveau.  Pour Paul il y a un lien étroit entre l’être humain et l’ensemble de l’univers ; et cet univers est lui-même appelé non pas à être anéanti, mais bien à être transformé  -- et transformé de l’intérieur -- car il a en lui-même une semence de l’Esprit.  Pour comprendre cela il faut retourner au récit de la Genèse (même si Paul n’y fait pas explicitement allusion) où l’on voit tous les aspects de l’univers sortir du chaos primitif lorsque l’Esprit de Dieu plane sur ce chaos (ce tohu bohu en hébreu).

 

            Cela vaut pour nous aussi, dit Paul : « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut.  L’Esprit lui-même intervient pour nous par des gémissements inexprimables. » En réalité, dans la lettre de Paul, cette phrase commence par : « De même, l’Esprit Saint...» À quoi réfère ce « de même » ? On trouve la réponse dans la suite du texte, où l’on voit que l’Esprit gémit, comme tout le cosmos, et comme nous-mêmes (8, 2.23), quand il intercède pour nous.  Ce faisant, il « vient en aide à notre faiblesse » car, dit Paul, « nous ne savons pas quoi demander dans la prière comme in convient ».  Il y a donc deux choses que nous ne savons pas : a) nous ne savons pas quoi demander ; et b) nous ne savons pas le faire comme il convient.  C’est en cela que correspond notre faiblesse.  Et c’est pourquoi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse. Nous ne connaissons pas la volonté divine et de nous-mêmes nous pouvons désirer beaucoup de choses qui ne seraient pas conformes à cette volonté.  Or, c’est à cette faiblesse que vient en aide l’Esprit Saint qui prie en faveur des croyants et demande en nous et pour nous de que, dans notre « faiblesse », nous ne savons pas demander. 

 

            L’Esprit Saint prit en nous par des gémissements. Le lectionnaire liturgique traduit par « cris » ; mais « gémissements » est plus exact.  Le substantif employé ici correspond au verbe employé plus haut pour parler du gémissement de toute la création attendant la pleine révélation des enfants de Dieu, et du gémissement des croyants eux-mêmes dans leur tension vers la fin de leur situation présente et douloureuse.  Selon les traductions, ces gémissements sont « ineffables », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être exprimés, oui ils sont « sans paroles », ce qui est probablement une meilleure traduction. (Comme ce mot ne se trouve nulle part ailleurs dans le NT, ils est impossible de faire des comparaisons.)        Si la prière de l’Esprit Saint est sans paroles, c’est qu’elle n’en a pas besoin.  Elle est communion des volontés.

 

            Ce texte m’a toujours semblé la plus belle description de la prière que nous ayons dans le Nouveau Testament.  Il n’y a en réalité qu’une seule prière dans la Nouvelle Économie du Salut ; c’est cette prière de l’Esprit de Dieu.  Tout le reste de ce que nous appelons prière, que ce soit la récitation de formule, que ce soit le silence, que ce soit notre propre parole spontanée adressée à Dieu, que ce soit une danse ou d’autres gestes – tout cela n’est qu’un ensemble de moyens qui nous sont donnés ou que nous développons pour entrer en contact avec cette prière de l’Esprit en nous et la faire nôtre.  Ce faisant nous entrons en communion non seulement avec l’Esprit de Dieu en nous, mais avec tous nos frères et nos soeurs qui portent la même prière en mal d’enfantement et aussi en communion avec toute la création, tout le cosmos qui porte le même souffle de Dieu puisqu’il en tire son existence même.

 

 

Armand Veilleux

 


 

 

 


 

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