20 août 2008 – Fête de saint Bernard

Sg 7, 7-16 ; Phil. 3, 17-21. 4, 1 ; Jn 17, 20-26. 

 

Homélie pour la profession solennelle

de soeur Danielle, Soleilmont 

 

            Saint Benoît, dans le Prologue de sa Règle, trace l’image de Dieu passant de par le monde et demandant : « qui désire la vie ? » C’est pour celui – ou celle – qui répond « Moi ! » que Benoît écrit sa Règle, qui se termine, avec le dernier verset du Chapitre 72, par le souhait que Dieu nous conduise tous ensemble à la vie éternelle.  La vie monastique est donc tout entière conçue par saint Benoît comme un chemin de vie, un chemin conduisant à la vie, mais un chemin que l’on ne parcoure pas seul.  C’est un chemin que nous parcourons tous ensemble (omnes pariter) dans l’unité.

 

            C’est ce thème de l’unité que nous retrouvons au coeur de l’Évangile que nous venons de lire, lequel est une section de la grande prière adressée par Jésus à son Père au cours du dernier repas qu’il prit avec ses disciples.  Jésus prie son Père pour que ses disciples soient un.  Cette unité dont il parle est quelque chose de beaucoup plus profond que l’unité dont nous parlons souvent dans notre langage œcuménique actuel.  Il ne s’agit pas simplement de se respecter mutuellement, de s’efforcer de se comprendre, d’arriver à exprimer notre foi dans des formules plus ou moins identiques, etc.  Tout cela est bon et nécessaire.  Mais l’unité dont parle Jésus est d’un tout autre ordre. Elle consiste à partager la gloire du Christ, à partager sa nature divine, à être tous ensemble un dans le Père et dans le Fils comme ceux-ci sont un, l’un dans l’autre.  

 

            Durant plusieurs dimanches, jusqu’à l’avant-dernier, nous avons lu, comme deuxième lecture de la messe, le chapitre 8 de la Lettre de Paul aux Romains. Paul y parlait du Christ, premier né de toute créature et premier né d’entre les morts.  Et il nous disait que nous étions appelés à vivre de son Esprit afin de devenir ses frères. 

 

            Cette recherche de l’unité est au coeur de notre vie monastique.  La simplicité est la vertu principale à laquelle nous devons tendre.  Pas simplement une sorte de simplicité extérieure, d’absence de complexité et de complications, ou encore absence d’ambition et d’orgueil.  La simplicité dont il est ici question est l’opposé de la duplicité du coeur.  Elle consiste à n’avoir qu’un but dans la vie, qu’un objet de sa recherche, qu’un amour.  Elle correspond à la belle prière du psalmiste : « Unifie mon coeur, pour qu’il cherche ton nom. »

 

            La simplicité qui est l’une des principales caractéristiques de la spiritualité cistercienne, n’est pas simplement un purisme dans le domaine de l’architecture et de la liturgie.  Elle est tout d’abord cette attitude du coeur qui veut aller droit au but. Elle est l’amour qui ne veut avoir qu’un objet. C’est pourquoi les Pères cisterciens -- et Bernard, que nous fêtons aujourd’hui, plus que tout autre -- ont tellement commenté le Cantique des Cantiques, qui exprime de mille et une façons, cet amour qui n’a qu’un objet et qu’un but.

 

            Cet amour de Dieu, qui a été répandu en nos cours par l’Esprit Saint qui nous a été donné, a un autre nom dans la Bible.  Il s’appelle Sagesse.  Cette Sagesse le Roi Salomon l’a désirée plus que toute autre chose. De même l’auteur du beau Livre de la Sagesse dont nous avions un extrait comme première lecture.  Cette Sagesse n’est pas la sagesse humaine, même la plus noble et la plus pure.  Elle ne s’apprend pas à travers l’école des succès et des échecs, ni dans les livres.  Elle ne se transmet pas d’une personne à l’autre à travers l’enseignement.  Elle est pur don de Dieu.  Celui ou celle qui en a découvert la valeur la préfère à toutes les richesses et tous les honneurs de ce monde.  Elle est le trésor trouvé dans un jardin ou la perle précieuse découverte et pour laquelle on est prêt à se déposséder de tout le reste de ce qu’on a. 

 

            Toutes ces dimensions de l’Unité, de l’Amour, de la Simplicité, de la Sagesse (qui sont autant de synonymes) sont bien résumées dans le dernier verset du texte du Livre de la Sagesse que nous avons lu : « Nous sommes dans sa main : nous-mêmes, nos paroles, toute notre intelligence et notre savoir-faire.

 

            Chère soeur Danielle, si tu es prête – comme je suis sûr que tu l’es – à abandonner toutes tes richesses, de quelque ordre qu’elles soient, pour obtenir cette sagesse, pour aller à Dieu avec un coeur unifié, pour te retrouver une – avec toutes tes soeurs, toute l’Église et tout l’univers -- dans l’amour du coeur de Dieu, je t’invite à prononcer, dans les mains de ton abbesse, ta promesse de stabilité dans cette communauté, de conversion continuelle et de communion avec la volonté de Dieu à travers l’obéissance.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 


 

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