13 avril 2008 - Quatrième dimanche de Pâques "A"
Actes 2,14...41; 1Pierre 2,20-25; Jean 10,1-10

 

H O M É L I E

 

La première lecture de cette Eucharistie nous rapporte la partie essentielle de la prédication de saint Pierre devant tout le peuple réuni à Jérusalem, le jour de la Pentecôte, tout de suite après l'événement même de la descente de l'Esprit-Saint sur les Apôtres. Ce discours, qui se terminera par la conversion et le baptême de 3.000 personnes, selon le récit des Actes, comporte donc l'essentiel de la prédication chrétienne. C'est l'essentiel auquel il faut toujours revenir, au-delà de tout ce qui s'est ajouté au cours des siècles comme pratiques, règlements, coutumes et enseignements. L'essentiel de notre foi chrétienne se résume en ceci : " Un homme est apparu parmi nous, Jésus de Nazareth ; Dieu a fait connaître sa mission par tous les prodiges qu'il lui a donné de réaliser ; vous l'avez mis à mort ; Dieu l'a ressuscité. Il a été élevé dans la gloire et a reçu de son Père l'Esprit, qu'il a répandu sur nous comme il l'avait promis ".

C'est là le noyau de la prédication chrétienne.(Ceux qui ont accepté cet enseignement ont pu recevoir le baptême, sans plus ample catéchèse !) Les Apôtres et les premiers chrétiens élaborèrent par la suite cet enseignement en se rappelant - et en nous rappelant par leurs écrits - tout ce que Jésus avait fait et dit lorsqu'il était au milieu d'eux. Et, évidemment, chacun d'eux nous a raconté ces paroles et ces événements tel qu'il les avait vécus et selon l'effet qu'ils avaient eu sur lui. À cet effet L'Évangéliste Jean nous apporte souvent sur ces événements et ces paroles des lumières autres que celles des autres Évangélistes.

Matthieu et Luc racontent une parabole de Jésus sur la brebis perdue, à la recherche de laquelle le pasteur s'en va, même en laissant seules les quatre-vingt-dix-neuf autres brebis. Dans l'Évangile de Jean, cette parabole très simple et très courte se transforme en une longue allégorie où Jésus se présente comme le Bon Pasteur qui se préoccupe de son troupeau, contrairement aux pasteurs à gage ou aux voleurs.

Dans cette parabole, Jésus mélange les images d'une façon qui est pour nous un peu déconcertante. Il se compare à la "porte" aussi bien qu'au "pasteur" -- deux images qui sont en réalité complémentaires. On n'a pas ici un enseignement bien structuré, selon notre logique latine -- en premier point, deuxième point, troisième point -- mais une série d'images comportant chacune un message. Il est donc important de porter une grande attention à chaque élément de ce récit sans trop essayer d'y voir un lien logique avec les autres éléments.

Il ne faut surtout pas faire une lecture moralisante de ce texte, y cherchant en quoi consiste l'attitude d'une bonne brebis. Ce qui intéresse Jésus ici, c'est de décrire ce qu'est un vrai pasteur ; et cet enseignement s'adresse à quiconque a une responsabilité sur le peuple, que cette responsabilité soit d'ordre religieux ou d'ordre politique.

Jésus se présente très clairement comme la porte par où doit passer quiconque veut être pasteur et il compare les pharisiens aux voleurs et aux bandits qui, au lieu de passer par la porte escaladent le mur de l'enceinte. Le bandit vient pour voler, égorger et détruire; les brebis s'enfuient donc devant lui. Jésus décrit, au contraire, sa propre mission comme une mission de vie : Je suis venu pour que les humains aient la vie, et qu'ils l'aient en abondance. Tout ce qui n'est pas dans la ligne de la vie, et de la vie en plénitude, n'est pas dans la ligne du Christ.

Le pasteur, tel qu'il est décrit par Jésus, ne vient pas pour agir comme maître au sein de la bergerie. Au contraire, il ne semble même pas entrer dans la bergerie. S'il se fait ouvrir la porte par le portier (qui est sans doute le Père), c'est pour appeler les brebis à sortir. Le bercail dont parle Jésus, c'est le Peuple d'Israël, si porté tout au long de l'Ancien Testament, à se replier sur lui-même. Jésus vient appeler ses brebis, chacune par son nom, à quitter cet enfermement pour le suivre sur les routes de son ministère. Il a d'autres brebis, qui ne sont pas de ce bercail, c'est-à-dire qui proviennent des nations païennes. Elle aussi, il les appelle; et toutes formeront un seul troupeau. Ce troupeau n'est pas appelé à rentrer au bercail, mais à suivre Jésus dans sa mission universelle, à travers le désert de l'humanité.

Il est assez facile de comprendre comment Jésus est Pasteur. Comment est-il aussi la porte? Car Jésus dit bel et bien: "Je suis la porte". Il est la porte, parce que, dans le mur de la misère humaine, il a introduit des ouvertures. Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reconnu; ils lui ont opposé un mur. Dans ce mur ses plaies ont ouvert des voies de passage. Lorsque Thomas a introduit sa main dans les plaies des pieds et du côté de Jésus Ressuscité, il a reconnu la voix du Maître et s'est écrié: "Mon Seigneur et mon Dieu". Comme dit Pierre, dans la seconde lecture. "Le Christ a souffert pour vous... afin que vous suiviez ses traces... C'est par ses blessures que vous avez été guéris. Vous étiez errants comme des brebis; mais à présent vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous." C'est par les trous béants de ses plaies qu'il est la Porte.

Le Christ souffre toujours, encore aujourd'hui, dans ses soeurs et ses frères. Pour le reconnaître, ces jours-ci, il faut introduire nos mains dans les plaies béantes de nos frères et soeurs qui sont les victimes de toutes les guerres fratricides. Reconnaissons le Christ souffrant dans toutes les victimes de la guerre et ouvrons bien grands nos coeurs et nos bras pour les accueillir.


Armand Veilleux





 

 

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