6 mars 2008 – Jeudi de la 4ème semaine de Carême

Is 49, 815 ; Jean 5, 17-30

Abbaye de Soleilmont

 

 

            Le récit du dialogue entre Dieu et Moïse (première lecture) au sujet du peuple qui a commis un péché d'idolâtrie se termine par la mention : "Le Seigneur renonça au mal qu'il avait voulu faire à son peuple ".  Ce texte ne parle pas de conversion de la part du peuple, car aucune conversion n'y est mentionnée, au moins jusqu'à ce point du récit;  il ne parle pas non plus directement de prière, bien qu'il nous enseigne quelque chose d’important sur la prière.  Ce texte traite essentiellement de Dieu.  Il nous dit qui est Dieu.  Si Dieu a finalement eu pitié de son peuple, ce n’est pas parce que Moïse l’en a supplié, mais simplement parce qu’il est Dieu.

 

            Bien sûr, Moïse a supplié Dieu d’épargner son peuple, et la façon dont il l’a fait nous enseigne beaucoup de choses sur la prière. La première chose que ce récit nous enseigne concernant la prière est la solidarité de Moïse avec son peuple.  Un jour Moïse a posé un acte qui a transformé toute sa vie.  Alors qu’il avait une existence privilégiée à la cour de Pharaon, il est retourné vers son peuple ; et, pour défendre un de ses frères opprimé, il a posé un acte qui tout fait basculé sous ses pieds. Il a dû fuir en exil et repartir à zéro.  Dieu lui a donné alors la mission de libérer son peuple, et il s’est tellement identifié avec ce peuple que, lorsque Dieu en a assez de ce peuple rebelle et veut l’exterminer, Moïse dit à Dieu, si tu extermines ce peuple, tu dois m’exterminer moi aussi.  La vraie prière pour le prochain est la prière humble, où celui qui prie s’identifie avec ceux pour qui il prie, et non la prière du prétendu saint pour ceux qui sont supposés pécheurs. Et, pour convaincre Dieu d’épargner son peuple Moïse fait appel non pas à la misère du peuple, ni à sa propre relation, soi avec le peuple, soit avec Dieu.  Il fait appel tout simplement à qui est Dieu.  Que diront les Égyptiens de toi si tu extermines ton peuple dans le désert, alors que c’est toi qui les y as conduits !

 

            Dans l’Évangile, nous poursuivons la lecture du Chapitre 5 de saint Jean, commencée il y a deux jours.  Ce chapitre nous raconte le premier affrontement de Jésus avec les Juifs à Jérusalem, au début de sa vie publique, annonçant déjà le dénouement tragique dont nous ferons mémoire dans quelques semaines.  Jésus, nouveau Moïse, s’identifie lui aussi avec nous, dont il a pris la nature humaine. Et pour lui aussi, son point d’attache et le fondement de sa prière c’est qui est Dieu pour Lui et pour nous.  Dieu écoute sa prière et la nôtre, tout simplement parce qu’il est Dieu, et qu’il est bon.  Il rend témoignage à son Fils Jésus, et nous rend témoignage à nous aussi, si nous vivons en communion avec lui.  Nous pouvons alors arguer avec lui comme Moïse, et notre argumentation sera reçue comme une prière.