1er novembre 2003 – Fête de la Toussaint

Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a

 

 

HOMÉLIE

 

            La liste des saints reconnus officiellement comme tels par l’Église dans une cérémonie de canonisation ne cesse de s’allonger.  Ils ont chacun/e un jour désigné dans la calendrier liturgique.  Ce ne sont pas eux que nous célébrons en premier lieu aujourd’hui, mais bien la foule anonyme des hommes et des femmes, pères et mères de familles, aussi bien que célibataires, simples ouvriers aussi bien qu’hommes d’affaires ou professionnels, qui ont vécu en communion avec Dieu dès ici-bas en communiant avec leur prochain.  Tous, avant même leur naissance, ils avaient été appelés à être enfants de Dieu. Au milieu de problèmes personnels ou familiaux, politiques ou sociaux, avec leurs grandeurs et leurs faiblesses ils ont fait l’expérience de l’amour miséricordieux de Dieu.

 

            J’aime bien la définition du saint donné par le théologien Paul Tillich.  « Un saint – dit-il – est un pécheur dont Dieu a eu miséricorde ».  Il faudrait évidemment préciser « ... un pécheur qui a su accueillir la miséricorde de Dieu ».

 

            Ces saints que nous célébrons aujourd’hui, ils sont, pour utiliser les mots mêmes du Livre de l’Apocalypse, « de toutes nations, races, peuples et langues », de toutes les époques et de toutes les traditions religieuses.

 

            Chaque année, en cette solennité – comme aussi en quelques autres occasions durant l’année liturgique – nous lisons, à l’Évangile, le texte des béatitudes.  Il suffit de comparer un peu les nombreuses traductions de ce passage dans les diverses langues modernes, pour percevoir combien cette dizaine d’affirmations de Jésus commençant par les mots « Bienheureux... » sont prégnantes de significations diverses et complémentaires.  Par exemple, notre lectionnaire biblique français actuel traduit la première béatitude, par « Heureux les pauvres de coeur », ce qui est évidemment plus beau que la traduction plus traditionnelle « Heureux les pauvres en esprit ».  Cependant une étude attentive de tous les textes de l’Évangile de Matthieu où Jésus parle de la pauvreté nous amènerait à traduire plutôt (comme le fait par exemple le lectionnaire espagnol) par « Heureux ceux qui ont choisi d’être pauvres... ».

 

            Cette béatitude de la pauvreté est sans doute la plus commentée par les exégètes et les homélistes.  J’aimerais vous inviter à réfléchir plutôt, cette année,  sur la béatitude se rapportant à ceux qui souffrent.  C’est la deuxième dans notre texte (souvent inversée avec la troisième dans d’autres traductions).  On peut traduire « Bienheureux ceux qui pleurent », comme le fait notre lectionnaire.  On pourrait aussi traduire d’une façon plus large : « Bienheureux ceux qui souffrent » ; et cette traduction est probablement plus juste, si l’on tient compte qu’il y a certainement ici une allusion aux premiers versets du chapitre 61 d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi ;  il m’a envoyé porter joyeux message aux humiliés, panser ceux qui ont le coeur brisé, proclamer aux captifs l’évasion, aux prisonniers l’éblouissement. »

 

            Ce message de libération de toutes les souffrances n’est-il pas la dernière espérance qui reste de nos jours à tant de peuples tout aussi opprimés que ne l’était le peuple d’Israël en exil au temps du prophète Isaïe : que l’on pense aux populations de l’Irak ou de l’Afghanistan, de Palestine et d’Israël, du Congo et du Libéria et de tant d’autres coins de la planète voués à la souffrance et aux pleurs.  Ce message, cette béatitude, s’adresse à tous les hommes, qu’ils soient chrétiens, musulmans, juifs, ou d’une autre religion.  Aux Chrétiens que nous sommes, cependant, mission est donnée d’en faire une réalité, en continuant par des gestes concrets la libération commencée par Jésus.

 

            Cette béatitude se complète et s’explique en effet par celle sur la miséricorde.  Lorsque Jésus dit « Bienheureux les miséricordieux », il ne fait pas allusion dans ce contexte à une attitude de pardon des offenses.  Le sens est plutôt : « Bienheureux ceux qui pratiquent les oeuvres de miséricorde... » c’est-à-dire les oeuvres de miséricorde mentionnées au chapitre 25 de Matthieu : « J’avais faim, j’avais soif, j’étais en prison... »

 

            Demandons au Seigneur de nous donner le coeur pur qui nous permettra de voir Dieu en chacun de nos frères, de sorte que nous pratiquerons à l’égard de tous ceux qui souffrent les oeuvres de miséricorde, de telle sorte que nous serons fidèles à la mission qui nous a été confiée et que se réalisera la promesse de Jésus : « Bienheureux ceux qui souffrent, car ils seront consolés ».

 

Homélies pour les années précédentes :

2000 - français

2000 - italien

2001 - français

2001 - italien

2002 - français