Solennité de la Pentecôte 2003
Actes 2,1-11; Galates 5, 16-25; Jean 15,26-27... 16,12-15

 

 

 

H O M É L I E

 

            En ce jour où nous concluons nos célébrations pascales, nous lisons, cette année la partie du discours de Jésus à la dernière Cène, où Il promet à ses disciples de leur envoyer l'Esprit-Saint, qu'il appelle ici le "Paraclet" ou le "Défenseur".  Jésus annonce que l'Esprit-Saint lui rendra témoignage auprès des disciples, afin que ceux-ci lui rendent témoignage auprès de toutes les nations auxquelles ils sont envoyés.

 

            Les paroles de Jésus retenues dans ce bref extrait de l'Évangile concernent non pas le témoignage des disciples face au monde mais le témoignage de l'Esprit-Saint au coeur de la communauté ecclésiale.  On ne peut témoigner du Christ que si l'on a foi en lui.  Or, la foi est une relation personnelle, une connaissance au sens le plus profond et le plus intime de la parole.  Cette rencontre n'est pas le résultat de paroles ou d'un enseignement.  On aurait beau recevoir cet enseignement, même de la bouche de Jésus lui-même, il ne produira rien si l'on n'est pas encore disposé à le recevoir et à l'assimiler.  "J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter", dit Jésus à ses disciples. 

 

            Le rôle de l'Esprit-Saint sera de les guider vers la vérité toute entière.  Il les guidera vers Celui qui est la Vérité.  Ils devront accepter de Le rencontrer, de faire l'expérience du Christ tout entier, c'est-à-dire dans l'entièreté de son mystère, comprenant sa mort aussi bien que sa résurrection.  C'est sans doute ce que veut dire Jésus, lorsqu'il dit à ses disciples : "Vous aussi, vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement".  Le Christ de qui ils doivent rendre témoignage, ce n'est pas seulement le Christ ressuscité, mais le Christ fait homme, le Christ qui a passé en faisant le bien, le Christ qui est mort et qui est ressuscité.

 

            Tel doit être le témoignage des Chrétiens dans le monde -- un témoignage qui ne consiste pas simplement à "enseigner" les vérités de la foi ou à les "défendre", mais un témoignage de vie qui consiste à "conduire" tous les humains vers la vérité toute entière, vers le Christ afin qu'ils en fassent eux-mêmes l'expérience; afin qu'ils le rencontrent eux aussi dans une relation personnelle intense.

 

            Cette venue de l'Esprit-Saint sur les disciples, annoncée par Jésus à la dernière Cène, Luc en donne le récit au début des Actes des Apôtres, en situant symboliquement l'événement dans le cadre de la célébration de la fête juive de la Pentecôte, célébrant le don de la Loi qui devait conduire le Peuple jusqu'au Messie, et en faisant référence au récit de la tour de Babel, écrit dix siècles auparavant.  À Babel (le mot signifie "porte des dieux") la multiplicité des langues était vue comme une confusion résultant du fait que le peuple avait voulu accéder à la divinité, tout comme le premier couple l'avait fait au jardin d'Éden.  Maintenant, cette pluralité des langues est vue au contraire comme une richesse. 

 

            Dans ce récit de Luc, les Apôtres ne se mettent pas à émettre des sons bizarres, comme il arrive en certains groupes de prière, mais ils parlent tout simplement "d'autres langues", si bien que chacun des auditeurs les entend dans sa propre langue.  Là où il y a l'Esprit de Dieu, la beauté et la richesse de la diversité entre les personnes, entre les peuples et entre les cultures est reconnue et développée.

 

            Ce dernier point est repris dans l'enseignement moral de Paul aux Galates.  Tout ce qui détruit l'harmonie au coeur même de chaque personne (comme la débauche, l'impureté, la gloutonnerie)  aussi bien qu'au coeur de la communauté (comme les haines, les  querelles, la jalousie) vient de la "chair" entendue comme opposée à l'Esprit, alors que tout ce qui établit ou maintient l'harmonie, aussi bien en chaque personne (comme la maîtrise de soi, l'humilité) ou au sein de la communauté (comme l'amour, la patience, la bienveillance) est un fruit de l'Esprit qui conduit vers la Vérité toute entière.

 

            Les tours de Babel sont nombreuses tout au long de l'histoire humaine, comme elles le sont encore de nos jours : guerres, torture, xénophobie, oppressions et esclavages de toutes sortes.  Laissons-nous, chacune de nous, conduire par l'Esprit-Saint jusqu'à la Vérité toute entière, afin de pouvoir être ses témoins, cultivant dans nos propres vies l'harmonie et travaillant à l'harmonie dans tous les milieux de vie qui sont les nôtres.