8 (9) décembre 2002 -- Immaculée
Conception
Gn
3,9-15.20 ; Ép 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38
H o m é l i e
Je
voudrais, aujourd’hui, m’arrêter à un seul mot de ce bel Évangile que nous
lisons à plusieurs solennités de la Bienheureuse Vierge Marie et à d’autres
moments de l’Année Liturgique. Il
s’agit de l’adjectif utilisé par l’ange Gabriel pour saluer Marie. En grec c’est le mot kecaritwme,nh, que nous traduisons par « pleine de grâce ». Mais que veut dire le mot « grâce » ? En grec, comme d’ailleurs dans la plupart de nos langues modernes,
le mot grâce (charis) veut dire en premier
lieu « beauté », charme. Ainsi
par exemple on parle de la « grâce » d’une ballerine et on dit qu’elle
est gracieuse. La salutation de Gabriel
veut dire : « Salut, toi qui a été comblée de grâce, toi qui a été
rendue gracieuse, toi qui as été faite toute belle ».
Notre
monde est plein de laideurs et d’horreurs, tout comme il est plein de beauté. Il est important de savoir contempler tout ce qui s’y trouve de beau
et travailler à son développement. Et,
dans l’ordre de la foi, c’est Marie qui incarne cette beauté plus que toute
autre créature. Elle est notre modèle à tous ; et sans
doute elle est notre modèle tout particulièrement à nous qui avons été appelés
à la vie religieuse et monastique.
Dans
son Instruction de 1996 sur la vie religieuse, intitulée Vita consecrata et publiée après le Synode de 1995 sur la Vie Religieuse, le saint Père revient
constamment sur ce thème de la beauté. Ce
thème est même le fil conducteur de tout le document.
Nous
aussi nous avons été comblés de grâce par le fait que nous avons été créés
à l’image de Dieu. Cette beauté native
a été brisée par le péché -- le péché originel et le nôtre. C’est pourquoi tous nos efforts de conversion
doivent concourir à restaurer en nous cette beauté perdue. Et pour cela nous avons l’image de la Vierge
Marie, qui, elle, n’a jamais perdu
sa beauté.
En
nous laissant transformer sous l’action de l’Esprit Saint et en y collaborant
par notre ascèse, nous travaillons à la restauration de la beauté divine non
seulement en nous mais dans toute la pâte humaine. C’est pourquoi Jean-Paul II, dans l’Instruction que je viens de
mentionner, dit que « La vie
consacrée a le devoir de montrer
le Fils de Dieu fait homme comme le terme eschatologique vers lequel tout
tend, la splendeur face à laquelle pâlit toute autre lumière, la beauté infinie qui peut seule combler le cœur de l'homme. » Il nous appelle à nous ouvrir et à ouvrir le
monde où nous vivons « à la fascination et à la nostalgie de la beauté
divine ».
En même temps nous sommes appelés à restaurer, par la pratique
des béatitudes et de la charité, la dignité humaine chez ceux qui, victimes
de la pauvreté, de la faim et de la misère, incarnent le visage défiguré,
rendu sans beauté, du plus beau des enfants des hommes.
Demandons à Marie de nous assister dans cette mission, car,
comme le dit le Saint Père dans son Instruction, « Marie est celle qui,
dès son immaculée conception, reflète avec la plus grande perfection la beauté
divine » et celle qui a recueilli dans ses bras, au pied de la croix,
le visage défiguré de son fils. Elle est aussi celle qui, du ciel, nous le
montre dans toute sa beauté de Ressuscité.
Armand VEILLEUX