23 novembre 2003 – Fête du Christ, Roi de l'Univers, année "B"

Dn 7, 13-14; Ap 1, 5-8; Jn 18, 33-37

 

 

H O M É L I E

 

           L’Évangile que nous avons pour la fête du Christ-Roi de cette année est tiré de l’Évangile de Jean.  Or, dans l’Évangile de Jean le titre « Roi d’Israël » est plusieurs fois attribué á Jésus par ses disciples (voir Nathanaël, 1,49) ou par la foule (12,13) ; et le titre « Roi des Juifs » lui est plusieurs fois attribué dans le récit de sa rencontre avec Pilate, dont nous venons d’entendre une partie. Cependant Jésus ne s’attribue jamais lui-même ce titre.  Et lorsque Pilate, agacé, lui dit clairement : « Tu es donc roi » Jésus se contente de répliquer, avec une habilité extrême : « C’est toi qui dis que je suis roi. »

 

            Si Jésus ne s’attribue jamais le titre de roi, il parle de sa « royauté » ou, pour traduire de façon plus correcte, de son « règne ».  Et ce règne n’est rien d’autre que le règne de Dieu ou le règne de son père.  Ainsi, à Nicodème il explique que personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu s’il ne naît de nouveau (3,3 et 3,5).

 

            Lorsque les chefs des prêtres ont livré Jésus à Pilate, ils le présentèrent comme quelqu’un qui aurait voulu se constituer roi des Juifs, s’opposant donc à l’empereur César, dont Pilate était le représentant.  Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu avait dit Jésus lorsqu’on l’avait confronté à l’obligation de payer l’impôt à César.  Il faut choisir entre les deux et les chefs des prêtres ont fait leur choix.  Pour se débarrasser de ce Messie possible, ils ont opté pour César. Ils le diront d’ailleurs quelques instants plus tard : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. »

 

            Jésus en profite pour expliquer à quel point le règne ou le royaume de son père – et donc son règne – diffère radicalement de celui de César ou de Pilate et donc aussi de tous les règnes de ce monde.  Ceux-ci s’établissent et se maintiennent par la force et la violence :  « Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se serait battus pour je ne sois pas livré aux Juifs ».  D’ailleurs, quelques heures auparavant, il avait dit à Pierre de remettre son glaive dans son fourreau.

 

            Les chefs des prêtres avaient fait leur choix pour César contre Jésus.  Avons-nous fait le nôtre ? – Le peuple des Juifs, sans faire explicitement un choix s’était laissé manipuler par les chefs des prêtres, et demandera bientôt la mort de celui qu’ils voulaient couronner roi quelque temps auparavant.  Si nous ne nous identifions probablement pas aux chefs des prêtres qui ont pris explicitement position contre Jésus, nous pourrions bien nous identifier à la foule qui s’est laissée manipuler.

 

            De nos jours, quand au nom de la mondialisation et de la globalisation de nouveaux règnes s’établissent par la force et les armes, ne sommes-nous pas souvent des complices silencieux en nous laissant manipuler par le mensonge de la désinformation ?

 

            Jésus  identifie son règne avec la vérité : « Je suis venu dans le monde pour... rendre témoignage à la vérité. »  Et nous savons à quel point est important dans l’Évangile de Jean le thème de la vérité, Jésus affirmant qu’il est lui-même « la voie, la vérité et la vie » (14,6). Il faut lui appartenir, appartenir à la Vérité, pour écouter sa voix (« Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix »), plutôt que la voie du prince du mensonge. 

 

            Trop souvent peut-être le titre de Christ-Roi est manipulé soit, en faisant de son « règne » un règne purement spirituel n’ayant rien à voir avec les réalités d’ici bas, soit en le considérant comme un règne parallèle permettant au royaume de César de continuer à s’imposer par les armes et par la force. L’une et l’autre approche sont contraires à la Vérité de Jésus.

 

            Il est de notre devoir à chacun de nous de rechercher inlassablement la vérité, de ne pas nous laisser manipuler par la désinformation comme le fit le peuple des Juifs suivant aveuglément les chefs des prêtres, afin de ne pas permettre que s’instaure encore plus dans le monde d’aujourd’hui une culture de l’impunité qui permet toutes les violences par lesquelles est établi ce que Jésus appelle « ce monde » et auquel il n’appartient pas. 

 

            En tout premier lieu, renonçons nous-mêmes dans notre vie de tous les jours à toute forme de violence afin que s’instaure en nous le règne de Jésus qui est le règne de son Père.