12 janvier 2003 -- Fête du Baptême du Seigneur
Homélie
Nous célébrons
aujourd'hui la fête du Baptême du Seigneur, avec laquelle nous concluons le
Temps de Noël, mais c'est aussi le premier dimanche du "Temps ordinaire". Durant tous les dimanches du Temps ordinaire, nous lirons, cette année,
l'Évangile selon Marc qui s'ouvre par la prédication de Jean-Baptiste (un
texte que nous avons lu le second dimanche de l'Avent) et par le récit du
baptême de Jésus que nous lisons aujourd'hui.
Ce récit est d'une extrême simplicité. Tous les éléments qui ne sont pas essentiels
sont laissés de côté. Seul est important le fait que Jésus vint de Nazareth
en Galilée et fut baptisé par Jean. Marc
ne s'attarde pas sur le pourquoi et le comment. Jésus est identifié, par la mention du village d'où il vient, comme
un homme bien déterminé, historique. Et
sur cet homme historique ont été prononcés par le Père ces mots jamais entendus
auparavant: "Tu es mon fils bien-aimé!" De plus, cette scène de révélation est présentée avec le langage symbolique
de l'Ancien Testament : l'ouverture des cieux. Jésus vit les cieux s'entrouvrir -- littéralement, "se déchirer"
-- ce qui est clairement une référence au texte d'Isaïe 63,19 que nous avons
entendu dans la liturgie de l'Avent: "Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais!" La descente de l'Esprit sur Jésus est une réponse
à cette prière.
La seconde lecture, tirée de la première Lettre de Jean,
fond ensemble plusieurs références scripturaires à l'eau. Lorsque Jean dit que Jésus vint par "l'eau,
le sang et l'Esprit", il fait référence non seulement à l'eau dans laquelle
Jésus a été baptisé, mais aussi à l'eau de la foi dont Jésus parla lorsqu'il
dit: "venez à moi vous tous qui avez soif et je vous donnerai de l'eau
vive", ce qui était évidemment une très claire allusion au texte d'Isaïe
que nous avions dans la première lecture d'aujourd'hui: "Vous tous qui avez soif, venez, voici
de l'eau! Même si vous n'avez pas
d'argent..." Et Jean renvoie
aussi à l'eau qui coula du côté transpercé de Jésus sur la Croix.
Le rite du baptême était un rite de conversion. L'Évangile dit que tout le monde descendait
de Jérusalem pour se faire baptiser par Jean. Donc, lorsque Jésus vient de Galilée pour se faire baptiser lui aussi,
il s'identifie clairement avec la foule des pécheurs qui ont besoin de conversion,
nous guidant tous sur le chemin du repentir et de la conversion.
Quant aux paroles du Père : "Tu es mon fils bien-aimé
en qui j'ai mis tout mon amour", elles se réfèrent à la prophétie d'Isaïe
42,1 : "Voici mon serviteur...mon élu que j'ai en faveur".
Et finalement, nous devons aussi porter une attention spéciale
à ce que Jean-Baptiste dit de Jésus: "Vient
derrière moi celui qui est plus fort que moi... Je vous ai baptisés dans l'eau;
il vous baptisera dans l'Esprit." L'expression "quelqu'un qui vient derrière
moi", qui pourrait aussi se traduite "quelqu'un qui me suit",
est une claire indication du fait que Jésus ne vint pas simplement pour être
baptisé par Jean, mais se constitua son disciple au moins pour un certain
temps. Ceci est important pour nous,
moines et moniales, parce que, en se faisant disciple de Jean et en se laissant
baptiser par lui, Jésus a assumé le courant ascétique et monastique auquel
appartenait Jean. Nous pouvons en
conséquence considérer ce moment comme celui des débuts du monachisme chrétien. Les premiers ascètes chrétiens et les premiers moines chrétiens continueront
dans leur vie chrétienne ce mouvement assumé et transformé par Jésus. Cette transformation est ce que signifie le
baptême dans l'Esprit.
Le prophète Ézéchiel avait prédit les derniers temps de
l'histoire, lorsque l'Esprit de Dieu réunirait tous les humains dans une communauté
durable: "Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure et vous serez purs...
Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous en esprit neuf... Je mettrai
en vous mon propre esprit, je vous ferai marcher selon mes lois...Vous serez
mon peuple et je serai votre Dieu." (Ezéchiel 36, 25-28).
C'est l'Esprit que nous avons reçu le jour de notre baptême
et de notre confirmation -- l'esprit qui seul peut faire de nous une communauté
aimante qui soit un témoignage vivant à l'amour du Christ pour toute l'humanité. C'est aussi l'Esprit qui fait de tous les croyants cette grande et
belle communauté appelée l'Église.
Armand VEILLEUX