6 avril 2003 – 5ème dimanche de Carême "B"
Jr 31,31-34; He 5,7-9;
Jn 12,20-33
H O M É L I E
Il serait obscène, et en tout cas non chrétien de lire les textes des deux
dernières lectures de la messe d'aujourd'hui, qui parlent de souffrance et
de mort, sans les mettre en relation avec les événements tragiques qui se
déroulent en Iraq et plus particulièrement à Bagdad au moment même où nous
célébrons confortablement notre Eucharistie. --- Souffrance et mort qu'une culture de voyeurisme rend quotidiennement
présentes sur les écrans de télévision et dans nos journaux.
Devant la mort qu'il voyait s'approcher inexorablement Jésus
a été pris d'angoisse et troublé au profond de ses entrailles. Efforçons-nous de rendre présente à notre esprit
et de présenter à Dieu transformée en prière l'angoisse qui tenaille sans
aucun doute les militaires impliqués dans les combats, de quelque côté qu'ils
soient, ainsi que les populations locales -- hommes, femmes et enfants qui
vivent sous la pluie des bombes et qui doivent se demander sans cesse combien
de temps il leur reste à vivre.
La brève mention des "Grecs" qui sert d'introduction
à notre Évangile d'aujourd'hui reflète sans doute la difficulté qu'avait l'Église
primitive, en particulier celle des Communautés johanniques, à s'ouvrir aux
non-Juifs; mais nous rappelle en même
temps que Jésus a accepté la souffrance et la mort pour notre salut à tous,
que nous soyons Iraquiens, Européens ou Américains, que nous soyons Chrétiens
ou Musulmans, ou que nous nous disions "laïques" ou "sans religion".
Les "Grecs" qui se sont présentés à Philippe et
qui ont demandé de "voir" Jésus, n'ont pas reçu son enseignement
et n'ont pas été les témoins de ses miracles. Le message qu'ils ont reçu est que "L'heure est venue pour le
Fils de l'Homme d'être glorifié". L'emploi
du titre "Fils de l'Homme" manifeste qu'il s'agit non seulement
de Jésus lui-même, mais de toute l'humanité, qu'il a assumée par son Incarnation. En acceptant de perdre sa vie et de la donner Jésus a montré comment
pouvait se réaliser en plénitude la personne humaine dans une manifestation
d'amour allant jusqu'à ses ultimes exigences.
Aujourd'hui comme du temps de Jésus, les chercheurs sincères
ne sont pas tellement en quête d'un enseignement ou d'idéologies. Ils veulent voir. Ils veulent voir Jésus dans ceux qui se rattachent
à son nom; et, comme les Grecs de notre Évangile, ils s'adressent à ceux qu'ils
considèrent les plus "proches" de Jésus. Si nous voulons être d'authentiques témoins
de Jésus, il est plus important d'être aussi proche de lui que possible et
de faire passer son enseignement dans nos vies, que de formuler de belles
théories à son sujet.
Le plus triste dans les conflits actuels qui ensanglantent
la terre et défigurent l'humanité, est qu'ils sont combattus de part et d'autres
au nom d'idéologies qui se veulent colorées de religion.
Plus que jamais le message de Jérémie (entendu dans notre
première lecture) est d'actualité. Plus
qu'un "appel" à la conversion, c'est une "offre" de conversion,
celle-ci ne pouvant être qu'un don gratuit de Dieu. L'utilisation de l'intelligence humaine, aidée
de moyen techniques toujours plus développés, a conduit à l'élaboration de
plans de bataille plus ingénieux et à la création d'armes toujours plus massivement
meurtrières. Le présent conflit n'est
probablement pas le dernier du genre, mais déjà il démontre que l'humanité
est partie décidément sur une fausse piste.
Il ne reste plus qu'une possibilité de salut : la conversion
du coeur. Il faut que Dieu nous remplace,
à nous tous, notre coeur de pierre par un coeur de chair. Ce n'est qu'alors
que nous connaîtrons le Seigneur et pourrons le faire connaître.