Gen
22, 1-2. 9. 10-13. 15-18; Rom 8, 31-34; Marc 9, 2-10
Abbaye de Vitorchiano, Italie
H O M É L I E
L'événement rapporté dans l'Évangile
d'aujourd'hui se situe à un moment crucial de la vie publique de Jésus. Durant un certain temps les foules l'avaient accueilli et avaient reçu
son message avec ouverture et même, parfois, avec enthousiasme. Et puis, comme il était graduellement devenu une menace pour les autorités
en place, les Pharisiens se mirent à lui faire une lutte constante, et les
foules le désertèrent graduellement. À
un certain moment Jésus se rendit clairement compte que ses ennemis auraient
le dessus et qu'il allait mourir. Il
annonça alors sa mort à ses disciples et à partir de ce moment il consacra
la plus grande partie de son temps à les former plutôt qu'à prêcher aux foules.
Souvent, au cours de sa
vie publique, spécialement lorsqu'il avait d'importantes décisions à prendre,
Jésus se retirait dans la solitude pour passer quelque moments -- souvent
une nuit -- en prière. C'est ce qu'il
fit après avoir annoncé sa mort à ses disciples. Mais cette fois, il n'y alla pas seul. Il amena avec lui trois disciples: Pierre, Jacques et Jean – peut-être parce que c'étaient ceux qui lui
étaient particulièrement proches mais peut-être aussi parce qu'ils étaient
ceux des disciples qui présentaient la plus grande résistance à son message
: 3,16 sq , cf. 5,37).
Et là, durant sa prière,
Jésus eut à dire "oui" à la volonté du Père. Il dût accepter pleinement sa mission, et donc
sa mort. Puis, alors que tout espoir
humain
était disparu, alors que ne subsistait que l'espérance pure et nue dans
le Père, alors que tout ce qui n'était pas sa mission messianique était enlevé
ou s'écroulait, sa véritable identité fut révélée. Il fut transfiguré. Toute
son humanité était réduite à la volonté du Père sur lui. Et puisque les trois disciples avaient eu le
privilège de participer à sa prière, ils furent aussi admis à cette révélation
de son identité.
Apparaissent Moïse et Élie,
qui symbolisent l'ensemble de l'ancienne religion d'Israël. Pour Pierre, Jacques et Jean, il n'y a plus
à chercher. Leur espoir s'est réalisé. Le Messie a triomphé. Et Pierre propose qu'on en reste là. "Rabbi,
faisons trois tentes..." Il manifeste ainsi que la vision n'a pas changé
sa mentalité. Il reste attaché à la
tradition ancienne et prétend mettre sur le même pied Jésus, Moïse et Élie,
intégrant ainsi le messianisme de Jésus dans les catégories de l'AT.
Pierre fuit le conflit : Il
préfère la montagne à Jérusalem et le Tabor au Calvaire. La voix du Père le ramène au présent : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. Moïse et Élie n'ont
rien à dire aux disciples. Ils ne
leur parlent d'ailleurs pas. Il n'y
a que Jésus, que le Père déclare son Fils bien-aimé, qu'il faut écouter. La Loi et les Prophètes sont accomplis.
Nous devons nous aussi
nous laisser transfigurer, en devenant identifiés dans tout notre être humain,
avec la volonté de Dieu sur nous. Cela
peut se produire, pour nous comme pour Jésus, uniquement si nous avons le
courage de nous retirer dans la solitude pour prier. Nous sommes aussi appelés à voir tous et chacun de nos frères et
soeurs dans leur nature transfigurée. Dieu
se révèle en chacun et en tous, si nos yeux et nos coeurs sont rendus capables
de voir. Et puisque seuls ceux qui
ont un coeur pur peuvent voir Dieu, utilisons l'observance du Carême pour
nous disposer à recevoir cette grâce de la pureté du coeur.