15 décembre 2002 -- 3ème dimanche de
l’Avent « B »
Is
61,1-2a.10-11; 1 Th 5,16-24; Jn 1,6-8.19-28
Homélie
Même si, au cours de la
présente année liturgique, nous utilisons normalement l'Évangile de Marc,
la lecture d'Évangile d'aujourd'hui est tirée de celui de Jean, et plus précisément
du Prologue même de cet Évangile. Dans
ce grandiose Prologue Jean établit d'emblée la tension et même la lutte entre
les ténèbres et la lumière; entre la Lumière venue en ce monde et les ténèbres
qui ne l'ont point reçue. Et il enchaîne
tout de suite : "Il y eut un
homme, envoyé de Dieu; son nom était Jean. Il vint en témoin, pour rendre témoignage á
la lumière..." Or son témoignage n'a pas été reçu. Ce fut là la première manifestation de la lutte
des ténèbres contre la Lumière -- lutte qui nous mènera jusqu'à la mort de
Jésus au moment de laquelle les ténèbres recouvriront la terre, et la lumière
fulgurante de la résurrection.
Arrêtons-nous un peu au
contexte religieux, social et même géographique dans lequel se situe la scène
racontée par Jean. Il nous dit que
"les Juifs lui envoyèrent (à Jean) de Jérusalem des prêtres et des lévites
pour lui demander : 'Qui es-tu?'". Dans
l'Évangile de Jean, l'expression "les Juifs" désigne toujours l'autorité
politico-religieuse suprême du temple de Jérusalem. Or la légitimité de cette autorité n'était
pas reconnue par tous. Le mouvement
des Esséniens était né un siècle et demi plus tôt, au moment où Jonathan,
le frère de Judas Maccabée s'était fait nommé grand-prêtre et que son frère
Judas était devenu gouverneur de Judée sans qu'ils ne furent ni de famille
sacerdotale ni de famille royale. Les
plus fervents parmi les "pauvres de Yahvé" revenus de l'exil n'avaient
pas accepté cette compromission des Hasmonéens avec le pouvoir étranger des
Séleucides et s'étaient retirés au désert de Juda, dans la région de Jéricho,
pour y attendre la venue du Messie, rejetant en même temps la légitimité du
Grand-prêtre et de la liturgie du Temple.
Or Jean prêche un baptême
de conversion, précisément à cet endroit, à proximité de Qumrân. Il y avait de quoi inquiéter les autorités
en place à Jérusalem. Elles envoient
donc des émissaires s'informer, afin de bien savoir qui est cet homme étrange
qui prêche de cette façon. La lutte
des ténèbres contre la lumière est déjà commencée.
Parce que Jean est le
témoin fidèle de la Lumière, tout en lui est lumière. Il sait qui il est. Il sait
surtout qui il n'est pas. Ne nous
arrive-t-il pas de dire de quelqu'un (et il se peut que d'autres le disent
de nous) : "il se prend pour un autre"? ou encore "mais pour
qui se prend-il?". Eh bien! Jean
ne se prend pas pour un autre. Il
ne se présente ni comme le Messie, ni comme un prophète. Il n'est qu'une voix laissant passer le message d'un Autre et surtout
préparant la venue d'un Autre. Il
n'y a probablement pas dans toute la Bible d'exemple d'homme plus humble et
plus libre que Jean-Baptiste.
Son message n'est pas
de tout repos. Celui qu'il annonce
est venu apporter le feu sur la terre. Il
baptisera dans l'Esprit et le feu -- le feu qui détruit les scories, qui purifie,
qui sanctifie et transforme.
Jean, ils l'ont tué. Les ténèbres se sont efforcées d'éteindre la Lumière qu'il avait annoncée. Jésus ils l'ont tué aussi. C'est
à nous, les disciples de Jésus, qu'il appartient aujourd'hui d'être les témoins
de la Lumière dans ce monde où se continue toujours la lutte eschatologique
entre le royaume des ténèbres et celui de la Lumière. Mais suivons l'exemple de Jean. Ne nous prenons pas pour d'autres. Ne pensons pas que nous sommes meilleurs que les autres parce que nous
sommes Chrétiens. Nous ne sommes pas
la Lumière; nous n'en sommes que les
témoins. C'est là d'ailleurs l'unique
privilège que nous ayons. Celui --
très exigeant -- d'avoir été choisis pour être les témoins de la Lumière.
Et toute la Liturgie de
ce dimanche nous invite à nous réjouir de la victoire eschatologique de la
Lumière sur les ténèbres.