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décembre 2002 – 1er dimanche de l'Avent "B"
Is 63, 16...64,7; 1 Co 1, 3-9; Mc 13, 33-37
On a fait beaucoup de
bruit il y a quelques années autour de ce qu’on appelait la théologie de la
« mort de Dieu », une expression qui, évidemment, peut signifier
beaucoup de choses mais par laquelle au moins certains écrivains ou théologiens
voulaient souligner le fait de l’absence de Dieu dans l’imaginaire collectif
d’aujourd’hui et surtout le fait que la présence de Dieu n’est plus aussi
évidente qu’elle l’était par exemple dans une société comme la « Chrétienté »
médiévale.
Or, dans la parabole que
nous venons de lire -- car le contenu de cet enseignement de Jésus est vraiment
une parabole, même si la forme est différente de celle qu’ont normalement
les paraboles -- Jésus compare son Père ou se compare Lui-même à un homme
« parti en voyage ».
Oui, après avoir habité
parmi nous pour très peu de temps, Jésus, depuis son Ascension au ciel après
sa Mort et sa Résurrection, est « parti en voyage » vers son Père. Il nous a laissés seuls, nous les témoins de
son message, après nous avoir confié le soin de continuer sa mission. Il reviendra pour chacun de nous individuellement
à la fin de notre vie ici-bas et pour l’humanité entière à la « fin des
temps » (quel que soit le sens de cette expression). D’ici là, il est « parti » et nous laisse totalement responsables.
Il y a eu des siècles
où les Chrétiens -- les disciples du Christ -- ont multiplié les signes visibles
de leur foi en Dieu, à travers l’architecture, l’art, la littérature, espérant
rendre ainsi Dieu visible dans le monde. Il y eut même des siècles, en Occident, où toute la structure de
la vie publique se voulait conforme aux exigences de l’Évangile, et où Dieu
était partout présent à travers une grande variété de symboles.
Ce temps a connu sa grandeur. Il est maintenant révolu, au moins ici en Occident. Dieu, comme dit Jésus, est parti en voyage. À ses serviteurs « il a -- comme dit encore Jésus -- laissé tout
pouvoir » c’est-à-dire le pouvoir de nourrir les affamés, de consoler
les cœurs attristés, de visiter les prisonniers, de prêcher la bonne nouvelle
aux pauvres. À chacun il a fixé son travail ; c’est-à-dire que nous avons tous reçu une mission
distincte et propre à chacun de nous.
Il nous a tous constitués
« portiers » en nous recommandant de « veiller ». « Ce
que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! ». À quelle date ou à quel moment Dieu reviendra
ne semble pas avoir d’importance pour Jésus, dans cette parabole. Ce qui est important c’est ce que nous faisons
en attendant. Il nous faut vivre non
pas endormis -- endormis par toutes les distractions que peut nous offrir
la vie -- mais éveillés -- éveillés à tous les signes de sa présence que nous
avons la mission de réaliser dans notre monde, à travers notre vie conforme
à son Message.
Cette mission de « veilleurs »
prend une importance particulière de nos jours, où depuis une décennie ou
deux, l’avancée du néo-libéralisme dans les cultures occidentales tend à créer
une société de l’immédiat et de l’instantané, sans utopie, sans espérance,
sans même un effort de se comprendre et de s’expliquer par quelque référence
à un passé ou à un au-delà. Dans cette
société, nous devons être les témoins de l’Espérance, c’est-à-dire de l’ouverture
à un surplus d’être qui nous est toujours offert et que nous devons toujours
recevoir comme un don purement gratuit.
Selon le théologien protestant
Gerhard Ebeling, « ce qu’il y a de plus réel dans la réel, ce n’est pas
la réalité elle-même, mais ses possibilités ». Le Royaume de Dieu, tel qu’annoncé par Jésus
est une Grande Utopie, que nous devons de garder vivante et dont nous avons
la responsabilité de réaliser toutes les possibilités. Restons bien éveillés.
Armand VEILLEUX