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Dimanche,
le 6 août 2017
Chapitre
à l’Abbaye de Scourmont
Fête de la Transfiguration
La fête
de la Transfiguration était très importante dans le monachisme oriental ancien,
puisqu’elle nous parle non seulement de la transfiguration du Christ, mais de
celle à laquelle nous sommes nous aussi appelés. Le but de la vie monastique est en effet de
réaliser notre propre transformation à l’image du Christ. Un autre aspect à ne pas oublier est la
transformation de tout le cosmos et tout particulièrement de toute l’humanité
ou de toute la société. Et, à ce point de vue, la lecture du livre de Daniel,
qui est la première lecture de la Messe et que nous venons d’avoir comme
lecture biblique à l’Office de Laudes a des résonnances qui peuvent facilement
être appliquées à la situation contemporaine.
Arrêtons-nous
un peu à cette lecture du Livre de Daniel, qui nous aidera à relire l’Évangile
de la Transfiguration dans le contexte du monde d’aujourd’hui. À l’époque du prophète Daniel, une grande
culture, la culture grecque, était en train de s’imposer rapidement à Israël
comme au reste du monde connu à l’époque. Une nouvelle façon de comprendre l’existence et la vie s’imposait -- ou
était imposée. Après une première
période au cours de laquelle cette influence nouvelle était reçue candidement
et sans esprit critique, il y eut une deuxième période où cette influence
commença à engendrer une crise profonde chez ceux dont la foi et les croyances
religieuses n’étaient pas réconciliables avec cette nouvelle approche
culturelle. Enfin, à partir d’Antiochus
Épiphane – qui était un grand admirateur de la culture grecque -- on assista à
l’effort systématique d’imposer cette culture, considérée comme
« supérieure » aux autres, par la force des armes. On assiste alors à
ce qu’on pourrait appeler une version ancienne de ce qu’on nomme aujourd’hui la
« guerre des civilisations ».
C’est dans
ce contexte qu’est écrit le Livre de Daniel. Celui-ci appelle à la résistance en s’appuyant sur l’histoire passée du
Peuple de Dieu. Et puis, dans une
deuxième partie, il adopte le genre littéraire de l’Apocalypse pour exprimer ce
que le langage ordinaire et conventionnel ne saurait exprimer :
l’absurdité de l’usage de la violence et de la force. Dans ce langage imagé, la
couleur blanche symbolise la présence divine et sa sainteté absolue ; les
trônes symbolisent la capacité de gouverner l’histoire ; et le « fils
de l’homme » préfigure cet être humain qui sera capable de rendre efficace
la volonté de Dieu sur l’humanité. Les
Évangiles reprendront souvent cette image pour nous présenter la figure de
Jésus comme un être humain tout à fait nouveau, capable de rétablir le dialogue
entre Dieu et son peuple.
Dans
l’Évangile que nous aurons à la Messe (et que nous avons déjà lu aux Vêpres d’hier
soir et aux Vigiles de ce matin, les disciples, comme le reste du peuple,
s’obstinent à vouloir voir en Jésus un Messie triomphal et invincible qui
rétablira le royaume politique de David. Le récit de la Transfiguration – qui
appartient à la tradition apocalyptique, comme le Livre de Daniel -- loin
d’être une manifestation glorieuse de la divinité de Jésus, est au contraire
une révélation de son caractère d’humble serviteur souffrant. Jésus venait d’annoncer sa passion et sa
mort ; et Pierre en particulier avait réagi de façon très vive à cette
perspective. Or, de quoi parle Jésus
avec Moïse et Élie, dans cette vision qu’ont les Apôtres ? Il parle de sa mort à Jérusalem. Jésus est révélé comme le « fils
bien-aimé » du Père éternel, et, en même temps, comme l’être humain qui
accepte l’échec et la mort, et dont la grandeur réside dans l’acceptation de sa
faiblesse et de sa vulnérabilité.
Dans
l'événement de la Transfiguration, il y a une révélation non seulement sur la
personne de Jésus, mais aussi sur la nature de la vie chrétienne. Trop souvent nous voulons faire de la foi un
simple idéal moral, réduire l'évangile à une simple règle de vie. En réalité, ce qui importe c'est que nous
nous laissions transfigurer, que nous nous laissions transformer à l'image du
Christ, et dans tous les éléments de notre vie. Pour nous comme pour Jésus cela arrivera d'une façon plus radicale et
plus signifiante lorsque nous serons confrontés à des moments de crise dans
notre vie: par exemple lorsque nous
devrons accepter des échecs alors que nous espérions une suite ininterrompue de
succès. Accepter la croix et la
souffrance, ou encore l'humiliation, peut être pour nous aussi un moment de
transformation. Alors, peut-être
aurons-nous des yeux nouveaux, des yeux purs qui nous permettent de voir – de
voir Dieu -- et de le voir en tout être humain.
Dans l’encyclique Laudato sì, le pape François a décrit le
renversement des valeurs nécessaire pour arriver à une écologie intégrale. Une
conversion profonde de la société est nécessaire pour sauver non seulement l’humanité
mais aussi le cosmos. Cette conversion doit commencer par la conversion de
chacun de nos cœurs. C’est là le sens de notre vie monastique ; c’est la
raison pour laquelle cette Fête de la Transfiguration prend un sens tout
spécial pour nous.
Armand Veilleux
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