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Dimanche des Rameaux
Chapitre à la Communauté
de Scourmont
9 avril 2017
Dieu qui n’en peut
plus
Nous allons entendre deux fois cette semaine le
récit de la Passion de Jésus: ce matin selon saint Matthieu et vendredi, selon
saint Jean. Tout au long de cette Sainte Semaine nous allons entendre aussi
beaucoup d’autres textes bibliques nous parlant des souffrances du Messie. Nous
avons déjà entendu ou lu ces textes de nombreuses fois, année après année. Si nous
les lisons de nouveau ce n’est pas simplement pour nous rafraichir la mémoire.
Nous les relisons afin que la Parole qu’ils véhiculent nous atteigne dans notre
aujourd’hui tant individuel que collectif.
Il me semble que la première phrase du
texte d’Isaïe que nous aurons comme première lecture à la Messe, et que nous
venons de lire à Laudes pourrait nous servir de grille de lecture pour toutes
nos célébrations de la Semaine Sainte. Isaïe nous présente l’image du Serviteur de Yahvé, du juste, victime de
la violence et de l’oppression injuste. Jésus, dans sa Passion, non seulement
est la réalisation de cette prophétie, mais il incarne et représente tous les
justes de tous les temps, victimes de l’ambition, de la jalousie, de la
convoitise. Sa mort est la prophétie de la mort de toutes les victimes
innocentes des guerres et des oppressions de toutes sortes. Et Pilate incarne
dans sa faiblesse et ses calculs égoïstes tous ceux qui, au long des âges, ne
cessent de se laver les mains devant les injustices qu’ils ne peuvent
s’empêcher de reconnaître comme telles, mais qu’il serait trop dérangeant pour
eux de dénoncer.
Nous pouvons mettre
dans la bouche de Jésus ces paroles d’Isaïe :
Dieu mon Seigneur m’a
donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon
tour réconforter celui qui n’en peut plus.
Il n’est pas rare, de nos jours,
d’entendre des personnes dire qu’elles n’en peuvent plus. Il y a tout d’abord
les pays en guerre, comme la Syrie, dont les gens fuient, par millions, parce
qu’ils n’en peuvent plus. La crise économique qui depuis plusieurs années
frappe tous les pays et qui frappe plus durement les plus faibles, est loin
d’être terminée. Même près de nous les gens réduits à demander de l’aide en
disant qu’ils n’en peuvent plus augmentent sans cesse en nombre. Et plusieurs
autres n’en peuvent plus pour d’autres raisons, soit familiales, soit
religieuses.
Le Message de
l’Écriture est que Quelqu’un est venu sur notre terre pour réconforter tous
ceux qui n’en peuvent plus. Et comment l’a-t-il fait ? – En « se laissant
instruire », comme dit Isaïe, en devenant lui-même quelqu’un qui n’en peut
plus. Ce que nous révèle le récit de la Passion, ce n’est pas un Dieu
tout-puissant qui viendrait nous réconforter dans notre faiblesse. C’est au
contraire un Dieu qui n’en peut plus. Un Dieu qui ressent « frayeur et angoisse
» lorsqu’il approche de la mort. Un Dieu qui dit « mon âme est triste jusqu’à
mourir », un Dieu qui meurt dans un grand cri après avoir dit « Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ». Un Dieu aussi humain qu’il est possible de
l’être et qui nous révèlera par sa victoire sur la mort que nous sommes faits
pour la Vie et qu’il y a, en nous aussi, une semence de résurrection et de vie
éternelle.
Ce Dieu qui est en proie à la
contestation, qui est trahi par l’un des siens, qui est mis à mort pour des
raisons d’ambition politique, c’est l’expression ultime de l’Emmanuel,
le Dieu avec nous, que nous avons célébré à Noël. Et c’est sur le fait qu’il
s’est montré « avec nous » dans tous les aspects de notre vie que repose notre
espérance d’être pour toujours « avec Lui ».
Armand Veilleux
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