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12 mars 2017
Chapitre à la Communauté
de Scourmont
François
Demain, le 13 mars, le pape François aura complété quatre
ans comme évêque de Rome, et commencera donc la cinquième année de son
pontificat. Pour tous ceux qui, comme nous, croient que ce pontificat a été –
et continue d’être – une grâce pour l’Église, c’est une occasion de rendre
grâce à Dieu. Il convient évidemment
aussi de prier Dieu de lui conserver la santé et la force qui lui permettent de
poursuivre la réforme spirituelle de l’Église qu’il a entreprise. On parle beaucoup de la réforme de la Curie
romaine qu’il a entreprise et qui, selon certains, n’avance pas assez vite ;
mais le plus important est l’orientation spirituelle et profondément
évangélique qu’il a donnée à son pontificat et donc aussi à la vie de l’Église.
Ses prédécesseurs ont sans doute été aussi de grands spirituels, mais François
a une touche qui lui est propre et qui répond aux besoins actuels du peuple de
Dieu et de toute l’humanité.
Plusieurs
articles sont déjà parus ces derniers jours, dans diverses publications pour
souligner les caractéristiques des quatre premières années de son pontificat.
Ce qui frappe toute personne, croyante ou non, c’est d’abord la joie et l’espérance
qu’il rayonne, et puis, évidemment son attention aux petits : les pauvres,
les réfugiés, les malades, les enfants…
François a
été, depuis ses années dans la Compagnie de Jésus, jusqu’à aujourd’hui, un
pasteur. Il n’a jamais été un professeur
de théologie ; et pourtant il a une pensée théologique bien structurée, au
centre duquel est la personne du Christ, et la dignité de la personne humaine,
de toute personne humaine.
Personnellement,
je reviens sans cesse à ce qui demeure, à mon avis, son document le plus
important jusqu’à aujourd’hui : l’Exhortation Apostolique : Evangelii Gaudium. Cet
écrit a ceci de particulier que c’est en quelque sorte le lien entre deux
pontificats. Cette exhortation était la conclusion du Synode de l’Église
universelle sur l’Évangélisation qui s’était tenu durant la dernière année du
pontificat de Benoît XVI. On peut même dire que ce document fait aussi le lien
avec le pontificat de Jean-Paul II, puisque c’est durant le pontificat de ce
dernier que le thème de la Nouvelle Évangélisation était apparu.
Chaque
fois que le pape François lance ce qui semble une idée nouvelle ou une nouvelle
approche dans la prédication de l’Évangile ou la vie de l’Église, vous pouvez
aller voir dans Evangelii Gaudium, et
vous verrez que ça s’y trouvait déjà. Ce document était en quelque sorte le
plan d’action de son pontificat.
Dans le
domaine des relations œcuméniques et interreligieuses, François n’a pas fait de
grandes déclaration ni publié de longs documents ; mais par un grand
nombre d’actions humbles et prophétiques, il a fait progresser le
dialogue. Au moment où, au niveau
international, beaucoup d’événements conduisent à une diabolisation de l’Islam,
il a appelé sans cesse les croyants de toutes les religions à un respect
mutuel. Un point culminant a été, l’an
dernier, sa rencontre avec le Grand Iman Al-Azhar, et son voyage à l’île
grecque de Lesbos pour y rencontrer les réfugiés, d’où il a ramené avec lui, à
Rome, un nombre de réfugiés musulmans.
Son
encyclique sur l’écologie a été aussi un point tournant. Il ne s’est pas contenté de rappeler les dangers
du système écologique, ni de souligner que la détérioration de notre planète
est dans une grande mesure causée par l’activité humaine – ce qui est le
consensus de la plupart des scientifiques. Il a aussi souligné que cette exploitation désastreuse des ressources
naturelles était le fruit d’un anthropocentrisme qui est au cœur de la culture
contemporaine. Il a appelé à une
écologie globale, qui met Dieu au cœur de l’équilibre humain et de l’équilibre
entre l’humanité et l’univers.
On n’ignore
pas que François rencontre une sérieuse résistance à son action, non seulement
dans le monde laïc, mais aussi au Vatican, y compris dans le collège
cardinalice. Cette opposition s’est cristallisée autour de quelques questions
pratiques, à la suite du Synode sur la famille, et spécialement de la
possibilité de la réception de la communion par les divorcés remariés. En réalité, elle est beaucoup plus profonde.
Elle implique une nouvelle approche dans la réception de Vatican II,
spécialement dans l’attitude de l’Église face au monde. La tension actuelle est
entre ceux qui veulent conserver ou restaurer un modèle euro centrique d’Église
caractérisé par un ensemble d’éléments culturels et puissante dans son
opposition à un monde moderne sécularisé et l’approche de François qui veut une
Église humble, pauvre, au service des pauvres, et qu’il compare à un hôpital de
campagne.
Tout cela
se trouvait déjà dans Evangelii Gaudium. (no. 49) et je terminerai par cette citation :
Sortons,
sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute
l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos
Aires : je préfère une Église accidentée blessée et sale pour être sortie
par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de
s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée
d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et
de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter
notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière
et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui
les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se
tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures
qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment
en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles,
alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans
arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37).
En
réalité, c’est cette vision de l’Église qui est rejetée par la grande majorité
de ceux qui s’opposent à François.
Prions pour le pape François, pour que Dieu le garde encore longtemps à son Église.
Armand Veilleux
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