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26 février 2017
Abbaye de Scourmont
Le
témoignage (martyr) de la vie ordinaire
En juillet dernier, un prêtre français nommé Jacques
Hamel était assassiné au moment où il célébrait l’Eucharistie, un jour de
semaine, avec une poignée de fidèles. Cette mort tragique fit connaître au monde entier qui était Jacques
Hamel : un homme qui n’avait jamais fait rien d’extraordinaire qui puisse
attirer l’attention des médias, sauf qu’il était d’une grande bonté et d’une
grande ouverture à l’égard de tout le monde. Un homme qui vivait simplement et
pleinement l’Évangile. Il était surtout l’un de ces vieux prêtres, qui, ayant
largement dépassé l’âge de la retraite (il avait 86 ans) et sans aucun autre
titre que d’appartenir à la catégorie de ceux qu’on appelle les « prêtres
auxiliaires », continuait simplement son ministère sacerdotal en
« bouchant les trous » et EN allant partout où il pouvait répondre à
un besoin.
J’ai pensé
à lui au moment de la mort de notre ami, l’abbé Émile Champenois, il y a
quelques jours. On a parlé un peu de celui-ci dans la presse locale, parce
qu’il est mort tragiquement dans l’incendie de sa petite maison ; mais on
ne lira pas d’articles sur lui dans la presse internationale. Et pourtant, il était de la même catégorie
que l’abbé Jacques Hamel. Tout le monde
se souviendra de lui comme d’un homme bon, même très bon, avec tout le monde –
très généreux, toujours prêt à aider. Il a vécu fidèlement une vie de prêtre
tout à fait ordinaire : vicaire en plusieurs paroisses, puis curé, puis
chapelain. Désormais à la retraite, à l’âge de 88 ans, avec 62 ans de prêtrise,
il continuait à donner un coup de main partout où il pouvait dépanner
quelqu’un. Lorsqu’il n’avait pas de ministère quelque part, il venait
concélébrer avec nous sur semaine, et nous servait d’organiste à la messe du
dimanche. Il nous aura laissé un beau témoignage de serviteur fidèle du
Seigneur et de son Peuple. Il y a quelques années, il m’avait dit qu’il
aimerait donner sa maison pour qu’elles serve aux sans-abris. Quelqu’un que
j’avais consulté m’avait alors dit que la maison était vraiment trop petite
pour qu’il vaille la peine d’y faire des travaux de réaménagement. Mais le
geste révélait l’homme.
Ce qui
fait les « martyrs » ou les « témoins » de la foi ou de la
charité, ce n’est pas les circonstances de leur mort, c’est la façon dont ils
ont vécu. Ainsi, les moines de Tibhirine ont vécu une belle et bonne vie
monastique dans le contexte spécial d’une petite Église en monde musulman. Ils
seraient sans doute demeurés ignorés sauf de quelques personnes, s’ils
n’avaient connu une mort tragique, qui a révélé qu’ils avaient été des martyrs
de la foi et de la charité d’abord par leur vie. Ainsi en fut-il de nos frères de Viaceli en Espagne, durant la guerre civile espagnole,
béatifiés l’an dernier. Ainsi en fut-il
également de nos 39 frères de N.D. de la Consolation en Chine, martyrisés en
1947-48. Cela doit nous inviter à savoir reconnaître tous les « témoins de
la foi » qui vivent autour de nous une vie ordinaire, dans la fidélité et
dans l’amour de leurs frères.
Si nous
regardons ce qui se passe actuellement dans dans les
grandes « démocraties » occidentales, nous nous rendons compte que
non seulement la notion, mais la réalité même de la démocratie en est train de
se désagréger, un peu partout et de plusieurs manières. Aussi bien l’humanité
que l’Église se maintiendront vivantes et se rénoveront à travers de petites
communautés humaines et d’humbles témoins comme l’abbé Jacques Hamel et l’abbé
Émile Champenoi.
Le
philosophe allemand Immanuel Kant, mort en 1804, dans son
dernier écrit, publié en 1795, et intitulé « Vers la paix perpétuelle », énonçait les deux grands principes
de base de sa « république mondiale » : l’hospitalité et le
respect des droits humains. Le refus de l’autre, de l’étranger, du réfugié, est
sans doute ce qui est le plus en train de gangréner nos démocraties
occidentales.
L’enseignement
de saint Benoît dans le long chapitre de sa Règle monastique sur l’hospitalité,
écrit à une époque où l’Europe d’alors était balayée par ce qu’on a appelé les
« invasions barbares » est toujours d’actualité. En accueillant parmi nous l’abbé Émile, qui
venait souvent partager notre prière, nous avons accueilli un message
d’Évangile en ces temps troublés.
Armand VEILLEUX
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