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Le 19 février 2017
Chapitre à
la communauté de Scourmont
Présenter
l’autre joue
La lecture de l’Évangile, que nous avons déjà
entendu aux Vêpres d’hier soir et aux Vigiles de ce matin, et que nous
entendrons de nouveau à la Messe, m’a rappelé à la mémoire une scène de la vie
de Mahatma Gandhi.
L’événement se situe vers la fin de la vie de
Gandhi. L’Inde vient tout juste
d’obtenir son indépendance, mais s’est déjà divisée en deux pays : l’Inde
elle-même, un pays hindou, et le Pakistan, un pays musulman ; et une
guerre civile fait rage dans les principales villes entre les musulmans et les
hindous. Gandhi commence alors un jeûne,
décidé à ne rien manger tant que la paix ne sera pas rétablie entre les deux
factions. C’est alors qu’un homme de religion hindoue vient trouver Gandhi. Il
est désespéré, convaincu d’être damné pour toujours parce qu’il a tué un enfant
musulman. Il l’a tué pour se venger
parce que des musulmans avaient tué son propre enfant. Gandhi lui dit alors ce
qu’il doit faire pour éviter la damnation. « Va, dit-il, trouve un enfant du même âge que celui que tu as
perdu, adopte-le et élève-le comme ton propre enfant. Mais surtout prend bien soin de choisir un
enfant musulman et de l’élever comme un bon musulman ».
Même si Gandhi n’était pas
chrétien, il serait difficile de trouver une application plus authentique du
message de Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui.
Après plus deux mille ans de
chrétienté, il y a encore la guerre aux quatre coins de la planète, et elle est
souvent menée par des pays chrétiens, ou en tout cas des millions de chrétiens
y participent. Mais, surtout, nous avons nos petites guerres privées. Ce peut être un accrochage de quelques
minutes ou un conflit qui dure quelques jours. Ce peut aussi être une tension qui dure quelques années. Le commandement de présenter l’autre joue
n’est pas plus raisonnable aujourd’hui qu’il l’était au temps de Jésus, ou
qu’il l’a été durant les deux derniers millénaires. Mais il demeure la seule façon d’être parfait
comme notre Père du ciel est parfait, et donc la seule façon d’entrer dans la
vie éternelle.
La source des tensions
interpersonnelles comme celle de toutes les guerres est que nous oublions que
nous sommes possédés par la Vérité et nous prétendons la posséder. Nous pensons
être les seuls propriétaires de la Vérité, de Dieu, de la Justice. Nous sommes
toujours tentés de retourner à la morale de l’Ancien Testament, qui incarnait
une religion territoriale. Dieu était
conçu comme le dieu d’un peuple, d’une terre. Bien sûr, il y avait d’autres
pays et d’autres peuples ; mais ils étaient tout au plus tolérés si on
n’était pas en conflit ouvert avec eux.
Les grandes guerres mondiales et beaucoup
d’autres conflits nous ont montré la force destructrice de toute forme de
racisme et de nationalisme. Toute limitation de l’amour à des limites territoriales,
à travers des murs, qu’ils soient matériels ou autres, est une recrudescence du
polythéisme du temps de l’Ancien Testament, qui limitait les dieux à des
territoires spécifiques. Le monde
politique des dernières années à fait renaître ce polythéisme ancien et, en
tant que chrétiens, nous avons le devoir de ne pas nous laisser entraîner par
cette mentalité.
Saint Paul a bien connu ce
genre de tension, aussi bien dans sa vie personnelle que dans celle des Églises
qu’il avait fondées ou servies. Corinthe, en particulier, fut une Église qui lui donna beaucoup de
soucis, car c’était une Église toujours marquée par des tensions et toujours
menacée de divisions. On y trouvait des
partisans plus intéressés dans tels prédicateurs en particulier ou dans leur
façon propre d’enseigner que dans la promotion de la foi orthodoxe. Paul leur adresse ce message qui devrait
terminer tous les conflits : Tout est à vous, que ce soit Paul ou Apollos ou Cephas, ou le monde ou la vie ou la mort. Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et
le Christ est à Dieu.
***
À Rome, le mouvement de
préparation de la prochaine réunion du Synode de l’Église Universelle est déjà
lancé ( qui suscitera sans doute quelques tensions
sinon quelques conflits ). Ce synode
aura pour thème : “Les jeunes, la
foi et le discernement des vocations” et aura lieu à l’automne de 2018.
Dans une rencontre récente avec un groupe de
jeunes à Perugia, le Cardinal Lorenzo Baldisseri, qui est le Secrétaire-général du Synode, a
indiqué comment se fera la préparation de cette assemblée. Tout comme, lors du
Synode sur la famille, le pape avait voulu consulter d’abord les couples du
monde entier pour savoir ce qu’ils vivent et quelles sont leurs préoccupations
et leurs aspirations, de même veut-il consulter les
jeunes du monde entier en vue de la préparation de ce Synode. À partir du 1er mars, un site web sera ouvert
qui permettra à tous les jeunes qui le désirent d’exprimer leurs attentes et
c’est sur la base de leurs réponses que se préparera le document de base (Instrumentum laboris) qui
servira aux délibérationx du Synode.
C’est une façon d’aller vers les périphéries,
car il est probable que beaucoup de questions que l’on considérait fermées
seront ouvertes de nouveau par les jeunes. Et c’est à cela que le pape est
sereinement ouvert, tout comme il est sans doute tout aussi sereinement ouvert
aux réactions de ceux pour qui tout est soit noir soit blanc. François est
retourné là-dessus récemment lorsqu’il a parlé aux Supérieurs Généraux réunis à
Rome. Il leur a dit l’importance du discernement dans la formation. Il leur a
dit, entre autre : « C’est l’un des plus grands problèmes que nous
avons actuellement dans la formation des prêtres. Dans l’éducation, nous avons
l’habitude d’utiliser des formules voulant que tout soit noir ou blanc, en
ignorant les zones grises de la vie. Et ce qui est important, c’est la vie. Il
nous faut croître dans le discernement. La logique du noir ou du blanc conduit
à une attitude casuiste abstraite, alors que le discernement consiste à
traverser les zones grises de la vie conformément à la volonté de Dieu.
Prions déjà pour ce Synode, qui aura
certainement un impact sur toutes les vocations dans l’Églse.
Armand Veilleux |
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