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5 février 2017
Abbaye de Scourmont
Si
le sel s’affadit…
Dans l’Évangile
d’aujourd’hui Jésus dit à ses disciples qu’ils sont le « sel de la terre »
et il ajoute cette réflexion : « si le sel s’affadit, avec quoi le
salera-t-on ? Ce thème a été abordé cette semaine par le pape François
dans une allocation qu’il a prononcée devant les participants de la réunion
plénière de la Congrégation pour les
Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de de Vie apostolique (en bref :
la « Congrégation des Religieux »). Cette « Plénière » a
lieu une fois par année, et réunit non seulement les Officiers qui travaillent
régulièrement à la Congrégation mais aussi les évêques qui en sont membres. Les
sujets varient beaucoup d’une année à l’autre, étant parfois de caractère
spirituel ou théologique, comme, par exemple « La dimension contemplative
de la vie religieuse » (1980) ou « Le service de l’autorité et l’obéissance »
(2008). Parfois, comme cette année, le
thème s’adresse à une situation concrète. Le thème de cette année était « La fidélité et les départs (ou abandons) ».
Le pape, dès
de début de son allocution, a fait référence à ce thème, en parlant d’hémorragie. (On parle de 2000 à 3000 départs de profès
perpétuels par année, souvent peu de temps après la profession
perpétuelle). François distingue deux
sortes de départs. Pour certains, il s’agit de ce qu’il appelle un acte de « cohérence ».
C’est le cas de ceux qui, après un sérieux discernement, se rendent compte qu’ils
n’ont jamais eu la vocation. Pour les
autres, il s’agit d’un manque de fidélité à l’engagement pris. « Que s’est-il passé ? »
demande le pape.
Il fait d’abord
remarquer que beaucoup de facteurs conditionnent la fidélité en nos temps
caractérisés, dit-il, non seulement par « une époque de changement »
mais bien par « un changement d’époque ». L’une des caractéristiques
en est une culture de la fragmentation ou du provisoire, des engagements « à
la carte ». Cette culture conduit à se garder toujours des « portes
latérales » ouvertes sur d’autres possibilités. Il raconte qu’un évêque lui a parlé d’un
jeune homme très cultivé qui était intéressé à devenir prêtre, mais pour dix
ans seulement.
Puisque
nous sommes tous appelés de par notre baptême, à évangéliser, nous devons tout
d’abord nous laisser évangéliser. Et nous avons besoin d’être constamment
ré-évangélisés.
François
parle ensuite du monde des jeunes, un monde très riche mais « complexe »,
dit-il. Il mentionne d’abord le grand nombre de jeunes engagés au niveau social
et religieux, qui recherchent une authentique vie spirituelle. Mais il y a aussi les jeunes qui sont
victimes de ce qu’il appelle la « mondanité ». C’est un thème sur lequel il revient souvent,
puisque, selon lui, la « mondanité »
est une tentation continuelle des religieux, comme des prêtres et des
évêques. Il en parle souvent sans la
définir. Cette fois-ci, il la
définit. La mondanité consiste dans la recherche du succès à tout prix, de l’argent
facile et du plaisir facile. Et il ajoute que pour que cette logique séduisante
ne contamine pas les jeunes, il faut que nous les contaminions avec la joie de
l’Évangile et de l’appartenance au Christ.
Dans une
deuxième partie de sa brève allocution, François énumère quelques conditions
pour que la vie consacrée soit et demeure une école de fidélité. La première
condition, qui englobe toutes les autres est la vie fraternelle en communauté. Cette vie fraternelle doit être alimentée par la prière commune, la
lecture orante de la Parole de Dieu, la participation aux sacrements, en
particulier celui de l’Eucharistie et de la réconciliation, le dialogue
fraternel et une communication sincère entre les frères, la correction
fraternelle accompagnée de miséricorde. Tout cela accompagné de l’attention aux
pauvres. Si tout cela existe, c’est-à-dire, si nous rayonnons la joie de l’Évangile,
la pastorale des vocations consiste simplement à dire : « Venez et
voyez ».
Enfin,
dans une dernière partie de son allocution, il insiste longuement sur l’accompagnement
spirituel ; un accompagnement qui est, dit-il, un charisme « laïque »,
car il peut être exercé par n’importe quel frère ou sœur. Il raconte que des sœurs
lui ont souvent demandé de leur indiquer un prêtre qui pourrait être leur
directeur spirituel, il leur a alors demandé : « N’y a-t-il pas dans ta communauté une sœur qui est sage et qui
est une femme de Dieu ». La sœur lui répondait alors, par exemple, « Oui,
il y a cette vielle sœur qui… » Alors, disait François, va la trouver… »
Nous
sommes tous invités à nous prendre en charge mutuellement. C’est d’ailleurs en cela que consiste l’essentiel
de la communauté. Et François insiste sur un accompagnement adulte qui ne crée
aucune dépendance.
C’est dans
une telle circonstance qu’on voit que le pape est, et reste, un religieux, et
un jésuite.
Armand Veilleux
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