Le 18 décembre 2016 – 4ème dim. de l’Avent

Abbaye de Scourmont

 

Longue attente

 

          Noël tombant cette année un dimanche, nous avons le plus long temps d’Avent possible : quatre semaines complètes. Ce n’est sans doute pas trop, car nous avons besoin, en ces temps que nous vivons, d’entendre un message d’espérance. Et les textes liturgiques, en cette fin de l’Avent, sont pleins de messages d’espérance.

 

          Le pape François, qui célébrait hier son 80ième anniversaire de naissance, ne manque pas une occasion pour nous rappeler que nous sommes au cœur d’une troisième guerre mondiale (servie par morceaux, comme il dit), mais ne le fait jamais sur un ton défaitiste, appelant plutôt à l’espérance.  Dans sa catéchèse au cours de l’audience générale de mercredi dernier, 14 décembre, il commentait le début du chapitre 52 d’Isaïe qui invite Jérusalem à se réveiller, à secouer sa poussière et à se débarrasser de ses chaînes pour revêtir ses plus beaux habits « parce que le Seigneur est venu libérer son peuple », ajoutant : « Mon peuple connaïtra mon nom, c’est pourquoi il saura en ce jour-là, que c’est moi qui dis : Me voici ».

 

          François explique qu’à ce « me voici » prononcé par Dieu, qui résume toute sa volonté de salut et de proximité à notre égard, répond le chant de joie de Jérusalem.  Nous avions aussi aux Vigiles de ce matin, dans la lecture du second Nocturne, un beau texte de Dietrich Bonhoeffer, nous présentant le chant de Marie, comme le plus beau cantique d’Avent, plein d’ardeur, de force et d’espérance.

 

          Cette prophétie d’Isaïe a été prononcée à un moment précis et dramatique de l’histoire du peuple d’Israël. C’est à la fin de l’exil de Babylone. Le peuple est réduit à un « petit reste », à un nombre restreint du petit peuple resté après l’exil et qui en exil a résisté dans la foi, qui a traversé la crise et a continué de croire et d’espérer dans l’obscurité. C’est ce petit reste qui verra les merveilles de Dieu.  Il y a sans doute là un message pour l’Église d’aujourd’hui et toutes les formes de communautés locales, y compris les communautés religieuses, qui sont souvent des « petits restes ».  Le message qui leur est adressé n’est pas qu’elle deviendront de nouveau nombreuses, puissantes et influentes, mais bien qu’elles « verront le salut de Dieu » -- un salut envoyé au petit peuple, aux pauvres.

 

          Voici quelques lignes de la catéchèse de François :

 

Dieu n’a pas abandonné son peuple et ne s’est pas laissé vaincre par le mal, parce qu’Il est fidèle, et sa grâce est plus grande que le péché. Nous devons apprendre cela. Car nous sommes têtus et nous ne l’apprenons pas. Mais je poserai la question : qui est plus grand, Dieu ou le péché ? Dieu ! Et qui gagne à la fin ? Dieu ou le péché ? Dieu. Est-il capable de vaincre le péché le plus grand, le plus honteux, le plus terrible, le pire des péchés ? Avec quelle arme Dieu vainc-t-il le péché ? Avec l’amour ! Cela veut dire que « Dieu règne »; telles sont les paroles de la foi en un Seigneur dont la puissance s’abaisse sur l’humanité, s’abaisse, pour offrir la miséricorde et libérer l’homme de ce qui défigure en lui la belle image de Dieu, parce que quand nous sommes dans le péché, l’image de Dieu est défigurée. Et l’accomplissement de tant d’amour sera précisément le Royaume instauré par Jésus, ce Royaume de pardon et de paix que nous célébrons avec Noël et qui se réalise définitivement dans la Pâque. Et la joie la plus belle de Noël est cette joie intérieure de paix : le Seigneur a effacé mes péchés, le Seigneur m’a pardonné, le Seigneur a eu de la miséricorde pour moi, il est venu me sauver. Telle est la joie de Noël !

Tels sont, frères et sœurs, les motifs de notre espérance. Quand tout semble fini, quand, face à tant de réalités négatives, la foi devient difficile et que vient la tentation de dire que rien n’a plus de sens, voilà en revanche la bonne nouvelle apportée par ces pieds rapides : Dieu vient réaliser quelque chose de nouveau, il vient instaurer un royaume de paix ; Dieu a « découvert son bras » et vient apporter la liberté et la consolation. Le mal ne triomphera pas pour toujours, il y a une fin à la douleur. Le désespoir est vaincu parce que Dieu est parmi nous.

 

Les journaux nous montraient ces derniers temps les photos de la ville d’Alep à peu près totalement détruite par plusieurs années de guerre et de bombardement. Il n’est pas difficile d’imaginer la tragédie vécue par chacune des familles prises dans cet enfer de violence.  Nous devons porter dans notre prière toutes ces victimes innocentes ; mais, dans la lignée des grands prophètes de l’Ancien Testament, nous devons assumer, dans cette même prière, une responsabilité collective pour ce drame humain.  Il est trop facile de faire porter toute la responsabilité soit sur le président Bashar al Assad ou sur les Russes… etc.  En réalité l’erreur de tous a été de vouloir une fois de plus vaincre la violence par la violence.  Je me souviens qu’il y a quatre ou cinq ans, je rencontrais à Paris (dans le contexte de l’enquête judiciaire sur Tibhirine) des représentants de la Défense internationale des Droits humains, qui appuyaient le soulèvement contre le régime syrien – un soulèvement qui fut dès le début armé et orchestré par l’Occident – et qui disaient que le régime ne résisterait pas six mois… Nous sommes maintenant cinq ans plus tard… Erreur tragique.  La méthode non-violente d’un Gandhi ou d’un Nelson Mandela aurait sans doute été plus efficace.

 

En cette fête de la naissance du Prince de la Paix, demandons-lui de maintenir en chacun de nos cœurs, la paix et la non-violence.

 

 

Armand Veilleux

 


 

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