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novembre 2016 : Premier dimanche de l’Avent
Scourmont
Avent 2016
L’Avent est un temps
d’attente, et donc un temps qui convient tout particulièrement aux moines. Le jour de sa profession le moine bénédictin
chante trois fois : « Suscipe me secundum eloquium tuum et vivam et non confundas me ab expectatione mea. » « Reçois-moi, Seigneur, selon ta
parole et je vivrai et ne me déçois pas dans mon attente ».
De quelle attente
s’agit-il ? Nous ne faisons pas
simplement attendre qu’arrive la fête de Noël avec toutes ses célébrations, ses
échanges de vœux et ses coutumes populaires qui peuvent parfois faire oublier
le véritable sens de Noël
Il s’agit de l’attente du retour du
Seigneur. Non pas attente de la fin du
monde, mais de la réalisation plénière de l’Incarnation dans l’humanité
entière. Par l’incarnation, en effet, ce
n’est pas simplement « un homme », mais c’est toute l’humanité qui a été
assumée par Dieu et qui doit être transformée graduellement par sa grâce. Tout le but de notre vie monastique est notre
graduelle transformation à l’image du Christ, et donc la pleine naissance du
Christ en chacun de nous.
Le
lectionnaire liturgique, particulièrement riche en ce Temps de l’Avent, nous
fera rencontrer de nombreux témoins de cette attente -- de l’Ancien comme du
Nouveau Testament.
Tout
d’abord le prophète Isaïe :
Le
prophète Isaïe, qui nous accompagnera durant tout le Temps de l’Avent, était un
utopiste. Il vécut dans un temps très
tourmenté, du point de vue social, politique et religieux. Il s’efforça d’éveiller le peuple à
l’espérance, annonçant une humanité nouvelle. En mettant le Temple de Jérusalem – lieu où résidait la gloire de Dieu
-- au cœur de cette nouvelle humanité, il évoquait l’image de la paternité
universelle de Dieu sur toutes les nations. Dieu sera le père et l’arbitre de toutes les nations. Celles-ci ne se soulèveront plus les unes
contre les autres, on ne s’entraînera plus à la guerre. Quelle utopie !
Mais voyons de plus
près en quoi elle consiste, cette utopie. On ne se limitera pas à enterrer la hache de guerre. On ne se contentera pas de ne plus utiliser
les armes ni même de les détruire (comme il arrive, de nos jours aux grandes
puissances de détruire une partie symbolique de leur armement nucléaire ou
autre). On transformera plutôt les épées
en socs de charrue et les lances en faucilles, c’est-à-dire en instruments de
travail destinés à procurer la nourriture. On remplacera la guerre par une activité de développement. C’est là une utopie qu’il faut toujours
raviver et garder vivante, jusqu’au jour où elle se réalise, car l’humanité ne
saurait vivre sans elle.
Le Dieu d’Isaïe est un
Dieu qui veut une humanité sans frontières, sans murs, sans guerres, sans loups
et serpents, sans hommes violents. Il
veut une humanité marquée par l’harmonie -- harmonie entre femmes et hommes,
entre les humains et leur environnement ; une humanité marquée par la justice,
sans privilèges, sans pauvres opprimés, sans juges iniques ; une humanité où
les nations ne seront plus séparées par les montagnes et les ravins de leurs
religions, de leurs crédos politiques, de leurs systèmes théologiques ou
philosophiques... Une utopie ? Bien sûr ! tout comme l’appel à être parfait
comme notre Père céleste. Une utopie à
laquelle il vaut la peine de consacrer toute notre vie. Un idéal et un but que nous ne pouvons
atteindre que par une seule voie, celle de la conversion. Et c’était ce que l’Esprit du désert, parlant
par la bouche de Jean, exigeait de tous. La conversion radicale que les Pharisiens et les Sadducéens n’étaient
pas capables de réaliser, nous ne le pouvons pas plus qu’eux. Nous avons besoin du baptême de feu :
c’est-à-dire de l’action de l’Esprit, du vent brûlant du désert, consumant
toutes les impuretés et les souillures de nos vies et de nos cœurs.
Jean-Baptiste
:
Jean-Baptiste
est un autre témoin qui nous accompagnera durant une grande partie de la
liturgie de l’Avent. Jean, c’est le pauvre par excellence. Son identité ne fait
qu’un avec sa mission. Il ne vit que pour sa mission. C’est un pauvre, qui n’a
rien a perdre. Sa mission
est de préparer la foule à la venue du Messie. Lorsque le Messie apparaît, sa mission est accomplie. Il peut disparaître.
Au moment même où Jean annonçait
ce messie, voici qu’un certain Jésus vient se faire baptiser au milieu de la
foule. Jean a alors la claire révélation
de l’Esprit-Saint, que c’est vraiment lui le Messie, l’Agneau de Dieu qui
enlève les péchés du monde. Au moment où
elle lui avait été donnée, cette révélation lui paraissait si claire, si
évidente, qu’elle lui semblait exprimer une vérité absolue. Or, voici que lui, Jean, qui a continué de
remplir avec courage son rôle de prophète, jusqu’à reprocher à Hérode sa
conduite, se retrouve en prison, et le Messie ne fait rien pour libérer son
prophète. Bien plus, ce Messie n’agit
pas comme il l’avait prévu et annoncé. Il ne condamne pas, il ne juge même pas. Il se contente d’annoncer le
Royaume de son Père. Est-il vraiment le
Messie. Faut-il en attendre un autre qui
viendra finalement mettre de l’ordre dans la société et dans le Peuple de Dieu
en détruisant les pécheurs ? Il envoie
donc ses disciples demander à Jésus : « Es-tu vraiment celui qui doit venir
(celui que j’ai annoncé) ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus
ne répond pas directement à la question de Jean, mais ne laisse aucun doute
quant au type de Messie qu’il entend être et sur ce qu’il est venu faire : redonner la vue aux aveugles, faire marcher
les boiteux, purifier les lépreux, redonner l’ouïe aux sourds, ressusciter les
morts (tout cela peut s’entendre aussi bien au spirituel qu’au physique), et
surtout annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Non, il n’est pas venu pour juger et condamner, et il le dira expressément
plus tard lorsqu’on lui demandera de le faire.
Jésus
fait ensuite la louange de Jean, le plus grand des prophètes de l’Ancienne
Alliance, mais il affirme en même temps ses limites. Il y a quelque chose de tragique dans la
mission et la destinée de Jean-Baptiste. Il fut le plus grand des prophètes, il a annoncé la venue du Messie, il
l’a reconnu lorsqu’il est venu, il lui a envoyé ses propres disciples, il a été
fidèle jusqu’à la mort à sa mission d’appeler tout être à la conversion. Et pourtant il n’a pas perçu l’essentiel de
ce que serait la mission de Jésus. Nous
pouvons en retirer beaucoup de leçons. D’abord, celle qu’aucun prophète, si authentique soit-il, ne peut
prétendre à posséder toute la vérité ; aucun ne peut prétendre qu’on le suive
aveuglément. En ce qui nous concerne
personnellement, chacun de nous, si sûrs que nous soyons de notre foi et
peut-être de nos expériences spirituelles ou même mystiques, si authentiques
qu’elles puissent être, il y aura toujours des pans entiers de la Vérité qui
nous échapperont tant que nous serons encore en cette vie. Il nous faut avoir,
comme Jean-Baptiste, le courage de « douter » et d’interroger Jésus.
Marie :
L’autre grand témoin que nous présente
la liturgie de l’Avent, c’est évidemment Marie. Elle apparaît dans l’Évangile
comme un modèle d’ouverture.
Elle est toute réceptivité – C’est d’ailleurs
ce que signifie son « Immaculée Conception », que nous célébrons dans la
deuxième semaine de l’Avent. Le péché c’est le refus de la vie, de la croissance.
Marie est totalement ouverte à la vie. C’est pourquoi elle peut recevoir en
elle Dieu lui-même et engendrer à la vie humaine le propre Fils de Dieu.
Nous
y reviendrons dans quelques semaines.
Autres
témoins :
Beaucoup
d’autres témoins de l’ouverture à l’Esprit, de l’Attente de la venue de Dieu,
nous accompagneront durant l’Avent. Je
ne puis, pour le moment, que les mentionner : C’est d’abord Joseph, évidemment. Puis ce
sont Zacharie et Elizabeth. Il y aura ensuite Siméon et Anne. Enfin, au Temps
de Noël, il y aura les Bergers, puis les Mages et enfin tous les croyants de la
première génération chrétienne. y compris les premiers
martyrs.
Tous
ces témoins nous présentent la même « utopie » : Un idéal et un
but que nous ne pouvons atteindre que par une seule voie, celle de la
conversion. Et c’est ce que l’Esprit du
désert, parlant par la bouche de Jean, exigeait de tous. La conversion radicale que les Pharisiens et
les Sadducéens n’étaient pas capables de réaliser, nous ne le pouvons pas plus
qu’eux. Nous avons besoin pour cela du
baptême de feu : c’est-à-dire de l’action de l’Esprit, du vent brûlant du
désert, consumant toutes les impuretés et les souillures de nos vies et de nos
cœurs.
Armand
Veilleux
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