16 novembre 2016

Communauté de Scourmont

 

La résilience d’une abbaye

 

          Nos Sœurs de l’abbaye de Chimay ont célébré ces jours-ci le 750ème anniversaire de la dédicace de leur église. En réalité l’église actuelle de la communauté fut consacrée le 13 octobre 1925. Mais c’était la même date où avait été consacrée l’église de Gomerfontaine en 1226, Et la communauté de Gomerfontaine avait été fondée en 1207. La communauté de Notre-Dame de la Paix à Chimay, qui est la continuation de Gomerfontaine, existe donc depuis 1207, avec une brève interruption de dix ans à l’époque de la Révolution française, ayant connu plusieurs déracinements ou déménagements au cours de cette longue expérience.  Il me semble que c’est un bel exemple de la résilience d’une communauté monastique. J’aimerais revoir avec vous rapidement les grandes lignes de cette histoire, qui peut nous aider à avoir une idée positive de ce qu’on appelle aujourd’hui la précarité.

 

          La communauté fut d’abord fondée en 1207, à Gomerfontaine dans le département de l’Oise, dans une partie du diocèse de Beauvais qui appartenait alors au diocèse de Rouen. Elle fut fondée par Hugues de Chaumont et son épouse, et placée sous la dépendance des moines de Lieu-Dieu (dans la Somme). En 1226 elle devint une abbaye royale et l’église fut consacrée par l’archevêque de Rouen. L’abbaye exista sans discontinuité jusqu’à sa suppression en 1792.

 

          Sa restauration, dix ans plus tard, est intéressante, car, contrairement à plusieurs des autres monastères trappistes actuels de France ou de Belgique, il ne s’agit pas d’un monastère issu de l’Odyssée de Dom Augustin de Lestrange.  Dès 1802, peu de temps après la signature du concordat, une des moniales de Gomerfontaine avec deux autres cisterciennes, de Pont-aux-Dames et deux autres religieuses, Filles de la Croix, vinrent s’établir à Nesle. Elles adoptèrent les anciens usages de Gomerfontaine et se considérèrent comme la continuation de cette abbaye, tout en s’occupant de l’éducation de la jeunesse. Mère Pauline Ducastel, qui avait fait ses vœux à Gomerfontaine en 1779, fut élue supérieure. Quelques années plus tard, en 1816, elles achetaient un ancien prieuré bénédictin à Saint Paul-aux-Bois, dans le diocèse de Soissons en Picardie et s’y transférèrent. La communauté comptait alors 15 moniales et 15 pensionnaires. La communauté était alors considérée comme une communauté de Bernardines, mais elles commencèrent dès 1817 les démarches pour être affiliées à l’Ordre des Trappistes.  Le monastère fut érigé en abbaye en 1827 et affilié à la Congrégation de La Trappe en 1878.  L’Abbé de N.D. du Désert, Père Immédiat des Trappistines de Blagnac (transférées plus tard au Rivet), fut charge de leur affiliation.

 

Il est intéressant de voir comment une seule sœur suffit à garder vivant le lien avec le Gomerfontaine d’avant la Révolution.

 

          En 1904, elles furent obligées par la loi du 7 juillet de quitter Saint Paul-aux-Bois ; mais dès avant la date de la fermeture, elles s’étaient préparé un refuge en Belgique, à Fourbechies, dans la commune de Froidchapelle, à une douzaine de kilomètres de Chimay. Elles s’y installèrent dans une brasserie désaffectée. (Mais elles firent jamais de la bière !).C’est Dom Norbert Sauvage, abbé de Scourmont, qui les reçut en Belgique et devint leur Père Immédiat.  Scourmont a donc depuis lors une « fille » beaucoup plus ancienne que sa maison-mère !  C’est ensuite Dom Anselme Le Bail qui s’occupa de leur transfert à Chimay en 1919. Le monastère prit le nom de N.-D. de la Paix.

 

          Comme Scourmont, la communauté fut évacuée en 1940 et trouva refuge durant quelques mois à l’abbaye de la N.D. de la Bonne Garde à Ste-Anne d’Auray (communauté transférée ensuite à Campénéac).

 

          À travers toutes ces vicissitudes, Chimay fut une mère féconde. Dès 1928, Dom Simon Dubuisson, abbé de Tilburg et ancien moine de Scourmont, envisagea la fondation d’un monastère de moniales en Hollande, vu qu’un grand nombre de candidates se présentait.  Il envoya toutes ces candidates à Chimay pour leur formation. La permission de faire la fondation fut obtenue du Chapitre Général en 1933 et le monastère de Berkel fut construit. En 1937 quarante fondatrices quittaient Chimay pour aller fonder Berkel.

 

          Aujourd’hui la communauté de Chimay est très réduite, mais on y vit, dans la précarité, une authentique vie monastique.  Le grand nombre de personnes qui assistèrent à la célébration de la Dédicace la semaine dernière montra à quel point cette petite communauté est enracinée dans son environnement.

 

          Bel exemple de résilience, qui est une caractéristique de la vie monastique.

 

Armand Veilleux

 

 


 

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