|
|
||
|
|||
Chapitre du 2 octobre 2016
Communauté de Scourmont
Ban Ki-Moon et Edgar Morin
L’Organisation des Nations Unies a
connu depuis sa création plusieurs Secrétaires Généraux qui se manifestèrent
comme des hommes de grande valeur humaine et spirituelle. La figure majeure fut certainement le Suédois
Dag Hammarskjöld. Une autre grande figure fut le Birman U Thant. Le Secrétaire général actuel, Ban Ki-moon, qui termine son deuxième mandat, et que l’histoire
retiendra sans doute comme l’un des grands secrétaires généraux, vient de
prononcer devant la 71ème assemblée générale un discours très
courageux qui est en quelque sorte son chant du cygne. Il y a dans son discours
des accents assez semblables à ceux du pape François.
Il y dresse un tableau plutôt
préoccupant du monde actuel, mais non sans une note d’espérance. « Des
fossés de méfiance séparent de nombreux citoyens de leurs dirigeants, des
extrémistes poussent les opinions dans deux camps opposés, la Terre nous
agresse avec la montée des océans, des records de chaleur et des tempêtes, et
le danger caractérise la vie de nombreux habitants »,
Il parle des 130 millions de personnes
qui ont besoin des secours des Nations Unis pour survivre, parmi lesquelles il
y a beaucoup de femmes et d’enfants ; ce qui veut dire que toute une
génération est menacée en plusieurs pays.
Il n’hésite pas à admonester les Chefs
d’État : « … après dix ans dans mes fonctions, je suis plus convaincu que
jamais que nous avons le pouvoir de mettre fin aux guerres, à la pauvreté et
aux persécutions. Nous avons les moyens d'éviter les conflits. Nous avons le
potentiel de combler le fossé entre riches et pauvres, et d'assurer que les
droits de l'homme soient une réalité dans la vie des gens », a-t-il affirmé.
Il a
rappelé qu'avec les Objectifs de développement durable à l'horizon 2030 adoptés
l'an dernier par les Etats membres des Nations Unies, le monde détenait « un
manifeste pour un avenir meilleur » et qu'avec l'Accord de Paris sur le climat
conclu en décembre 2015, l'humanité « s'attaquait au principal défi de notre
temps ».
Mais
ces progrès, a-t-il regretté, sont menacés par la
persistance des conflits armés, qui deviennent « de plus en plus prolongés et
complexes ». Désignant le conflit syrien comme le plus meurtrier et le plus
générateur d'instabilité, il a réaffirmé qu'il ne pouvait y avoir de solution
militaire. « De nombreux groupes ont tué de nombreuses personnes innocentes, mais
aucun ne l'a fait autant que le gouvernement syrien, qui continue de larguer
des barils d'explosifs sur des zones urbaines et de torturer systématiquement
des milliers de prisonniers ».
« De
puissants Etats-clients qui continuent à alimenter la machine de guerre ont
également du sang sur les mains. Présents dans cette salle aujourd'hui, se
trouvent les représentants de gouvernements qui ont ignoré, facilité, financé,
participé à ou même planifié et perpétré les atrocités commises par toutes les
parties au conflit syrien contre les civils »,
Il a
été particulièrement dur à l’égard des Chefs d’État qui veulent se maintenir au
pouvoir à tout prix.
« Dans trop de lieux, nous voyons des
dirigeants qui réécrivent des constitutions, qui manipulent des élections ou
qui prennent d'autres mesures désespérées pour s'accrocher au pouvoir », a
dénoncé M. Ban. « Ils doivent comprendre qu'occuper des fonctions officielles «
résulte de la confiance, accordée par le peuple, et ne constitue pas une
propriété personnelle ».
«
Mon message à tous est : servez votre peuple, ne subvertissez pas la
démocratie, ne pillez pas les ressources de votre pays, n'emprisonnez pas et ne
torturez pas vos détracteurs », a-t-il conclu.
Comme
je l’ai dit plus haut, l’accent de son discours rappelle assez bien les
positions du pape François. Or, il y a
quelques mois, un grand penseur français, le sociologue Edgar Morin, qui
continue d’être actif malgré ses 94 ans, soulignait toute l’importance de l’encyclique Laudato Sí, bien qu’il ne
soit pas croyant. Ses propos ont été rapportés par La Croix il y a quelques mois
Edgar Morin dit depuis longtemps que l’humanité
est arrivée à un point où l’on a besoin d’une nouvelle civilisation. Il voit
dans l’encyclique de François l’acte premier de l’appel à cette nouvelle
civilisation.
Dans cette interview de La Croix, Edgar Morin (qui, encore une
fois, n’est pas croyant) a une appréciation très intéressante du rôle des
religions dans la situation actuelle :
Tous les efforts pour
éradiquer les religions ont complètement échoué. Les religions sont des
réalités anthropologiques. Le christianisme a connu une contradiction entre
certains de ses développements historiques et son message initial, évangélique,
qui est amour des humbles. Mais, après que l’Église a perdu son monopole
politique, une partie d’elle-même a retrouvé sa source évangélique.
La dernière encyclique est
un ressourcement évangélique intégral. Les chrétiens, quand ils sont animés par
la source de leur foi, sont typiquement des personnes de bonne volonté, qui
pensent au bien commun. La foi peut être un garde-fou contre la corruption de
politiques ou des administrateurs. La foi peut donner du courage.
Si, aujourd’hui, dans une
époque de virulence, les religions revenaient à leur message initial – en
particulier l’islam, puisque Allah est le Clément et Miséricordieux – elles
seraient capables de s’entendre. Aujourd’hui, pour sauver la planète qui est vraiment
menacée, la contribution des religions n’est pas de trop. Cette encyclique en
est une manifestation éclatante.
Pour terminer j’aimerais signaler l’appréciation de cette
encyclique, cette fois, par un chrétien – Frei Betto,
un dominicain brésilien, écrivain prolifique très connu en Amérique
latine. Il signalait dans un article
récent que même si tous les papes de l’époque moderne ont parlé de justice
sociale, François est le premier qui ait abordé les causes de la pauvreté et de
l’injustice.
à suivre…
Armand Veileux
|
|
||
|
|||