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Le 4 septembre 2016
Chapitre de Scourmont
Notre
Ordre et Vatican II (suite)
Je vais
poursuivre ce matin la réflexion commencée dimanche dernier sur la façon dont
notre Ordre a reçu le Concile Vatican II et l’a appliqué à la fois dans son
esprit, ses textes et ses structures.
Dimanche
dernier, j’expliquais comment la notion de « communion » ou
« communauté », si essentielle à l’ecclésiologie de Vatican II avait
profondément marqué tous nos efforts de renouveau depuis Vatican II, en
particulier notre conception de la liturgie et de la formation.
La question des frères
convers
Bien avant l’ouverture de Vatican II la question des
frères convers, ou plus précisément la question de la présence au sein de nos
communautés de deux catégories de membres avec des obligations et des droits
différents avait été posée, en particulier par l’Abbé Général, Dom Gabriel
Sortais.
Il n’y a
évidemment pas lieu de refaire ici l’histoire complexe et belle de la présence
et du rôle des frères convers au sein de notre Ordre depuis ses débuts. L’institution
des frères convers n’est pas une invention cistercienne. Ils existaient avant Cîteaux ; mais
Cîteaux leur donna une place particulière au sein e la communauté monastique.
Au moment où, au 12èmes siècle, le monachisme était devenu clérical, même si la
plupart des moines n’étaient pas prêtres, Cîteaux permettait à des
« laïcs » de vivre la vie monastique, sans avoir le titre de
« moines ». Dans les monastères cisterciens du Moyen Âge, il y avait
en fait deux communautés vivant ensemble au sein du même monastère, la
communauté des moines et celle des frères convers. Au cours des siècles suivants, le nombre des
convers diminua radicalement pour un ensemble de raisons surtout reliées à
l’évolution de la société – une évolution dont les monastères cisterciens avaient
été un des acteurs principaux.
La
situation des frères convers au 19ème et au 20ème siècle
était en réalité très différente de celle des premiers siècles de notre
Ordre. On n’avait plus deux communautés
vivant en communion au sein du même monastère, mais une seule communauté au
sein de laquelle il y avait deux catégories de personnes avec des droits et des
devoirs différents. Une telle situation semblait de plus en plus inacceptable à
notre époque, dès avant le Concile. L’Ordre avait graduellement donné aux Convers le droit de vote et la
possibilité de participer à l’Office divin. Au moment où Dom Gabriel décéda
subitement au début de la deuxième session du Concile, il venait de terminer un
long document à envoyer à l’Ordre sur ce sujet.
Ce que
l’Ordre réalisa alors, durant le Concile, ne fut pas la suppression des frères
convers, ni celle de la vocation de frère convers, mais la suppression de la
présence de deux catégories au sein de la même communauté. L’introduction du
pluralisme non seulement entre les communautés, mais au sein de chaque
communauté, permettait, selon nos nouvelles Constitutions, la présence au sein
de chaque communauté d’équilibres de vie différents (avec par exemple, pour
chaque moine, un équilibre différent entre travail, lectio, prière commune et
prière personnelle). Par la suite, il y
eut quelques velléités de rétablir une « catégorie » de frères
convers d’un nouveau style au sein de l’Ordre ; mais l’ensemble de l’Ordre n’accepta
jamais d’aller dans ce sens.
La présence des moniales
dans notre Ordre
Un autre domaine où l’importance de la notion de
communion-communauté exigeait de l’Ordre une évolution est celui de la présence
des monastères de moniales au sein de l’Ordre.
On peut
dire que durant ses premiers siècles l’Ordre accepta avec une réelle réticence
la présence de monastères de moniales rattachés à des monastères de moines qui
en avaient la charge pastorale et parfois jusqu’à un certain point la charge
matérielle.
La
situation dans les années qui précédèrent le Concile était celle-ci : Les
moniales de notre Ordre vivaient de la même spiritualité que les moines et
suivaient des Constitutions à peu près identiques ; mais elles dépendaient
entièrement d’un Chapitre Général composé entièrement d’abbés. L’idée était qu’elles étaient représentées au
Chapitre Général par leur Père Immédiat, qui y lisait la Carte de la dernière
Visite Régulière…
Tout comme
celle des frères convers, cette situation semblait de plus en plus inacceptable
à notre époque. Dès les années ’50, Dom
Gabriel Sortais organisa des réunions d’abbesses, pour réfléchir entre elles
sur tout ce qui était propre à la vie monastique féminine, le Chapitre des
abbés gardant le pouvoir de décision… Par la suite, après le Concile, ces
« réunions » d’abbesses devinrent de Chapitres Généraux d’abbesses
(même si ce titre de « chapitre général » était contesté par les
canonistes, et aussi par la Congrégation des Religieux.
Quoi qu’il
en soit, les monastères de moniales et les chapitres d’abbesses jouèrent un
rôle très actif dans tous les efforts de renouveau de notre législation et de
notre structure.
À un
certain moment la question se posa : « Ne serait-il pas mieux que les
Trappistines forment un Ordre féminin distinct de l’Ordre masculin, et que les
deux Ordres évoluent séparément, tout en conservant une grande communion entre
eux. J’avais moi-même écrit, au début
des années ’70 un article intitulé « Les moniales cisterciennes à la
croisée des chemins », où je disais qu’il fallait évoluer soit vers cette
situation de deux Ordres distinct soit vers un Ordre unique avec un seul
Chapitre Général composé d’abbesses et d’abbés ayant la même autorité.
En fait, à
cette époque, le Saint Siège aurait été plus favorable à une séparation de ce
qu’on appelait alors la branche féminine et la branche masculine de
l’Ordre. Une Lettre du Cardinal Antoniutti à l’Ordre dans ce sens suscita beaucoup de
réactions. L’Ordre voulait absolument
rester uni. Il fallait donc trouver une
structure juridique maintenant cette unité tout en assurant une légitime
autonomie à la branche féminine. Au
moment de la rédaction définitive de nos Constitutions, avant leur présentation
au Saint Siège, on arriva à la situation suivante : Un seul Ordre, composé
de monastères de moines et de monastères de moniales, mais sous l’autorité de
deux Chapitres Généraux distincts, celui des abbés et celui des abbesses. Ces
deux Chapitres Généraux étaient interdépendants en ce sens qu’une coordination
entre les deux Chapitres était nécessaire avant toute décision de l’un ou
l’autre Chapitre touchant des points fondamentaux de notre spiritualité ou de
nos observances – la liturgie en particulier.
En réalité
à partir de ce moment-là, les deux Chapitres se sont toujours réunis en même
temps, formant une seule Assemblée Générale de l’Ordre, même si les votes
importants étaient pris séparément.
Finalement,
depuis 2011, cette évolution a atteint sa fin logique : Nous ne sommes
plus qu’un seul Ordre, composé de moines et de moniales avec un seul Chapitre
Général composé d’abbés et d’abbesses. À
ce titre nous sommes un cas unique actuellement dans l’Église (même s’il y a
d’autres Ordres ou Congrégations monastiques où les moniales participent au
Chapitre des abbés, y compris avec droit de vote).
Ce qui
nous resterait à voir maintenant serait comment cette notion de
« communion-communauté » a affecté nos relation avec ce que nous appelons désormais la grande « famille
cistercienne ».
Armand Veilleux
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