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7 août 2016
Chapitre de Scourmont
La
Transfiguration comme icône de la vie consacrée
Nous avons
célébré hier la fête de la Transfiguration. Cette fête liturgique a toujours eu
une place de choix dans la spiritualité monastique, surtout dans l’Église
orientale, mais aussi en Occident. Dans cette scène de l’Évangile, le Christ y
apparaît comme le modèle auquel nous sommes appelés à être à notre tour « configurés ».
C’est le but de toute vie chrétienne, évidemment ; mais la vocation
monastique nous offre des moyens pour bien tendre vers ce but. C’est évidemment
aussi le but de toute forme de « vie consacrée », c’est pourquoi l’Exhortation
apostolique Vita consecrata de Jean-Paul II élabore une théologie originale de la vie consacrée autour de
ce moment de la vie de Jésus, appelé dans le texte : l’icône de la transfiguration.
La petite
histoire de ce texte est intéressante. Comme on le sait, chaque Synode de l’Église
universelle, depuis le Concile, est suivi, environ un an plus tard, par une Exhortation apostolique, qui reprend les
grandes orientations ou les suggestions du Synode. Ce texte est finalement assumé par le pape,
qui le signe, mais il est élaboré en général par un ou quelques rédacteurs, qui
sont souvent assistés par diverses commissions ou sous-commissions. Dans le cas
de Vita consecrata, les trois rédacteurs principaux furent le père Giordano Cabra de la Sainte
famille de Nazareth appelé institut Piamarta, le père
Gianfranco Ghirlanda , jésuite et professeur de droit canon à la Grégorienne et
le père Jesús Castellano,
carmélite déchaussé, professeur de spiritualité au Teresianum à Rome. Une première mouture du document était structurée autour de la notion
de « beauté » (une notion encore très présente dans le texte
définitif) ; mais, dans le texte définitif, l’approche théologique de la
vie consacrée est entièrement structurée autour de l’icône de la
Transfiguration.
On y lit que « Le fondement évangélique de la vie
consacrée est à chercher dans le rapport spécial que Jésus, au cours de son
existence terrestre, établit avec certains de ses disciples, qu'il invita non
seulement à accueillir le Royaume de Dieu dans leur vie, mais aussi à mettre
leur existence au service de cette cause, en quittant tout et en imitant de
près sa forme de vie. » (n. 14)
Même si la
vie consacrée peut trouver son enracinement dans plusieurs faits et textes de l’Évangile
« … il est particulièrement utile de
fixer le regard sur le visage rayonnant du Christ dans le mystère de la
Transfiguration. C'est à cette « icône » que se réfère toute une tradition spirituelle
ancienne, qui relie la vie contemplative à la prière de Jésus ‘sur la montagne’ ». Cette
affirmation est appuyée de textes de Cassien, de saint Jérôme et de Guillaume
de Saint Thierry.
« En outre,
les dimensions « actives » de la vie consacrée peuvent elles-mêmes y amener
aussi dans une certaine mesure, puisque la Transfiguration n'est pas seulement
une révélation de la gloire du Christ, mais une préparation à accepter sa
Croix. Elle suppose une « ascension de la montagne » et une « descente de la
montagne » : les disciples qui ont joui de l'intimité du Maître, un moment enveloppés par la splendeur de la vie trinitaire
et par la communion des saints, sont comme emportés dans l'éternité. Puis ils
sont soudain ramenés à la réalité quotidienne ; ils ne voient plus que « Jésus
seul » dans l'humilité de la nature humaine et ils sont invités à retourner
dans la vallée, pour partager ses efforts dans la réalisation du dessein de
Dieu et pour prendre avec courage le chemin de la Croix. »
« L'épisode de
la Transfiguration marque un moment décisif dans le ministère de Jésus. C'est
un événement révélateur qui affermit la foi dans le cœur des disciples, les
prépare au drame de la Croix et anticipe la gloire de la Résurrection. Ce
mystère est continuellement revécu par l'Église, peuple en marche vers la
rencontre eschatologique avec son Seigneur. Comme les trois apôtres choisis,
l'Église contemple le visage transfiguré du Christ, pour être fortifiée dans la
foi et ne pas risquer d'être désemparée devant son visage défiguré sur la
Croix. » (n. 15).
Et puis, toute une section du document voit exprimée dans
cette icône de la Transfiguration la dimension Trinitaire de la vie consacrée :
La voix du Père se fait entendre qui dit de Jésus : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ».
Et la présence de l’Esprit-Saint est signifiée symboliquement par la Nuée.
Ainsi, nous sommes appelés à aller au Père, par le Fils, dans l’Esprit.
Cependant la Transfiguration de Jésus n’est qu’un bref
moment dans sa vie. Du Thabor il doit passer au Calvaire. C’est de « son
passage à Jérusalem », c’est-à-dire de sa passion et de sa mort, que Jésus
parle avec Moïse et Élie. Même si Pierre
voudrait rester sur le Thabor, où il se sent bien, il doit redescendre dans la
plaine, être porteur de l’Évangile et accepter la souffrance, y compris le
témoignage de la mort.
Toute vie chrétienne, y compris la vie monastique, a sa
dimension contemplative et sa dimension active. On rencontre le Père, le Fils et l’Esprit dans la prière contemplative ;
mais nous sommes aussi appelés à aller vers nos frères, de diverses façons,
dans la vie de tous les jours. Et, éventuellement, d’une façon ou de l’autre,
il y aura la Croix à porter, avant de déboucher sur la Résurrection. C’est dans ce contexte que l’Exhortation (n.
30) élabore une théologie des « Conseils évangéliques ».
. « Appelés à
contempler le visage transfiguré du Christ et à en être les témoins, les
consacrés sont aussi appelés à une existence ‘transfigurée’ ». (n. 35). En
définitive, nous sommes appelés à vivre une existence transfigurée par l’action
de l’Esprit dans la pratique des Conseils évangéliques (et des vœux correspondants),
et nous sommes aussi appelés à travailler à la transfiguration du monde et de l’Église.
Vita consecrata fut promulguée par
Jean-Paul II le 25 mars 1996, plus d’un an et demi après le Synode qui avait eu
lieu en octobre 1994. Il s’agit d’une document assez long qui traite de tous les aspects de
la vie consacrée et de son insertion dans l’Église et dans le monde. Le premier chapitre, où est développée cette
vision théologique de la vie consacrée autour de l’icône de la Transfiguration
est sans doute celui qui gardera le plus longtemps son actualité.
Armand Veilleux
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