31 juillet 2016 – Chapitre de Scourmont

 

 

Rechercher la face de Dieu

 

          Le pape François a publié récemment une Constitution apostolique sur la vie contemplative féminine ayant pour titre Vultum Dei Quaerere (Rechercher la face de Dieu). La date de signature mentionnée à la fin du document est le 29 juin, mais le texte a été publié le 22 juillet, fête de sainte Marie-Madeleine).

 

          Il faut d’abord faire attention à la nature du document.  Il ne s’agit pas d’une simple « Lettre apostolique » ou d’une « Exhortation apostolique », mais d’une « Constitution apostolique », et donc d’un texte ayant une autorité plus grande.  Le pape s’y adresse d’ailleurs aussi bien à la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée… qu’aux moniales elles-mêmes.  Ce texte remplace en quelque sorte la Constitution Apostolique Sponsa Christi publiée par Pie XII en 1950. Tout comme cette Constitution avait été suivie deux jours plus tard, en 1950, d’une Instruction de la Congrégation pour les religieux,  et, plusieurs années plus tard d’une autre Instruction de la même Congrégation, du nom de Verbi Sponsa (13 mai 1999), De même, François appelle la Congrégation pour les religieux (qui s’appelle désormais, Congr. pour les Inst. de vie Cons. etc.) à rédiger une autre Instruction pour traduire dans la pratique les orientations qu’il donne dans sa nouvelle « Constitution apostolique ».  On attend ce texte d’ici le mois d’octobre. (On espère donc l’avoir avant la prochaine réunion de la Commission de Droit de notre Ordre, en octobre).

 

          Même si ce texte concerne d’abord les moniales, il offre, surtout dans sa première partie une vision globale de la vie monastique qui s’adresse aussi bien aux moines qu’aux moniales. C’est là-dessus que je voudrais m’arrêter ce matin.

 

          On peut d’abord s’arrêter au titre, qui est expliqué dans les premiers paragraphes du document : « Rechercher la face de Dieu ». Est une très belle expression pour décrire la vie monastique.  François rappelle d’abord, dès la première phrase, que cette recherche du visage de Dieu traverse toute l’histoire de l’humanité. C’est une recherche qui est commune à tous les hommes de bonne volonté. « Même de nombreuses personnes qui se professent non croyantes reconnaissent ce désir profond du cœur qui habite et anime tout homme et toute femme désireux de bonheur et de plénitude, passionnés et jamais rassasiés de joie ».  Le pape ne pouvait évidemment pas ne pas citer a belle phrase de saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi [Seigneur,] et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose en toi » (la force du texte latin est presque intraductible : irrequietum est cor nostrum donec requiescat in te).

 

          Le pape souligne ensuite comment cette recherche du vrai Dieu qui doit animer tout chrétien et tout consacré, est au cœur de la démarche monastique. Cela correspond tout à fait à ce que notre Ordre affirmait dans la Déclaration sur la vie cistercienne de 1969, où nous disions que « Pénétrée du sentiment de la transcendance divine et de la seigneurie du Christ, qui anime toute la Règle, notre vie est entièrement orientée vers l'expérience du Dieu vivant. » Ce qui est repris au début de nos Constitutions. Ces textes sont tout à fait parallèles à ce que dit François au début de sa Constitution Apostolique.

          Ce texte, qui transcende toutes les distinctions canoniques entre « vie contemplative », « vie active » ou « vie mixte » -- des distinctions dans lesquelles les Ordres monastiques ne se retrouvent évidemment pas, décrit d’une façon très belle, l’indéniable « dimension contemplative » de notre vie monastique, qui s’enracine dans la tradition biblique et patristique.

 

          Une deuxième section décrit les éléments essentiels de la vie contemplative, qui est « une histoire d’amour passionne pour le Seigneur et pour l’humanité : dans la vie contemplative, cette histoire s’écoule, jour après jour, à travers la recherche passionnée du visage de Dieu, dans la relation intime avec Lui. » 

 

          Vient ensuite une liste de douze thèmes qui sont rapidement énumérés et sur lesquels le Pape invite la Congrégation à formuler de nouvelles directives et aux Instituts et Ordres monastiques à revoir leurs Constitutions. Je les cite rapidement : formation, prière, place centrale de la parole de Dieu, sacrements de l’Eucharistie et de la Réconciliation, Vie fraternelle et communauté, l’autonomie des monastères, fédérations (de monastères féminins), la clôture, le travail, le silence, les moyens de communication et l’ascèse.

 

          Certains retiendront sans doute le passage sur l’autonomie des monastères. Le pape y souligne d’abord l’importance de cette autonomie, qui favorise « la stabilité de vie et l’unité interne de chaque communauté, garantissant les meilleures conditions pour la vie contemplative » ; mais il ajoute que « une telle autonomie ne doit pas signifier toutefois l’indépendance ou l’isolement, en particulier envers les autres monastères du même Ordre.

 

          Dans la dernière partie du document, où des directives plus pratiques sont données, le pape souligne qu’à l’autonomie juridique doit correspondre une réelle autonomie de vie (nombre suffisant de personnes dont la majeure partie ne doit pas être d’un âge trop avancé, vitalité nécessaire dans la tradition du vécu, réelle capacité de formation et de gouvernement, dignité de la célébration liturgique, pertinence et insertion dans l’Église locale, possibilité de subsistance…

 

          Il est à noter que ce passage est une citation à peu près littérale d’un paragraphe d’un article du Père Sebastiano Paciolla (cistercien) dans la revue Vita nostra… Ce passage a d’ailleurs été cité durant les échanges à la dernière Commission Centrale de notre Ordre… Certains y prennent argument pour limiter l’autonomie des communautés dites « précaires ».  Il faut quand même le resituer dans son contexte (aussi bien chez Paciolla que chez François) où le but de  l’aide à apporter à une communauté dans cette situation est d’abord de l’aider à vivre pleinement son autonomie et non de la lui enlever – ce qui est d’ailleurs tout à fait dans la ligne de la Charte de Charité.

 

Armand VEILLEUX

 

 


 

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