8 mai 2016 – Chapitre de Scourmont

 

 

Jésus demeure présent dans l’amour des frères

 

 

          Dans le récit du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, l’Évangéliste Jean met dans la bouche de Jésus un long discours, qui est en quelque sorte son testament. Nous en lisons une bonne partie le Jeudi Saint à la fin de notre célébration du Mandatum. Nous terminons alors notre lecture par la phrase « Levez-vous, partons d’ici » (14,31). Puis, nous quittons le chapitre à ce moment-là. Or cette phrase est curieuse parce que ce n’est pas du tout la fin du discours, lequel se poursuit durant encore trois chapitres complets : les chapitre 15 et 16 qui sont encore adressés aux disciples et le chapitre 17 qui est la grande prière de Jésus à son Père, dont nous avons un extrait important dans l’Évangile d’aujourd’hui.

 

De fait, les évangiles des deux derniers dimanches (les 5ème et 6ème dimanches après Pâques, année C) étaient aussi tirés de ce long discours de Jésus à la dernière Cène. Au même moment, la première lecture, tirée des Actes des Apôtres, nous indiquait comment s’organisait la vie des premières communautés chrétiennes, et tout d’abord celle de Jérusalem. En effet, pour Luc – l’auteur des Actes – tout comme son Évangile était une longue montée vers Jérusalem, les Actes nous racontent comment la foi se répand à travers les Nations à partir de Jérusalem.

 

Au chapitre 14 (v. 18), Jésus dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous. » Comme Il avait dit tout juste auparavant : « je prierai le Père ; il vous donnera un autre Paraclet », on interprète souvent cette promesse de Jésus « je viens à vous » comme la promesse de l’envoi de l’Esprit. Mais avant cette cela Jésus venait de dire : « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements ». Et son commandement principal, qui résume tous les autres, c’est celui de s’aimer les uns les autres. Et tout cela s’éclaire par la dernière phrase de l’Évangile d’aujourd’hui, qui est la dernière phrase de ce long discours : « … pour qu’ils aient en eux l’amour dont u m’as aimé, et que moi aussi je sois en eux ».

 

Le message global qu’on peut en retenir c’est que, depuis l’Ascension, Jésus manifeste sa présence au monde dans l’amour que ses disciples ont les uns pour les autres et aussi pour leur prochain, y compris leurs ennemis. L’insistance de Luc, dans les Actes, à démontrer comment se structure l’amour entre les frères, à travers diverses sortes de services et de ministères, montre bien que pour lui  aussi c’est dans cet amour fraternel et cette vie en communauté que Jésus continue d’être présent après l’Ascension.

 

C’est le sens de notre vie communautaire. Cela est bien exprimé dans le premier paragraphe de notre Ratio (ou document sur la formation) :

 

Moines et moniales cisterciens sont appelés par Dieu à suivre le Christ sur le chemin de l’Évangile, interprété par la Règle de saint Benoît et la tradition de Cîteaux.  Dans une communauté que le Seigneur a déjà rassemblée pour y être présent d’une manière toute particulière, ils se laissent former par l’amour de Dieu, chacune et chacun selon la râce qui lui a été donnée.

 

          On pourrait commenter plus longuement ce texte dont le message essentiel est qu’une communauté n’est pas un groupe de personnes qui se sont choisies, mais de personnes que Dieu a choisies et a réunies pour en faire un « signe » de sa présence, à travers le sacrement visible de leur unité.  C’est toute une mission !

 

          On pourrait noter aussi que le long discours de Jésus (ch. 13-17) est interrompu par plusieurs brèves interventions. Il y a tout d’abord Pierre qui affirme qu’il est prêt à donner sa vie pour Jésus (13, 36-38). Il y a la demande de Philippe (14,8) et puis celle de Judas (pas l’Iscariote) (14, 22) : « Comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et pas au monde ? ». La réponse de Jésus est très éclairante : « Si quelqu’un m’aime il observera ma parole, mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure ». Il y a dans cette réponse un condensé de la doctrine de saint Jean sur la foi.  Il est à noter qu’en Jean le substantif « foi » (en grec : pistis) ne se rencontre jamais.  Par ailleurs le verbe « croire » (en grec : pisteuô) se rencontre 98 fois.  Ce qui veut dire que la foi n’est pas quelque chose que l’on possède ; c’est quelque chose que l’on fait.  C’est une attitude, un « faire ». La foi s’exprime à travers l’amour. Et l’amour s’exprime dans le service.

 

          Toute communauté chrétienne – et donc aussi une communauté monastique – a pour mission d’être une manifestation visible du Christ et de son message.

 

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Félicitations à Père Bernard qui, aujourd’hui, bon pied bon œil, célèbre son 103ième anniversaire de naissance, toujours à notre service comme bibliothécaire avisé.

 

 

Armand VEILLEUX

 

 


 

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