1er mai 2016 :Chapitre de Scourmont

 

Le Saint Peuple de Dieu

 

 

          Il y a quelques semaines, le pape François a écrit une lettre au Cardinal Marc Ouellet, qui, en plus d’être le préfet de la Congrégation pour les évêques, est aussi le président de la Commission Pontificale pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. Cette lettre, signée le 19 mars, fête de saint Joseph, faisait suite à la rencontre de la Commission pour l’Amérique Latine dont le thème avait été la participation publique des laïcs dans la vie des Peuples. Cette lettre apparaît sur le Site Internet du Vatican dans sa langue originale, l’espagnol, ainsi que dans les traductions italienne, portugaise et anglaise. (Je ne sais pas comment interpréter le fait qu’elle n’a pas encore fait l’objet d’une traduction française…)

 

          Même si cette lettre de François concerne à première vue la place du laïcat dans l’Église – et la place des laïcs chrétiens dans la société – elle nous livre en réalité une vision de l’Église qui nous concerne tous. Toute l’ecclésiologie du pape François est centrée sur la notion de « Peuple », ce qu’il appelle « le Saint Peuple de Dieu ». Cette vision est bien résumée dans un des premiers paragraphes de cette Lettre, dont je donne ici une traduction rapide :

 

Considérer le Peuple de Dieu, c’est se rappeler que nous sommes tous entrés dans l’Église comme laïcs.  Le premier sacrement, celui qui scelle pour toujours notre identité, et dont nous devrions toujours nous enorgueillir, c’est le baptême.  Par lui et avec l’onction de l’Esprit Saint, les fidèles sont consacrés comme demeure spirituelle et sacerdoce saint (citation de Lumen Gentium, 10).  Notre consécration première et fondamentale trouve ses racines dans notre baptême. Personne n’a été baptisé prêtre ou évêque ! Nous avons été baptisés laïcs, et c’est là un signe indélébile que rien ne pourra jamais éliminer. Cela nous rappelle que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de consacrés, d’évêques, mais que nous formons tous le Saint Peuple fidèle de Dieu. L’oublier nous fait courir divers risques et déformations, tant dans notre vie personnelle que dans le ministère que l’Église nous a confié…   Le Saint Peuple de Dieu a été oint de la grâce de l’Esprit Saint. Nous devons être très attentifs à cette onction, lorsque nous réfléchissons, pensons, évaluons et discernons… »

 

          Cela n’est pas sans intérêt même pour les moines.  En effet, dans le cénobitisme pachômien en particulier, toute la spiritualité et la théologie de la vie monastique est bâtie autour de la notion de « baptême ». À cette époque (à la fin du 4ème siècle), plusieurs des moines arrivaient au monastère comme catéchumènes et chaque année lors de la Pâque, tous les moines des neuf monastères pachômiens se retrouvaient ensemble pour célébrer la Pâque, et les moines catéchumènes étaient baptisés durant la nuit pascale.

 

          Cette vision du « Peuple Saint de Dieu » chez François l’amène à développer un autre thème sur lequel il revient souvent, celui du « cléricalisme ». Il se plaint que souvent depuis le Concile on a simplement « utilisé » les laïcs pour faire des tâches cléricales. Le cléricalisme, dit-il, « oublie que la visibilité et la sacramentalité de l’Église appartient à tout le Peuple de Dieu (cf. LG 9-14). Et non seulement à quelques personnes choisies et éclairées ». Et cela l’amène à revenir sur un autre thème qui lui est cher, celui de la culture. C’est par une culture évangélisée que se fait l’évangélisation (idée développée largement dans Evangelii gaudium).

 

          François souligne le fait que beaucoup de grandes villes sont devenues des lieux de « survie », des lieux où la culture du rejet laisse peu d’espace à l’espérance. C’est là, souvent que se trouvent nos frères et nos sœurs laïcs, luttant pour survivre dans des conditions difficiles, souffrant souvent l’injustice. Et François ajoute :

 

Que signifie pour nous, pasteurs, que les laïcs travaillent dans la vie publique ? Cela signifie chercher comment les encourager, les accompagner, stimuler tous les efforts qui sont fait aujourd’hui pour maintenir l’espérance et la foi dans un monde plein de contradictions, spécialement pour les plus pauvres. Cela signifie pour nous pasteurs de nous engager au milieu de notre peuple, avec notre peuple, pour soutenir la foi et l’espérance

 

          Je crois que cela nous encourage à poursuivre l’activité qui se fait à Scourmont depuis vingt ans à travers la Fondation Chimay-Wartoise, et qui consiste à soutenir un grand nombre de projets qui concourent au développement intégral (économique, culturel, spirituel) de toute notre région. C’est une façon de reconnaître la dignité du Peuple de Dieu et de participer à l’évangélisation en aidant les laïcs à faire pénétrer dans la culture les valeurs de l’Évangile. (Ce qui est la nature de l’inculturation, sur laquelle François revient aussi dans cette lettre).

 

          François termine sa Lettre en soulignant l’importance de deux mémoires : la mémoire de Jésus-Christ et la mémoire de nos ancêtres. Les vrais protagonistes de l’histoire, dit-il, sont nos mères, nos grand-mères, nos pères.  Et pour nous, à Scourmont, ce sont ceux qui avant nous ont développé cette belle synergie avec le saint peuple de Dieu et dont nous sommes les héritiers.

 

Armand VEILLEUX

 

 


 

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