Solennité de la Trinité 2015

Abbaye de Scourmont

 

 

Le vivre ensemble trinitaire

 

          On parle beaucoup aujourd’hui du « vivre ensemble ». C’est une de ces belles expressions qui deviennent tout à coup à la mode et qui, finalement, sont un peu galvaudées par leur utilisation à toutes les sauces.  Le « vivre ensemble » est certainement une très belle expression sur laquelle il vaut la peine de réfléchir, car elle nous parle de vie et de communion.

 

          Lorsqu’on parle du « vivre ensemble », de nos jours, on pense d’abord à la nécessité pour des personnes de différentes cultures et de différentes religions de savoir vivre ensemble dans un même pays, dans une même région, et même sous un même toit et à la présence du religieux dans un monde laïc. On le voit comme un antidote aux tensions ethniques et religieuses, aux guerres entre pays et entre blocs de pays.

 

          Le Centre Sèvres, à Paris, organise un Colloque qui aura lieu en février prochain sur le thème : La vie religieuse facteur de communion dans un monde en recherche du vivre ensemble. C’est un thème qui peut être abordé par plusieurs angles et on m’a demandé de le faire du point de vue de la théologie de la vie religieuse. J’ai commencé à y réfléchir un peu, en profitant des petits trous qu’on peut trouver dans l’horaire de chaque jour ; et j’aimerais vous partager quelques points de cette première réflexion, qui n’est pas sans relation avec la solennité d’aujourd’hui.

 

          Une théologie de la vie religieuse doit évidemment s’inscrire dans une théologie de l’Église. Or, à Vatican II, le point de départ de la théologie de l’Église est le mystère de la vie divine au sein de la Trinité. Le salut que Dieu veut donner à tout homme est la participation à cette vie divine qui est la relation d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit. Le Christ est le sacrement primordial de ce dessein salvifique du Père, puisqu’il est ce mystère communiqué à un être qui est à la fois parfaitement Dieu et parfaitement homme. L’Église est, à son tour le mystère du salut, puisqu’elle est la manifestation visible de cette communion dans la communion concrète entre des personnes humaines dans la même foi, la même espérance et la même charité.  Partout où il y quelques personnes qui vivent cette communion, il y a l’Église.  L’Église locale n’est pas une subdivision administrative de l’Église universelle.  C’est plutôt l’Église universelle qui résulte de la communion entre toutes les Églises locales.

 

          En chaque communauté religieuse il y a donc, sous le signe de notre « vivre ensemble », le sacrement – ou manifestation visible – du « vivre ensemble » au sein de la Trinité. C’est ce qui fait toute la beauté et toute la valeur théologique et spirituelle de notre vie monastique cénobitique, malgré nos faiblesses et nos limites.

 

          La théologie de l’Église de Vatican II se trouve en deux grands documents complémentaires.  Elle se trouve d’abord dans la Constitution conciliaire Lumen Gentium ; mais celle-ci n’est pas complète sans son pendant Gaudium et Spes, sur le rôle de l’Église dans le monde.

 

          Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus envoie ses disciples à toutes les nations, leur demandant de les baptiser au nom du Père et du Fils et de l’Esprit. L’Église n’existe pas pour elle-même.  Elle existe pour le monde, pour être envoyée au monde, pour transmettre à tous les hommes, de toutes les nations, le mystère de la participation à la vie trinitaire.

 

          Je reviens souvent sur la distinction entre foi et religion – une distinction vraiment capitale.  La foi est de l’ordre de l’expérience spirituelle, de la rencontre personnelle du Christ.  La religion est de l’ordre de la mémoire collective de cette expérience et des moyens mis en œuvre pour la nourrir et la transmettre. L’Évangélisation se situe aux deux niveaux.  C’est la tâche de tous les baptisés d’évangéliser.  Le pape François a souvent rappelé que l’évangélisation n’est pas la tâche de quelques personnes choisies, mais que tout baptisé, de par même son baptême, peut et doit évangéliser.  Certaines personnes sont appelées à le faire surtout soit à travers une activité sacramentelle ou dans une implication sociale de l’Évangile.  D’autres sont appelées à le faire essentiellement au niveau de la foi, c’est-à-dire au niveau du partage de l’expérience spirituelle de foi.

 

          En tant que communauté monastique, nous sommes appelés à incarner dans notre vie communautaire le « vivre ensemble trinitaire », à travers la qualité de notre relation au Père, au Fils et à l’Esprit, et aussi à travers la qualité de notre « vivre ensemble communautaire ».

 

Armand Veilleux

 

 

 

 

 

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